Michel Singer, a été initié franc-maçon en 1990 à la Grande Loge de France, obédience maçonnique dont il a été le Grand Chancelier (ministre des affaires étrangères en quelque sorte), au début des années 2000. Il est donc un bon connaisseur des affaires internationales de la Franc-Maçonnerie.
Il est aujourd’hui membre de la Grande Loge de l’Alliance Maçonnique Française (GL-AMF) et Grand Maître Honoris Causa des Grandes Loges Unies de l’Inde.
Il analyse ici la communication du Grand Chancelier de la Grande Loge Unie d’Angleterre à propos de la Grande Loge Nationale Française, en date du 11 septembre 2013.
Il s’exprime ici en son nom personnel.
Je publierai je pense plusieurs points de vue différents sur la communication du Grand Chancelier de la GLUA, ainsi que mon analyse personnelle, évidemment quelque peu différente de celle de Michel Singer, ultérieurement.
Je tenais simplement à vous faire part de cette analyse.
Voici le texte de Michel Singer :
La déclaration en date du onze septembre du Grand Chancelier de la Grande Loge unie d’Angleterre, Derek Dinsmore, est effectivement assez douce, mais parfaitement éloquente.
Il a raison ! en fait les cartes sont maintenant distribuées sur la table de jeu.
Que la Grande Loge Loge Unie d’Angleterre admette, ne serait-ce que l’existence de la nouvelle Confédération française des grandes Loges régulières, est déjà un pas gigantesque en avant de sa part. C’est un vrai coup de pouce à cette Confédération pour qu’elle fasse deux choses : tout d’abord, qu’elle admette dans ses rangs la Grande Loge Nationale Française qui se remet lentement mais surement des turpitudes qu’elle a vécu pendant trois ans. Cela changerait clairement alors l’attitude de la Confédération qui se retrouverait en position de force pour proposer la reconnaissance à terme de la Grande Loge Unie d’Angleterre dans sa globalité au prétexte qu’elle n’est composée que de Grandes Loges régulières acceptant les principes de base (basic principles ) et les landmarks de la maçonnerie traditionnelle. En revanche le deuxième élément de rapprochement est le plus compliqué à réaliser.
La Grande Loge de France, première obédience dans notre pays appliquant les principes de régularité maçonnique et la plus puissante par sa taille, se retrouve dans cette confédération devant un choix cornélien. Rentrer une fois pour toutes dans le jeu et rompre définitivement ses relations avec le Grand Orient de France et ne plus accepter l’inter-visite d’avec la principale obédience maçonnique française non reconnue et ses satellites pour se retrouver dans une vraie régularité. Si la Grande Loge de France a le courage de réaliser cet enjeu, alors oui, la Confédération maçonnique française pourra prochainement prétendre au retour parmi les cent cinquante et plus Grandes Loges régulières et reconnues dans le monde (environ deux million cinq cent mille maçons). Si elle n’a pas le courage de passer à l’action, nul doute que les cartes seront redistribuées et seule la Grande Loge Nationale française pourra prétendre à l’avenir à la re-reconnaissance anglaise. La Grande Loge de France mettrait alors en péril l’existence même de cette nouvelle confédération et les Grandes Loges participantes n’hésiteront pas un seul instant à reprendre leurs autonomies et leurs indépendances pour avancer de manière personnelle dans leurs visions et souhaits de relations internationales.
Dans ce cas, la Grande Loge Nationale Française serait alors en position de force pour
récupérer à terme sa reconnaissance perdue en 2012. Le système électif des responsables de la Grande Loge de France fait que le courage d’action internationale n’est pas la spécialité de ses
dirigeants. Les mandats des responsables étant remis en cause annuellement et soumis au vote des députés du Convent et sachant que les deux tendances laïques d’une part et traditionnalistes
d’autre part sont toujours présentes au sein de la Grande Loge de France, on peut aisément penser que les débats seront rudes et douloureux lors de leurs prochains convents, quand il faudra
décider dans quelle direction aller.
