C’est par voie de communiqué que nous avons appris que l’évêque d'Annecy, Monseigneur Yves Boivineaunous, vient de démettre de ses fonctions le père Pascal Vesin, curé de la paroisse Sainte-Anne d'Arly-Montjoie, à Megève.
Les raisons de cette décision ? L’appartenance du père Vésin au Grand Orient de France depuis 2001. Celui-ci, interrogé plusieurs fois par sa hiérarchie, avait auparavant toujours nié être franc-maçon. il avait été en fait initié franc-maçon au sein de la Loge L’Avenir du Chablais à l’Orient de Genève-Thonon du GODF.
L’évêque avait été informé de l’appartenance de son curé au GODF par la voie toujours très usitée d’une lettre anonyme, expédiée par un courageux paroissien.
Le père Vésin avait nié avant d’être confondu en 2011. « Il lui a été demandé de quitter la franc-maçonnerie pour se consacrer à son ministère de prêtre. L'intéressé, optant pour la "liberté absolue de conscience" selon la formule consacrée, a affirmé son intention de vivre la double appartenance », ajoute le diocèse dans son communiqué.
L'évêque d'Annecy, Mgr Yves Boivineau, a poursuivi le dialogue « afin de lui permettre de revenir sur ses positions », tout en l'informant « clairement » de la sanction encourue, selon les textes en vigueur.
Depuis la Bulle In eminenti apostolatus specula prise par Clément XII en 1738, dans laquelle le pape condamne la Franc-Maçonnerie et excommunie ses membres, la Franc-Maçonnerie est condamnée par l’église. Si depuis le Concile de Vatican II et l’abrogation du Canon 23-35 les francs-maçons ne sont plus excommuniés, ils restent en état de péché grave.
Rappelons d’ailleurs quel est le texte toujours en vigueur aujourd’hui. Il s’agit de la « Déclaration sur l’incompatibilité entre l’appartenance à l’église et la Franc-Maçonnerie ».
Cette déclaration de la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi (ex-Inquisition) a été prise le 26 novembre 1983. Elle est signée par le Cardinal Joseph Radzinger (futur Benoît XVI) et contresignée par le Pape Jean-Paul II.
Que nous dit ce texte ?
« Le jugement négatif de l’Eglise sur les associations maçonniques demeure donc inchangé, parce que leurs principes ont toujours été considérés comme inconciliables avec la doctrine de l’Eglise, et l’inscription à ces associations reste interdite par l’Eglise.
Les fidèles qui appartiennent aux associations maçonniques sont en état de péché grave et ne peuvent accéder à la sainte communion. Les autorités ecclésiastiques locales n’ont pas compétence pour se prononcer sur la nature des associations maçonniques par un jugement qui impliquerait une dérogation à ce qui a été affirmé ci-dessus, dans la ligne de la déclaration de cette Congrégation du 17 février 1981 ». (Voir la déclaration entière sur le site du Vatican).
L’église catholique interdit toujours strictement à ses fidèles l’appartenance à une association maçonnique (quelle qu’elle soit) et les autorités ecclésiastiques locales n’ont aucun pouvoir d’adoucir cette sentence.
Les fidèles qui sont en état de « péché grave » s’ils sont francs-maçons « ne peuvent accéder à la Sainte Communion ».
Ce qui vaut pour les fidèles vaut évidemment encore plus pour un prêtre : C’est ballot en effet que le Père Vésin « ne puisse plus accéder à la Sainte Communion », puisque c’est précisément son métier que de le faire tous les dimanches matins !
Le père Vesin (ci-contre), a quant à lui, choisi de rester membre du Grand Orient de France et donc, franc-maçon.
En mars dernier, la Congrégation pour la doctrine de la foi à Rome (celle-là même qui a pris la déclaration 28 novembre 1983) a exigé le départ du prêtre. Trois membres du Conseil presbytéral du diocèse d'Annecy ont rencontré le père Vesin, qui a réitéré sa volonté de rester au sein de la Franc-Maçonnerie.
