Le texte de réponses de la Sacré Congrégation pour la Doctrine de la Foi à des questions concernant certains aspects de la doctrine sur l’Eglise, paru le 10 juillet dernier, sous la signature du Préfet, le Cardinal William Joseph Levada, et du Secrétaire de la Congrégation, Mgr Angelo Amato fait déjà couler beaucoup d'encre et soulève de nombreuses protestations dans les milieux chrétiens.
Rappelons tout d'abord que cette organisation est la plus ancienne des neuf Congrégations de la Curie romaine, puisqu'elle fut fondée par Paul III avec la Constitution Licet ab initio du 21 juillet 1542, pour défendre l'Église des hérésies, sous le nom de "Sacrée Congrégation de l'Inquisition romaine et universelle".
C'est ce qu'on appelait plus couramment l'Inquisition.
C'est Paul VI qui a redéfini les compétences de cette vénérable institution et lui a donné son nom actuel, à la veille de la conclusion du Concile Vatican II, par le Motu proprio Integrae servandae, du 7 décembre 1967.
Benoit XVI, alors qu'il n'était encore que le Cardinal Ratzinger, a tenu la Congrégation d'une main de fer ultra conservatrice, avec la bénédiction de Jean-Paul II, de 1981 à 2005.
Benoit XVI ne cesse d'entrainer l'église catholique dans un sens toujours plus conservateur. Quatre jours seulement avant la publication de ce texte nous apprenions l'existence du motu proprio libéralisant le rite tridentin, c'est à dire la liturgie traditionnaliste d'avant Vatican II.
Benoit XVI ne cesse d'ailleurs de donner des signes et des gages - sans contre partie - aux traditionalistes. Le texte de la Congrégation en est un nouvel exemple.
Après la déclaration Dominus Iesus (2000), que ce nouveau texte vient expliciter à nouveau, il s'agit clairement ici d'une nouvelle remise en cause de ce qu'il était convenu d'appeller "l'unité des chrétiens".
Ce texte veut répondre à une question centrale du christianisme : où est l’unique Église du Christ ?
La réponse catholique, fondée sur Vatican II, et qui met le feu aux poudres : « Cette unique Église du Christ subsiste dans l’Église catholique » (constitution Lumen gentium, n. 8).
En ajoutant cette précision d'importance dans le texte publié le 10 juillet : «Le Christ a établi sur la terre une Eglise unique et l'institua comme assemblée visible et communauté spirituelle: depuis son origine, elle n'a cessé d'exister au cours de l'histoire et toujours elle existera, et c'est en elle seule que demeurent à jamais tous les éléments institués par le Christ lui-même. C'est là l'unique Eglise du Christ, que nous confessons dans le symbole une, sainte, catholique et apostolique. Cette Eglise, constituée et organisée en ce monde comme une société, subsiste dans l'Eglise catholique gouvernée par le successeur de Pierre et les évêques en communion avec lui.»
(...) «S’il est correct d’affirmer que l’Église du Christ est présente et agissante dans les Églises et les communautés ecclésiales qui ne sont pas encore en pleine communion avec l’Église catholique, grâce aux éléments de sanctification et de vérité qu’on y trouve, le verbe “subsister” ne peut être exclusivement attribué qu’à la seule Église catholique.»
En termes clairs : Hors l'église catholique, point de salut !
Et voilà 40 ans d'œcuménisme qui passe à la trappe en quelques mots. Exit les orthodoxes, les luthériens, les calvinistes etc....
A partir de cette autre note (Vatican II, Unitatis redintegratio, n. 3) concernant les protestants : «En conséquence, ces Églises et communautés séparées, bien que nous les croyions victimes de déficiences, ne sont nullement dépourvues de signification et de valeur dans le mystère du salut. »
Le texte du 10 juillet en tire la conclusion: «Les communautés chrétiennes nées de la Réforme du XVIe siècle (…) qui n'ont pas conservé l'authentique et intégrale réalité du Mystère eucharistique, surtout par la suite de l'absence de sacerdoce ministériel, ne peuvent être appelées “Églises” au sens propre selon la doctrine catholique.»
