Comme le rappelle fort justement le Grand Commandeur du Suprême Conseil de France Jean-Marie RAYMOND (1845-1914) dans son « Résumé historique de l'organisation et des travaux du Suprême Conseil du Rite Écossais Ancien et Accepté pour la France et ses dépendances », publié en 1908 :
« Le 6 juin 1821 est constituée, auprès du Suprême Conseil, la Loge de la Grande Commanderie composée de tous les Souv∴ Gr∴ Insp∴ Généraux et d'autres Maçons éminents désignés par le Suprême Conseil ».
Rafraichissons nous un peu la mémoire pour comprendre.
Le Comte Alexandre de Grasse, Marquis de Tilly, (1745-1865) est membre fondateur du premier Suprême Conseil du monde, celui de Charleston, en 1801, puis fondateur du Suprême Conseil des Iles du Vent et sous le vent, dit aussi, "Suprême Conseil d'Amérique" (sous-entendu, "des possessions françaises d'Amérique").
Lorsqu'il renvient en France en 1804, il créé en septembre le Suprême Conseil de France et au sein de celui-ci, la Grande Loge Générale Ecossaise.
La Grande Loge générale écossaise n'aura qu'une vie éphémère., de septembre à décembre 1804. Napoléon 1er, couronné Empereur le 2 décembre 1804, en maçonnerie comme ailleurs, ne veut voir qu'une seule tête.
Les frères de la Grande Loge Générale Ecossaise sont contraints par la force (on habille cela sous la forme d'un "Concordat", comme si cela avait été souhaité par les deux parties) de rejoindre le Grand Orient de France dirigé par le frère de l'Empereur, Joseph Bonaparte et administré de fait par Régis de Cambacérès, Archichancelier de l'Empire et N°2 du régime, qui devient Grand Commandeur. Vous voyez bien que nos malheureux maçons écossais n'avaient pas les moyens de résister à une telle pression...
Néanmoins la résistance écossaise s'organise de l'intérieur - autour du Maréchal Kellermann (le vainqueur de Valmy) et de quelques autres car le GODF ne respecte évidemment pas les termes du Concordat et tente d'absorber corps et biens le Suprême Conseil.
Et puis vient la fin de l'Empire, 1815. Tous les dignitaires du GODF ou presque - qui étaient en même temps les dignitaires du régime impérial qui vient de sombrer - sont soit morts, soit prisonniers soit en exil (comme Cambacérès).
Le Rite Ecossais Ancien et Accepté profite de cette occasion pour se soustraire à la contrainte du Grand Orient de France et pour retrouver - enfin - sa liberté.
Mais les effectifs sont là aussi très faibles et les dissensions nombreuses (dont beaucoup sont attisées par le GODF), et une nouvelle fois le Rite Ecossais Ancien et Accepté risque de disparaître.
Heureusement, à partir de quelques illustres frères - comme le duc Elie Decazes (1780-1860), principal ministre et favori de Louis XVIII - mais aussi les frères Comte de Valence (1757-1822) et Comte de Ségur (1753 - 1830) et du duc de Choiseul - Stainville (1760 -1838) - tous libéraux - le Rite Ecossais va pouvoir reprendre force et vigueur.
Il va falloir près de 6 ans d'un travail acharné à quelques frères pour reconstituer le Suprême Conseil de France.
C'est chose faite le 1er Janvier 1821, après 3 ans de "sommeil".
En effet à cette date, le 1er janvier 1821, le Suprême Conseil adresse à ses Ateliers une circulaire débutant ainsi : « Les Travaux du Suprême Conseil, longtemps suspendus par l'effet de circonstances impérieuses, vont enfin reprendre force et vigueur. »
Le 7 mai, le Comte de Valence est nommé Grand Commandeur et le Comte de Ségur Lieutenant Grand-Commandeur.
Les travaux du Suprême Conseil de France ayant repris force et vigueur il convient de (re) créer une Grande Loge.
C'est donc chose faite un mois après ce 6 juin 1821 avec la création de la loge de la Grande Commanderie. Le Grand Commandeur du Suprême Conseil devient donc en même temps Grand-Maître.
La Loge de la Grande Commanderie regroupe les frères (ils sont peu nombreux au SCDF en 1821) travaillant dans une loge Symbolique.
Le nombre de frères va augmenter rapidement de façon significative.
Dès l'année suivante, le 12 juillet 1822, le Suprême Conseil de France prend un décret qui transforme la Loge de la Grande Commanderie en Grande Loge Centrale de France et en fixe ses attributions.
La Grande Loge Centrale est divisée en trois sections : la première est celle des degrés symboliques jusque et inclus le 18e; la deuxième est celle des degrés supérieurs, depuis le 19e jusqu'au 32e inclus; la troisième est la section d'administration.