L'évêque lui a notifié les conséquences de son choix. « Rien ne reste fermé », souligne le diocèse, qui assure que « la peine, dite médicinale, peut être levée ». « La miséricorde va de pair avec la vérité », conclut le communiqué.
En l'absence du Père Vesin, c'est le vicaire général du diocèse qui assurera les offices religieux de la paroisse. « Il sera à Megève tout le weekend pour expliquer la décision de l'évêque aux paroissiens », a précisé un porte-parole de l’Eglise.
Précisons, à l’inverse, que les obédiences maçonniques françaises n’ont jamais interdit, au contraire, à leurs membres de pratiquer une religion.
De nombreux francs-maçons sont catholiques, protestants, juifs ou musulmans. Leurs croyances ne regardent qu’eux-mêmes du moment qu’elles respectent les lois de la République.
C’est un secret de polichinelle que de dire que de nombreux frères, notamment à la Grande Loge de France, à la Grande Loge Nationale Française, à la Grande Loge Traditionnelle et Symbolique Opéra, à la GL-AMF et à la GLIF sont catholiques. Et même, comme nous venons de le voir, au Grand Orient de France, obédience qui mène pourtant un combat laïque important.
Et le père Vésin est loin d’être le seul homme d’Eglise en France membre d’une association maçonnique. Mais évidemment ceux qui ont la « double appartenance » le taisent sous peine de se voir retirer leur ministère, comme c’est le cas avec le Père Vésin.
Ils seront, néanmoins, toujours les bienvenus à l’intérieur de nos Temples !
Jean-Laurent Turbet
° Pour aller plus loin :
° Déclaration sur l’incompatibilité entre l’appartenance à l’église et la Franc-Maçonnerie, sur le site du Vatican.
° Père Vésin : l’église se trompe de combat, sur le site LeMessager.fr, du 17.01.2013.
° Peut-on être chrétien et franc-maçon ?, de Mgr Dominique Rey, sur ce site.
° Peut-on être chrétien et franc-maçon ? (suite), sur ce site.
° Catholique & franc-maçon ?, sur ce site.
° "Francs-maçons et protestants", à la une de l'hebdomadaire "Réforme", sur ce site.
° Protestantisme et Franc-Maçonnerie, sur ce site.
° Entretien avec le pasteur Jean-Luc Rojas, sur la Franc-Maçonnerie, pour le magazine suisse protestant Bonne Nouvelle. , sur ce site.
Attention ! Cet article, comme tous les articles du "Bloc-Notes de Jean-Laurent sur les Spiritualités", (http://www.jlturbet.net/) est écrit en mon nom personnel.
Je ne parle ni au nom d'une association, ni d'un parti, ni d'une loge, ni d'une obédience maçonnique.
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Je ne suis en aucune façon habilité à écrire au nom d'une association, d'un parti, d'une loge, d'une obédience maçonnique. Tout ceci pour que cela soit bien clair, qu'il n'y ait aucune ambiguïté de quelque nature que ce soit.
Quelles que soient mes responsabilités - ou non - présentes ou futures dans une organisation, les propos tenus dans cet article comme dans tous les articles de ce Bloc-Notes, sont exclusivement des opinions personnelles qui n'engagent que moi.
Je rappelle simplement que la liberté d’expression est en France un droit Constitutionnel, quelle que soit notre appartenance à une association de quelque nature que ce soit.
Dans son article 10, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »
Dans l'article 11, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose aussi que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »
Ces deux articles ont valeur constitutionnelle car le préambule de la Constitution de la Ve République renvoie à la Déclaration de 1789.
La Constitution et les Lois de la République Française s'appliquent sur l'ensemble du territoire national et s'imposent à tout règlement associatif particulier qui restreindrait cette liberté fondamentale et Constitutionnelle de quelque façon que ce soit.
Jean-Laurent Turbet
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