La Fédération Protestante de France a aussitôt réagi dans un communiqué de Presse :
Il est légitime que l’Église catholique rassure ses enfants les plus inquiets et qu’elle travaille à son unité interne.
Ce texte de la Congrégation pour la doctrine de la foi a évidemment des répercussions externes, car différentes compréhensions de l’Église (et l’importance donnée à cette question) divisent encore profondément les chrétiens. Personne ne peut attendre que l’autre se rallie à ses convictions. Partant des fermes convictions qui sont les siennes, chaque Église s’engage avec le plus de clarté possible dans le dialogue, seul chemin vers la pleine communion.
Nous souhaitons et nous prions que chaque Église (et l’Église catholique romaine aussi !) puisse proposer des pistes de dialogue, ou plutôt prendre en compte les résultats des dialogues théologiques, s’engager dans un chemin de « conversion », et non pas se contenter de la répétition de ses propres convictions ecclésiologiques.
Nous confessons tous l’Église dans son unité, sa sainteté, sa catholicité, son apostolicité. Mais «autre est la vérité de fond, autre est la forme». C’est dans cette ligne ouverte par le pape Jean XXIII que pour notre part nous poursuivrons le dialogue en vue de l’unité sans uniformité des chrétiens et de leur témoignage.
C'est avec beaucoup de diplomatie que la FPF a répondu.
Mécontente, elle reste pourtant volontaire pour poursuivre un dialogue, mais «sans uniformité».
D'une autre nature est la réaction de l’Alliance réformée mondiale. Celle-ci regroupe 200 églises chrétiennes à travers le monde (dont l'Eglise Réformée de France).
Son secrétaire général, le pasteur Setri Nyomi, a aussitôt écrit au cardinal Walter Kasper, président du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens, pour lui demander des «explications sur ce que signifie ce document».
Setri Nyomi confie en effet que son organisation est «déconcertée». Pour lui, ce texte «nous ramène à un mode de pensée et à une atmosphère qui régnaient avant le concile Vatican II». Et il exprime deux doutes sur «le sérieux avec lequel l’Église catholique romaine considère le dialogue avec la famille réformée et les autres familles de l’Église» et sur le sens «de la prière en commun pour l’unité chrétienne».
Toujours au niveau mondial, Georges Lemopoulos, secrétaire général adjoint du Conseil œcuménique des Églises (COE, qui regroupe 347 Églises protestantes, orthodoxes, anglicanes et autres), insiste dans un communiqué sur la nécessité d’un dialogue œcuménique «authentique», fondé sur «un partage honnête des points communs, des divergences et des différences».
Au delà des bonnes volontés de l'oeucuménisme post-Vatican II, des "mauvaises langues" ne disent-elles pas que l'Eglise Catholique apostolique et romaine assume enfin aujourd'hui ce qu'elle n'a en fait jamais cessé d'être....?
Le Conseil Pontifical pour l'Unité des Chrétiens a annoncé n'avoir pas été tenu au courant de l'élaboration et de la publication du texte de la Sacré Congrégation pour la Doctrine de la Foi. La main gauche de "l'Eglise Unique" ignore-t-elle se que fait sa main droite? Nous ne pouvons le croire.
Face à cette nouvelle direction prise depuis des années déjà par l'Eglise catholique, le mieux n'est-il pas de relire Calvin ?
- Lire le texte de la Sacré Congrégation pour la doctrine de la foi :
http://www.cef.fr/catho/actus/dossiers/2007/doctrinefoi/reponses.php
- Lire le commentaire de l'Osservatore Romano : http://www.cef.fr/catho/actus/dossiers/2007/doctrinefoi/commentaires.php
- Lire l'article du Monde : Glaciations vaticanes.
- Lire l'article de Réforme : Ad Nauseam... (sur abonnement)
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Ces deux articles ont valeur constitutionnelle car le préambule de la Constitution de la Ve République renvoie à la Déclaration de 1789.
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Jean-Laurent Turbet
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