Je vous propose la lecture d’une partie d’une conférence publique donnée dans le Grand Temple de la rue Puteaux en 1984 par Henri Tort-Nouguès, alors Grand-Maître de la Grande Loge de France.
Cette Conférence s’appelle : « Règle et principes de la Franc-Maçonnerie Traditionnelle », et la partie de la conférence dont je vous propose la lecture s’intitule « La franc-maçonnerie et sa relation avec le monde politique ».
Cette conférence a été publiée dans le N°53 de la revue de la Grande Loge de France « Points de Vue Initiatiques » (PVI). Vous pouvez vous la procurer en achetant ce DVD exceptionnel des 40 ans de PVI.
Les propos d’Henri Tort-Nouguès sont toujours d’actualité.
Jean-Laurent Turbet
Voici donc « La franc-maçonnerie et sa relation avec le monde politique » :
« En traitant de la relation de la franc-maçonnerie et de la patrie, nous étions entrés dans le domaine du temporel, et nous y resterons en étudiant les rapports de la franc-maçonnerie avec la politique, j'aimerais mieux dire LE politique. Dans ce domaine, on a souvent énoncé des contre-vérités, des opinions aussi diverses qu'erronées. Aussi, voudrions-nous nous arrêter un moment sur cette question en essayant de l'éclairer.
Pour cela, nous partirons de deux propositions, disons même de deux constatations.
La première consiste à dire qu'aujourd'hui comme hier, le franc-maçon n'appartient pas à un ordre qui se veut uniquement et seulement contemplatif mais qu'il veut être un homme d'action, un bâtisseur, et dans le cadre de la cité et de la société où il vit un homme responsable qui s'efforce de traduire son idéal dans ses actes.
La seconde, qui découle de la première, nous montrera que nombreux sont les francs-maçons qui participent à la vie politique de leur pays, et cela, à tous les niveaux : conseils municipaux, conseils généraux, conseils de la région, Assemblée Nationale, Sénat, Conseil Economique et Social. Il y a des francs-maçons ministres.
Le phénomène n'est pas nouveau et a toujours existé en France, sous la cinquième République, sous la quatrième et la troisième, sous l'Empire et même dans l'Ancien Régime.
Par ailleurs, et c'est un fait, nombreux sont les hommes qui participent à la vie politique de notre pays et qui ne sont pas francs-maçons.
Il y a, par exemple, dans le gouvernement qui préside aux destinées de la France, des ministres qui sont catholiques, protestants, juifs, athées.., Peut-on dire qu'ils vont chercher les directives de leur action soit auprès de l'Archevêché de Paris, du Conseil Œcuménique des Eglises réformées ou du Consistoire israélite, ou auprès de la Fédération Rationaliste ? Nous ne le pensons pas. ils déterminent leur action politique en fonction des engagements qu'ils ont pris devant leurs électeurs et avec les partis auxquels ils appartiennent, en fonction de leur conscience. Il en est de même des ministres francs-maçons. La Grande Loge de France ne s'arroge et ne saurait s'arroger le droit de leur donner des directives et des consignes. Si elle le faisait, elle perdrait le sens de sa vocation et se dénaturerait. Car la franc-maçonnerie, par définition, veut être un centre d'union et pour cela elle respecte le droit à la différence, la libre conscience dans leur détermination des hommes qui la composent. Il en est du domaine politique comme du domaine religieux.
La liberté de conscience est notre loi et, ainsi que le respect de la démocratie, du suffrage universel quand il est légalement et normalement exprimé.
Si nous passons des gouvernants aux gouvernés, nous rappellerons un article important de notre constitution où il est écrit : «Les francs-maçons respectent les lois et l'autorité légitime des pays dans lesquels ils vivent et se réunissent librement«, et on ajoute, «ils sont des citoyens éclairés et disciplinés et conforment leur existence aux impératifs de leur conscience«. Ajoutons encore que dans ce domaine politique, comme dans le domaine religieux, ils recherchent la conciliation des contraires, «ils cherchent à unir les hommes dans le respect de la personnalité de chacun ».
Dans ce domaine particulier qu'est le domaine politique, nous retrouverons donc une constante dans la philosophie de la franc maçonnerie : c'est la défense de la liberté, de toutes les libertés, et la défense de ce qui est juste et raisonnable, la recherche de la concorde entre les citoyens et de l'union entre les hommes, le respect scrupuleux de la personne humaine. Ainsi, c'est quand les droits de la personne nous semblent menacés, lorsque les libertés fondamentales nous paraissent en péril, que les francs-maçons, par-delà leurs différences religieuses, politiques, philosophiques, s'unissent pour sauvegarder ces droits et ces libertés. Allons plus loin en ajoutant que la franc-maçonnerie, en tant qu'institution, a non seulement le droit mais le devoir d'intervenir dans la vie publique lorsque des fanatismes de toutes sortes, des systèmes totalitaires, menacent l'existence même, détruisent les colonnes de ses temples, persécutent et assassinent les francs-maçons eux-mêmes comme elle l'a fait dans un passé récent, comme elle le ferait encore contre tout système totalitaire qui interdirait la franc-maçonnerie et persécuterait les francs-maçons.