La première section est chargée de l'examen des demandes de Constitutions de Loges et de Chapitres du 18e degré; la deuxième section examine les demandes de création de Collèges, Cours, Aréopages, Tribunaux, Conseils particuliers et Consistoires du 32e degré; la troisième section connaît de toutes les affaires du Rite : demandes, réclamations, discipline, etc., etc.
Chaque Atelier : Loge, Chapitre, Aréopage, etc., a le droit de nommer un Député près de la Grande Loge Centrale. Ces Députés ont le droit de proposition, de réclamation et de représentation; ils ont charge de veiller sur les intérêts des Ateliers dont ils sont les mandataires.
C'est aux loges Symboliques (c'est à dire qui pratiquent les trois premiers degrés, apprenti, compagnon et maître maçon) de cette Grande Loge Centrale de France que le Suprême Conseil de France donnera leur indépendance par le décret du 7 novembre 1894. (prenant effet le 1er Janvier 1895).
Les loges poursuivent leurs travaux sous le nom de Grande Loge de France !
Les loges de la Grande Loge Symbolique Écossaise (scission d'une douzaine de loges en 1880), devenue Grande Loge Symbolique de France en 1889, rejoignent la Grande Loge de France en 1896.
La famille écossaise est donc définitivement réunie au sein de la Grande Loge de France.
Mais le Suprême Conseil de France continue de délivrer les patentes des loges et les diplômes de Maîtres de frères de la Grande Loge jusqu'en 1904.
Le 26 juillet 1904, le Suprême Conseil de France - après un accord entre Jean-Marie Raymond, Souverain Grand-Commandeur et Gustave Mesureur, Grand-Maître de la Grande Loge de France - prend un décret qui stipule : " Les paragraphes B et C de l'art. 2 du décret du 7 novembre 1894 sont abrogés. Par suite, la Grande Loge de France délivrera elle-même la Patente Écossaise de Constitution de tout Atelier nouveau du premier au troisième degré".
La Grande Loge de France est donc totalement indépendante en 1904 et travaille en bonne harmonie avec le Suprême Conseil de France.
Nous voyons bien la filiation directe, en ce qui concerne le Rite Ecossais Ancien et Accepté stricto sensu qui apparaît en 1804, (ce qui ne prend pas en compte la Grande Loge de France dite de Clermont qui est aussi l'une de nos origines) :
- Grande Loge Générale Ecossaise (septembre/décembre 1804).
- Période intermédiaire : De 1805 à 1815 les loges symboliques écossaises sont administrées par le Grand Orient de France. Certaines restant indépendantes.
- Loge de la Grande Commanderie (6 juin 1821 - 11 juillet 1822) : mère loge de notre Grande Loge de France.
- Grande Loge Centrale de France : 12 juillet 1822 - 31 décembre 1894.
- Grande Loge de France : Depuis le 1er janvier 1895.
Nous pourrions - hâtivement - penser qu'il ne reste rien aujourd'hui à la Grande Loge de France de la Loge de la Grande Commanderie de 1821. Et bien c'est faux, il nous en reste quelque chose.
Chaque loge de la Grande Loge de France a un député qui la représente lors des Convents, des tenues de Grande Loge et des Congrès Régionaux.
Ce député porte un sautoir particulier en loge : Blanc, bordé d'or avec une vignette rouge.
Et bien figurez vous que le sautoir de député de la Grande Loge de France était le décor des frères de la Loge de la Grande Commanderie.
Ce qui démontre encore plus - s'il le fallait - la filiation entre cette loge de la Grande Commanderie et notre Grande Loge de France.
Ce 6 juin là (1821) la Loge de la Grande Commanderie débarquait dans le paysage maçonnique français.
Alors ce 6 juin 2021, célébrons ensemble comme il se doit - dans l'allégresse et la fraternité - frères unis de la Juridiction et de l'Obédience, le bicentenaire de la création de la Loge de la Grande Commanderie.
C'est notre mère-loge à tous.
Et retrouvons-nous ensemble le 12 juillet 2022 pour célébrer ensemble le bicentenaire de la Grande Loge Centrale de France !
Jean-Laurent Turbet
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Dans son article 10, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »
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Ces deux articles ont valeur constitutionnelle car le préambule de la Constitution de la Ve République renvoie à la Déclaration de 1789.
La Constitution et les Lois de la République Française s'appliquent sur l'ensemble du territoire national et s'imposent à tout règlement associatif particulier qui restreindrait cette liberté fondamentale et Constitutionnelle de quelque façon que ce soit.
« Jurez-vous, de plus, d’obéir fidèlement aux chefs de notre Ordre, en ce qu’ils vous commanderont de conforme et non contraire à nos lois ? » (Extrait du Serment prêté par chaque franc-maçon lors de son initiation).
Jean-Laurent Turbet
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