Faudra-t’il voter une rupture des relations avec le Grand Orient de France en oubliant les relations fraternelles existantes depuis les tragédies vécues ensemble et particulièrement celle de la deuxième guerre mondiale, ou faudra-t’il maintenir ces relations au prix de mettre en péril l’existence même de la nouvelle confédération ? Car n’en doutons pas, si les relations Grande Loge de France – Grand Orient de France sont maintenues, les autres membres de la Confédération (GL-AMF – GLIF) n’hésiteront pas à la quitter pour aller négocier séparément avec la Grande Loge Nationale Française. Une nouvelle confédération verrait à ce moment là le jour, incluant la GLNF, la GL-AMF et la GLIF, qui pourrait prétendre à la reconnaissance anglaise en démontrant sans équivoque leur respect commun des principes de bases et des landmarks traditionnels. Les deux clés des principes de base sont simples. D’une part, que le symbole du Grand Architecte de l’Univers soit accepté en tant que divinité et à ce sujet la Grande Loge Unie d’Angleterre a assoupli ses positions depuis quelques années puisqu’elle accepte maintenant le concept déiste, c’est-à-dire la notion de principe créateur prôné par la Grande Loge de France, d’autre part interdire l’inter-visite aux membres des obédiences non reconnues par la Franc maçonnerie internationale et évidemment pour la Grande Loge de France, supprimer l’inter-visite des membres du Grand Orient de France.
Si elle refuse d’appliquer ces principes de base, la Grande Loge de France se retrouverait alors de facto exclue du jeu de la régularité et resterait dans sa position ambigüe au sein de la maçonnerie en France.
C’est un choix extrêmement douloureux devant lequel se trouve la Grande Loge. Saura-t’elle faire face à un tel dilemme, quelle route choisira-t’elle ? C’est la carte inconnue du jeu actuel. Si elle choisit la rupture d’avec le Grand Orient de France, on peut penser qu’un certain nombre de membres la quitteront pour rejoindre les rangs de ce dernier. J’estime le nombre à quelques centaines seulement mais c’est le geste qui embarrasserait considérablement la Grande Loge. Ce serait alors une scission de 1964 à l’envers. Pour mémoire, un traité d’amitié et de reconnaissance mutuel signé en 1964 entre la Grande Loge de France et le Grand Orient de France avait poussé environ six cent membres de la Grande Loge à la quitter et à rejoindre la Grande Loge Nationale Française, déjà reconnue à cette époque par les Anglais. Le jeu en vaut-il la chandelle ? La Grande Loge prendra-t’elle le risque d’une scission en son sein au profit d’un retour vers la reconnaissance internationale, ou choisira-t’elle de rester en relations officielles avec les Grandes Loges françaises non reconnues ?
Un facteur déterminant sera l’attitude des loges de la Grande Loge de France.
Elles sont nombreuses à ne pas s’intéresser aux destinées internationales de cette dernière. Quelle importance en effet pour une loge de province d’obtenir la reconnaissance anglaise alors que ses membres sont en bonne entente avec les membres voisins du Grand Orient ou d’autres obédiences voisines ? Clairement aucune et demander à ses loges un choix à ce sujet pourra poser un vrai problème lors d’un vote des députés de loges au Convent. Car à la Grande Loge de France, ce sont les députés qui votent toutes les modifications de leur Constitution et règlements généraux. Et dans un tel cas, il faudra voter…
C’est vraiment une situation cornélienne et dramatique qui peut en fonction du choix que fera la Grande Loge de France, redessiner entièrement la carte géo-politique de la franc-maçonnerie française. L’heure des choix difficiles pour tous est arrivée et il ne pourra pas y avoir de faux-fuyants. Il faudra choisir. Sans équivoque, c’est la Grande Loge de France qui possède la clé d'une éventuelle reconnaissance anglaise dans l’avenir. Quelle serrure ouvrira-t-elle ? La rupture d’avec le Grand Orient et l’accès à la régularité internationale ou le maintien du statu-quo avec les obédiences françaises non reconnues ?
