La Cène : mémoire d’un dernier repas ou présence réelle ?
Comprendre les différences entre catholiques et protestants sur l’Eucharistie
Un moment fondateur
La Cène est l’un des épisodes les plus solennels et les plus symboliques des Évangiles. Lors de ce dernier repas avec ses disciples, juste avant son arrestation, Jésus prit du pain, le rompit, le donna, puis fit de même avec une coupe de vin, en prononçant ces paroles célèbres :
« Ceci est mon corps […] Ceci est mon sang »
(Matthieu 26:26-28 ; Marc 14:22-24 ; Luc 22:19-20)
Mais que signifiait-il ? Était-il en train d’établir un rite mystérieux par lequel le pain et le vin deviendraient son corps et son sang véritables ? Ou parlait-il symboliquement, comme il le faisait souvent dans ses paraboles ?
Depuis plus de quinze siècles, cette question divise les chrétiens.
Deux visions de l’Eucharistie
1. La transsubstantiation catholique
La doctrine catholique, formalisée au Concile de Trente (1545–1563), enseigne que lors de la messe, les éléments de pain et de vin sont transformés dans leur substance en le vrai corps et le vrai sang du Christ. Cette transformation, appelée transsubstantiation, repose sur une lecture littérale des paroles de Jésus et une philosophie inspirée d’Aristote.
Le théologien Thomas d’Aquin la résume ainsi :
« Ce n’est pas par les sens, mais par la foi seule que l’on sait que sous ces espèces se cache le vrai Christ. » (Summa Theologiae, IIIa, q. 75)
Selon cette vision, Christ est présent corporellement, substantiellement, sur l’autel à chaque messe.
2. Le symbolisme protestant
Au XVIe siècle, la Réforme protestante conteste vigoureusement cette conception. Pour les Réformateurs, la Cène est avant tout un acte de mémoire et une confession de foi.
Le réformateur Ulrich Zwingli affirme :
« Ce repas n’est qu’un souvenir du sacrifice du Christ et une proclamation de sa mort. »
(De vera et falsa religione, 1525)
Jean Calvin, plus modéré, reconnaît une présence réelle mais spirituelle, rendue effective par le Saint-Esprit : « Le pain reste pain, le vin reste vin, mais Dieu, par son Esprit, nous donne véritablement ce qu’ils signifient. » (Institution de la religion chrétienne, IV, xvii)
La clé de compréhension repose sur le mot grec anamnèsis utilisé dans 1 Corinthiens 11:24 : « Faites ceci en mémoire de moi. »
Symbolisme ou réalité physique ? Les enjeux du débat
La Bible en son contexte
Jésus emploie fréquemment un langage symbolique :
« Je suis la porte » (Jean 10:9)
« Je suis le cep » (Jean 15:1)
Il n’y a aucune raison de prendre « Ceci est mon corps » plus littéralement que ces autres expressions.
De plus, l’Évangile de Jean, pourtant riche en discours eucharistiques (notamment Jean 6), ne rapporte pas l’institution du pain et du vin. Au lieu de cela, Jean nous donne le récit du lavement des pieds, un geste de service et d’amour.
Une théologie de la grâce, pas de la magie
Les protestants soulignent que la Cène n’est pas un sacrifice renouvelé. Le sacrifice du Christ est unique, parfait, accompli une fois pour toutes :
« Christ est apparu une seule fois […] pour abolir le péché par son sacrifice. » (Hébreux 9:26)
La transsubstantiation crée l’idée d’un rituel surnaturel qui reproduirait ce sacrifice. Mais selon l’Écriture, Christ est maintenant au ciel (Hébreux 10:12), non corporellement présent sur les autels terrestres.
Pourquoi le symbolisme protestant est plus cohérent
Voici quelques raisons fortes de préférer l’interprétation protestante :
1. Elle respecte le sens biblique originel
L’ordre de Jésus est clair : « Faites ceci en mémoire de moi » (1 Co 11:24)
Il s’agit de commémoration, non de transformation.
2. Elle ne contredit pas la réalité corporelle du Christ ressuscité
Le Christ glorifié est dans la gloire. Il n’est pas physiquement multiplié à chaque messe.
3. Elle évite une théologie compliquée et non biblique
La transsubstantiation repose sur une philosophie d’Aristote (distinction entre substance et accidents) inconnue dans la Bible.
4. Elle renforce la foi du croyant et la simplicité de l’Évangile
La Cène protestante n’est pas un mystère magique, mais un rappel vivant de la grâce : Un pain partagé, un vin versé, un souvenir d’amour offert.
Conclusion : une vraie présence, mais spirituelle
Pour les protestants, la Cène est centrée sur Christ, non sur le rite. Ce n’est pas le pain qui devient Dieu, mais le croyant qui se tourne vers Dieu, dans la foi.
Le symbolisme n’est pas une faiblesse : il est fidèle au Christ, simple comme l’Évangile, profond comme la croix.
« Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux. »
(Matthieu 18:20)
Voilà la vraie présence du Seigneur.
Jean-Laurent Turbet
Luc 22:7-23 (NBS)
7 Le jour des Pains sans levain, où l’on devait immoler la Pâque, arriva.
8 Jésus envoya Pierre et Jean en disant : « Allez nous préparer la Pâque, afin que nous la mangions. »
9 Ils lui dirent : « Où veux-tu que nous la préparions ? »
10 Il leur répondit : « Quand vous serez entrés dans la ville, vous rencontrerez un homme portant une cruche d’eau ; suivez-le dans la maison où il entrera.
11 Vous direz au maître de la maison : “Le maître te dit : Où est la salle où je mangerai la Pâque avec mes disciples ?”
12 Il vous montrera à l’étage une grande salle aménagée : c’est là que vous ferez les préparatifs. »
13 Ils partirent, trouvèrent les choses comme il le leur avait dit et préparèrent la Pâque.
14 Quand l’heure fut venue, il se mit à table avec les apôtres.
15 Il leur dit : « J’ai vivement désiré manger cette Pâque avec vous avant de souffrir ;
16 car, je vous le dis, je ne la mangerai plus jusqu’à ce qu’elle soit accomplie dans le royaume de Dieu. »
17 Il prit une coupe, rendit grâce et dit : « Prenez cette coupe et partagez-la entre vous ;
18 car, je vous le dis, je ne boirai plus désormais du fruit de la vigne jusqu’à ce que le royaume de Dieu soit venu. »
19 Ensuite il prit du pain ; après avoir rendu grâce, il le rompit et le leur donna en disant : « Ceci est mon corps, qui est donné pour vous ; faites ceci en mémoire de moi.»
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