🕯️ Le Grand Silence :
Que font les disciples le jour du Shabbat,
après la mort de Jésus ?
Un jour vide dans les Écritures
Entre le vacarme tragique du Vendredi saint et l’éclat de lumière du matin de Pâques, il y a un jour de silence.
Un jour oublié. Un jour sans miracle, sans parole, sans consolation.
Ce jour, c’est le Shabbat – le repos juif – mais aussi le samedi saint, ce moment suspendu où Jésus est mort et enseveli, et où les disciples, désemparés, sont livrés à eux-mêmes.
Les Évangiles de Marc, Matthieu, Luc et Jean n’en disent rien. J'ai regardé, les évangiles apocryphes, ils n'en disent rien non plus. Ils passent directement de la mise au tombeau le vendredi soir au matin du dimanche de Pâques. Mais sur la nuit de vendredi au samedi, sur la journée de samedi et sur la nuit de samedi à dimanche : rien.
Le shabbat passe en silence, comme un voile qui se ferme.
Et pourtant… ce silence est éloquent. Il dit la peur, la désillusion, la tristesse.
C'est le silence du Disciple. Le silence de l'Apprenti devant l'inconnu.
Il dit aussi la fidélité, la prière, l’attente confuse. Que faisaient donc les disciples ce jour-là ? Nous ne pouvons que compter sur notre imagination car rien n'est écrit dans les textes.
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Un Shabbat derrière des portes closes.
C’est le début du shabbat. Le soleil s’est couché, et comme chaque vendredi soir, la lumière des bougies a été allumée. Mais cette fois, les flammes dansent dans une pièce verrouillée, à l’abri des regards.
Les disciples sont réunis – onze désormais, car Judas n’est plus. Les femmes, comme Marie, mère de Jacques et de Jésus ou Marie de Magdala, la compagne du Seigneur comme il est dit dans l'Evangile de Thomas, passent peut-être pour soutenir des disciples affligés.
Le choc de la veille est encore palpable. Leur maître, leur ami, celui qu’ils pensaient être le Messie, le Libérateur du peuple juif, est mort, cloué sur une croix comme un criminel.
Le shabbat commence, mais il n’est pas paisible. Il est plein de questions et de larmes.
La peur : “Serons-nous les prochains ?”
La peur règne. Ceux qui ont tué Jésus ne pourraient-ils pas en vouloir aussi à ses disciples ? Pierre est toujours marqué par ses trois reniements. Jean serre les dents en silence, le cœur lourd d’avoir vu le sang couler au pied de la croix. Lui était là. Il a été le seul des apôtres à être là, au pied de la Croix, avec les femmes, lorsque Jésus est mort.
Thomas s’est recroquevillé dans un coin, le doute et la douleur comme un étau.
Ils ferment les volets. Ils chuchotent. Le bruit d’un pas dans la rue suffit à faire sursauter plusieurs d’entre eux. La peur de la persécution s’ajoute à la douleur du deuil.
Le deuil : “Pourquoi Dieu a-t-il permis cela ?”
Autour d’une grande table, quelques bougies brûlent. Ils prient les psaumes comme ils l’ont appris depuis l’enfance : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Mais cette fois, ces mots ne sont plus des versets appris : ce sont des cris du cœur. Ils ne comprennent pas. Jésus n’avait-il pas dit qu’il ressusciterait ? Mais voilà qu’il est mort, mis dans un tombeau, et que le silence de Dieu semble plus profond que jamais.
Ils sont tous là dans cette grande pièce communautaire. Certains pleurent. D’autres prient. D’autres dorment, épuisés par les larmes. Chacun vit ce shabbat à sa manière.
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Le doute : “Nous sommes-nous trompés ?”
C’est peut-être le plus douloureux : le doute. Tous avaient tout quitté pour suivre Jésus. Leurs familles, leur métier, leur réputation. Et pour quoi ? Pour un messie crucifié comme un voleur ? Car, chacun le sait, il n'y a pire supplice que la crucifixion.
Cela nous amène évidemment à nous poser des questions aujourd'hui sur nos propres vies en ce samedi de silence et de doute. Est-ce que j'ai raison de croire en mes opinions et croyances ? Est-ce que j'ai réussi ma vie ? Ai-je eu raison de faire tant de sacrifices pour les causes auxquelles je crois (ou croyais..) ? Suis-je heureux dans mon travail, dans mes engagements, dans ma vie ?
Ce samedi du silence du doute et du questionnement nous parle évidemment. Et nous donne ce temps de recueillement, de silence et de réflexion.
"Tout est accompli"... Certains disciples commencent à murmurer : “Avons-nous été trompés ? Était-il vraiment celui qu’il prétendait être ?” Et d’autres, dans un sursaut de foi, répondent : “Non. Rappelez-vous ses paroles… Rappelez-vous ses miracles… Rappelez-vous qu’il a parlé de souffrances, de mort, puis de résurrection.”
Mais comment croire encore, alors que la pierre scelle le tombeau, et que le shabbat interdit même d’aller pleurer sur sa tombe ?
La fidélité malgré tout : un shabbat de prière.
Malgré tout, les disciples prient. Car même dans le désespoir, la tradition tient. Le shabbat est un don de Dieu. Alors ils chantent doucement les psaumes, les bénédictions du pain et du vin, les prières du soir. Ils prient pour Jésus. Ils prient pour eux-mêmes. Ils prient pour que Dieu parle à nouveau.