L’avenir nous le dira.
Michel Singer
° Le texte (en anglais) du Grand Chancelier de la GLUA :
Quarterly Communication : 11 September 2013
A statement by the Grand Chancellor Derek Dinsmore on the Grande Loge Nationale Française (GLNF)
MW Pro Grand Master and brethren, Grand Lodge will recall that twelve months ago it voted to withdraw recognition from the Grande Loge Nationale Française (GLNF). Since then the Board and its External Relations Committee have continued to monitor the situation in France.
Last December the GLNF installed a new Grand Master, MW Bro Jean Pierre Servel, as a result of which the mandate of the Court appointed administrator ceased so that the GLNF is once again in full control of its affairs. His predecessor as Grand Master, having failed to attend a disciplinary hearing, has been expelled. The new Grand Master has already made changes welcomed by his brethren and is setting in train constitutional processes to return to the Grand Lodge and its constituent lodges powers and authority removed by his predecessor. His actions appear to be restoring harmony within the GLNF.
Five Grand Lodges in Europe – Austria, Belgium, Germany, Luxembourg and the Swiss Grand Lodge “Alpina” – have been in discussion with four other Grand Lodges in France with regard to the formation of a “Federation of Regular French Grand Lodges”. The four Grand Lodges, none of which has ever been recognised by this Grand Lodge, are: the Grande Loge de France, the Grande Loge de l’Alliance Maçonnique Française, the Grande Loge Traditionnelle et Symbolique Opéra and the Grande Loge Indépendante de France. In June they agreed a charter outlining the basic principles on which the Federation will be founded but have not yet given any details as to how it will be organised and administered. So far the discussions have not included the GLNF, despite its having been internationally recognised for almost one hundred years as the only representative of regular Freemasonry in France.
Whilst the five European Grand Lodges have kept us informed of the progress of the discussions it is important to note that this Grand Lodge has not been a party to them nor has it given any sanction to the project. It is equally important to note that, should the Federation come into being, before we could consider extending recognition this Grand Lodge would have to be wholly satisfied that each of its constituent Grand Lodges fully complied with our Basic Principles for Grand Lodge Recognition.
The “blogosphere” is, as usual, full of rumour and misinformation, particularly regarding what the United Grand Lodge of England is supposedly planning in relation to France. We continue to believe that the problems in France are internal to that country and that the French brethren should be allowed to sort out their problems without interference from outside. Whilst we welcome the changes taking place within the GLNF we do not have under active consideration any plan to recognise or re-recognise any Grand Lodge in France. We will continue to monitor the situation and, in doing so, will not enter into any formal discussions with any of the Grand Lodges in France. As a consequence of this position, we shall not be participating in any way in the centenary celebrations of the GLNF to be held later this year.
° Pour aller plus loin :
° La très intéressante Communication de la Grande Loge Unie d’Angleterre du 11 septembre 2013, sur ce site.
° L’avis (Stattement) de la Grande Loge Unie d’Angleterre sur la GLNF, du 11 septembre 2013, sur le site de Freemasonry Today.
° Dynamite : la GLUA tance la GLDF et la GLNF, sur le site de François Koch.
° Michel Singer : "Seul le Grand Orient de France voit dans les négociations en cours un danger de perdre sa prétendue position dominante" , sur ce site.
° RPMF : Les 5 GL européennes accueillent la Confédération Maçonnique de France avec enthousiasme !, sur ce site.
° Le courrier des 5 GL européennes du 10 juillet 2013, sur ce site.
° RPMF : « Déclaration de Paris » du 3 juillet 2013. La CMF va de l’avant !, sur ce site.