En ce qui concerne la vie intérieure de la loge, rappelons ici l'essentiel de l'article IV des Déclarations de la Grande Loge de France selon lequel toute controverse, dispute touchant à des questions politiques comme à des questions confessionnelles, est interdite en loge et que si des exposés sur ces questions sont proposés, c'est en dehors de tout esprit partisan et sectaire et que, si débats il y a, «ils ne sauraient jamais donner lieu à un vote, ni à l'adoption de résolutions qui seraient susceptibles de contraindre les sentiments et les opinions de certains frères ».
Dans ce domaine si difficile, où trop souvent les passions risquent de provoquer des déchirements, la franc-maçonnerie s'efforce d'apporter une volonté de dialogue constructif, un esprit de concorde et d'harmonie. En agissant ainsi, nous sommes les fidèles continuateurs de ceux qui posèrent les fondements de l'Ordre maçonnique au début du XVIIIème siècle.
«Aucune brouille, ni querelle, ne doit passer le seuil de la loge et moins encore quelque querelle à propos de la religion ou de la politique» Constitutions d'Anderson Article Vl-2.
N'oublions pas que lorsque se reconstituent les loges maçonniques en Angleterre, en Ecosse, en France, en Europe, ces différentes nations viennent de connaître les terribles guerres civiles, que pendant des décennies des hommes se sont déchirés et massacrés pour des questions religieuses et pour la conquête du pouvoir politique, que les consciences ont été profondément marquées par ces déchirements.
Ainsi, la plupart des hommes de ce temps aspirent à la paix civile et recherchent une certaine union dans la tolérance réciproque ; ils espèrent en une humanité enfin réconciliée avec elle-même et s'efforcent d'en réaliser le modèle dans la loge maçonnique elle-même ».
Henri Tort-Nouguès , Grand-Maître de la Grande Loge de France.
« Règle et principes de la Franc-Maçonnerie Traditionnelle », 1984.
° Pour aller plus loin :
° Le site de la Grande Loge de France.
° 40 de PVI, DVD comprenant 40 ans d’articles publiés dans la revue Points de vue initiatiques, de la Grande Loge de France. Exceptionnel !
° La Grande Loge de France et le politique, sur ce site.
° Portrait d'Henri Tort-Nouguès, ancien Grand Maître de la Grande Loge de France, sur ce site.
° Henri Tort-Nouguès : Règles et Principe de la Franc-Maçonnerie traditionnelle, sur ce site. Conférence de 1984.
° Henri Tort-Nouguès : La Franc-Maçonnerie et le Politique , sur ce site. Extraits de PVI, journal de la GLDF.
° Hommage à Henri Tort-Nouguès le 19 octobre 2013 à la Grande Loge de France, sur ce site.
° Gustave Mesureur, Franc-Maçon et homme politique exemplaire, sur ce site.
° Pierre Brossolette doit entrer au Panthéon, sur ce site.
° Jean Jaurès et la Grande Loge de France, sur ce site.
° "Guide de l'Orient éternel", de Maurice Lévy, sur ce site.
° Madeleine Pelletier, une combattante. Franc-maçonne, féministe, socialiste et… libre !, sur ce site.
° Louise Michel franc-maçonne, sur ce site.
° La Loge « Diderot » Madeleine Pelletier, Louise Michel … et la Grande Loge de France, sur ce site.
° La « Jérusalem Ecossaise » va réunir la famille du REAA le samedi 8 décembre 2012, sur ce site.
° La Grande Loge Symbolique Ecossaise, ou les avant-gardes maçonniques (1880-1911), de Françoise Jupeau Réquillard, sur ce site.
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Dans son article 10, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »
Dans l'article 11, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose aussi que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »
Ces deux articles ont valeur constitutionnelle car le préambule de la Constitution de la Ve République renvoie à la Déclaration de 1789.
La Constitution et les Lois de la République Française s'appliquent sur l'ensemble du territoire national et s'imposent à tout règlement associatif particulier qui restreindrait cette liberté fondamentale et Constitutionnelle de quelque façon que ce soit.
« Jurez-vous, de plus, d’obéir fidèlement aux chefs de notre Ordre, en ce qu’ils vous commanderont de conforme et non contraire à nos lois ? » (Extrait du Serment prêté par chaque franc-maçon lors de son initiation).
Jean-Laurent Turbet
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