Ils ne savent pas encore que le silence est en train d’être rompu, dans les profondeurs de la mort, où le Fils de Dieu écrase les portes de l’enfer.
Un jour pour tous ceux qui attendent dans le noir.
Le samedi saint est le jour de ceux qui doutent, le jour de ceux qui pleurent, le jour de ceux qui espèrent sans voir. C’est le jour de tous les disciples modernes qui ne voient pas encore la lumière du matin, mais qui tiennent bon dans l’ombre.
Combien cela nous parle à nous aujourd'hui en ces temps si chaotiques, si incertains.
Ce jour-là, les disciples n’ont rien fait d’héroïque. Ils ont eu peur. Ils ont pleuré. Ils ont prié. Ils ont douté. Mais ils sont restés ensemble. Et cela, c’était déjà beaucoup, et c'est également un message pour aujourd'hui et pour demain.
Jean-Laurent Turbet
Et puis je me suis "risqué" à un récit imaginaire. Celui de Pierre ce samedi là...
Je le livre à votre lecture :
Le Shabbat de l’ombre
Récit fictif d’un des apôtres, le lendemain de la crucifixion
Le soir est tombé.
Le soleil s’est couché derrière les collines de Jérusalem, et avec lui notre dernier souffle d’espérance.
Nous avons allumé les bougies, comme chaque veille de shabbat, mais cette fois, leur flamme semble trembler plus que d’habitude. Est-ce le vent ? Non. C’est nous. Nous sommes tremblants.
La porte est verrouillée. Les volets sont fermés. Nous avons peur.
Judas est mort. Jésus aussi.
Et nous, nous ne savons plus qui nous sommes.
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Je suis Simon, qu'IL appelait Pierre, et je n’arrive plus à me regarder en face.
Quand il m’a regardé, là, dans la cour, après mon troisième reniement… J’ai senti mon âme se déchirer. Il n’a rien dit. Juste un regard. Plus doux que je ne le méritais. Je crois que je préférerais qu’il m’ait crié dessus.
Jean était là, silencieux. Il ne parle pas. Il s’est assis près du mur, les genoux contre sa poitrine, et il fixe la flamme du grand cierge au centre de la pièce. C’est lui qui éclaire le plus. Il crépite un peu.
On entend ça et le souffle régulier d’André, qui s’est endormi, épuisé.
Thomas, lui, tourne en rond comme un fauve en cage. Je le connais : il ne le dira pas, mais il doute.
Les fils du Tonnerre sont anéantis. Pour une fois...
Barthélemy prie. Ses lèvres bougent sans bruit. Peut-être récite-t-il les psaumes.
Moi, je n’ai plus de mots.
Le sabbat a commencé.
Normalement, c’est un jour de paix. Mais cette fois, c’est un jour de vide.
Il n’est plus là.
Notre maître. Notre ami. L'Enseigneur. Celui qui parlait et les démons tremblaient. Celui qui touchait et les aveugles voyaient. Celui qui appelait et les morts se levaient.
Et maintenant, c’est lui, le mort.
Dans un tombeau, gardé par des soldats. Comme un roi enfermé hors du monde.
Je repense à ses paroles.
“Le Fils de l’homme doit souffrir beaucoup… être rejeté… être tué… et trois jours après, ressusciter.” Mais est-ce que je l’ai cru ? Vraiment cru ? Je ne sais plus.
Marie, la mère de Jacques et de Jésus est venue un instant. Elle n’est pas restée. Elle portait le deuil comme une armure. Son regard n’était pas vide, pourtant. Il y avait… je ne sais pas. Quelque chose. Comme une attente.
Marie de Magdala est venue nous réconforter alors que son chagrin était abyssal...
Moi, j’attends aussi. Mais je ne sais pas quoi.
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Et puis Jean, ce disciple que Jésus aimait s'est levé et est venu près de moi pour me consoler.
Je pose ma tête sur son épaule, je ne comprends pas encore que cette lumière qui nous éclaire c'est Lui. Qu'il nous regarde, pauvres disciples perdus. IL doit encore penser que nous ne comprenons pas, que nous ne comprenons rien, que nous ne sommes que des hommes de peu de foi, nous pourtant qu'il a choisi.
La nuit avance. On ne parle presque pas.
Un bruit dans la rue nous a tous fait sursauter. On se tait. On retient notre souffle. Ce n’était rien. Mais le cœur bat comme s’il voulait s’échapper de notre poitrine.
Je crois que Dieu est silencieux ce soir. Ou alors, peut-être qu’il murmure.
Mais mon cœur fait trop de bruit pour que je l’entende.
Je voudrais croire. Je voudrais espérer.
Mais j’ai vu le sang. J’ai vu la lance. J’ai vu le tombeau.
Alors je reste là, assis contre la pierre froide du mur, à regarder la flamme vaciller.
Et je prie. Pas avec des mots. Pas avec des formules.
Je prie avec ma fatigue.
Je prie avec mon absence de foi.
Je prie avec mon silence.
Et dans ce silence, je me tiens là.
Entre l’effondrement…
… et l’aube que je ne vois pas encore.
Jean-Laurent Turbet
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