° Le texte de la « Déclaration de Paris » du 3 juillet 2013, sur ce site.
° Le traité fondateur de la Confédération Maçonnique de France et le protocole d’Intervisites, sur ce site.
° Convent 2013 historique de la Grande Loge de France. La Confédération Maçonnique de France créée, sur ce site.
° Première tenue « confédérale » à la Grande Loge de France, sur ce site.
° RPMF : Le prétexte LNF, sur ce site.
° RPMF : Le Pari Confédéral, sur ce site.
° RPMF : Des réponses aux rumeurs qui font peur ! , sur ce site.
° RPMF : Tenues communes pour les frères des cinq Obédiences Régulières françaises, sur ce site.
° RPMF : Conférence de presse de Marc Henry et des Grands-Maîtres des obédiences régulières françaises, sur ce site.
° Marc Henry (GLDF) : « La Confédération aura une direction à 5 têtes. »,sur le site La Lumière de François Koch.
° La Grande Loge Indépendante de France est consacrée, sur ce site.
° GLTSO : le Grand-Maître Jean Dubar parle de la recomposition du paysage maçonnique français, sur ce site.
° RPMF : La Confédération des Grandes Loges Traditionnelles Régulières est en marche, sur ce site.
° Déclaration des cinq Grandes Loges Françaises du 18 décembre 2012, sur ce site.
° Déclaration des cinq Grandes Loges Régulières du 12 septembre 2012, sur ce site.
° GLNF : Le texte de la GLUA qui enlève la reconnaissance (explications), sur ce site.
° GLNF : La reconnaissance anglaise, c’est fini, sur ce site.
° La Grande Loge de France confirme que les négociations sont engagées avec les 5 Grandes Loges européennes, sur ce site.
° La Grande Loge de France accepte d'ouvrir des discussion avec les 5 grandes loges régulières européennes, sur ce site.
° La Grande Loge de France en pleine forme et très convoitée avant son Convent, sur ce site.
° Après l'appel de Bâle des grandes loges réagissent, sur ce site.
° Le communiqué de Presse officielde la Grande Loge de France, sur l'élection de Marc Henry, sur ce site.
° Marc Henry élu Grand-Maître de la Grande Loge de France, sur ce site.
° La GLDF répond officiellement aux 5 obédiences européennes, sur ce site.
° La déclaration de Bâledu 10 juin 2012, sur ce site.
Attention ! Cet article, comme tous les articles du "Bloc-Notes de Jean-Laurent sur les Spiritualités", (http://www.jlturbet.net/) est écrit en mon nom personnel.
Je ne parle ni au nom d'une association, ni d'un parti, ni d'une loge, ni d'une obédience maçonnique.
Mes propos n'engagent que moi et non pas l'une ou l'autre de ces associations.
Je ne suis en aucune façon habilité à écrire au nom d'une association, d'un parti, d'une loge, d'une obédience maçonnique. Tout ceci pour que cela soit bien clair, qu'il n'y ait aucune ambiguïté de quelque nature que ce soit.
Quelles que soient mes responsabilités - ou non - présentes ou futures dans une organisation, les propos tenus dans cet article comme dans tous les articles de ce Bloc-Notes, sont exclusivement des opinions personnelles qui n'engagent que moi.
Je rappelle simplement que la liberté d’expression est en France un droit Constitutionnel, quelle que soit notre appartenance à une association de quelque nature que ce soit.
Dans son article 10, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »
Dans l'article 11, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose aussi que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »
Ces deux articles ont valeur constitutionnelle car le préambule de la Constitution de la Ve République renvoie à la Déclaration de 1789.
La Constitution et les Lois de la République Française s'appliquent sur l'ensemble du territoire national et s'imposent à tout règlement associatif particulier qui restreindrait cette liberté fondamentale et Constitutionnelle de quelque façon que ce soit.
Jean-Laurent Turbet
Commenter cet article