Comme nous l'avons vu dans un
précédent article (Initiation des femmes au Grand Orient de France : décision au Convent de septembre 2010. ) la
question de l'initiation des femmes et de l'affiliation des soeurs initiées dans d'autres obédiences, n'est pas encore totalement règlée au sein du Grand Orient de France. C'est son
assemblée générale (ou Convent) de septembre 2010 qui statuera une nouvelle fois sur la question...
Or j'avais vu sur le site de l'Express, du JDD, de 20minutes.com, des articles consacrés à la première femme membre du Grand Orient de France, un frère devenu femme, une transexuelle
donc. Pour tout dire, j'avais trouvé la tonalité de ces articles un peu... douteuses ou pour le moins avec en arrière plan un vague relent de sensasionnalisme parfois un peu malsain. En tout cas,
ils contenaient tous des informations erronées!
Or il se trouve que j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de rencontrer Olivia. Je suis allé quelques fois en effet dans son atelier l"Université maçonnique" soit pour la prise de
premier maillet d'un ami, soit pour l'initiation d'un autre (ils se reconnaitront bien entendu...). En comparant avec la tonalité des articles je suis frappé par la grande différence qu'il y a
entre le vécu des frères de l'UM et ce qui est écrit. Bien que le GODF soit une obédience masculine on m'a toujours présenté depuis quelques années "notre soeur Olivia" sans que cela ne
semble poser de problème à personne. Elle est femme et elle est membre de la Loge. Point. Et j'allais dire, lors des agapes, Olivia est un frère comme un autre sauf que c'est une soeur. Je n'ai
jamais entendu de questionnement particulier sur son parcours... (parle-t-on d'ailleurs des orientations sexuelles ou des préférences de genres avec les gens à table??).
Je suis donc heureux d'avoir trouvé sur le site Yagg.com une interview d'Olivia où elle remet les choses au point. Le mieux est, je pense, de lui laisser la parole. Voici donc l'article
de Yagg.com:
Publié par Audrey Banegas.
Pour la première fois, le
Grand Orient de France (GODF), principale obédience franc-maçonne française, exclusivement masculine, compte parmi ses membres une trans’, reconnue par celle-ci comme
femme.
Cette obédience
n’initie en effet que des hommes, cependant à l’époque Olivia Chaumont avait été initié en tant qu’homme. La question de la mixité s’est donc posée lors de sa transition, il y a
quelques années. Aujourd’hui, le Grand Maître Pierre Lambicchi y répond, une sœur vient d’être reconnue au GODF, une grande première.
RECONNAISSANCE DES COUPLES HOMOS EN 2004
Déjà, en avril 2004, le GODF avait autorisé la reconnaissance conjugale d’un couple homosexuel, reconnaissance réservée habituellement aux compagnes et épouses, qui consiste à “adopter”
le conjoint d’un frère et à le reconnaître comme membre de la “fraternité maçonnique”, sans pour autant qu’il devienne franc-maçon. Depuis, plusieurs cérémonies de reconnaissance
conjugale de pacsés se sont tenues au GODF et dans d’autres obédiences francs-maçonnes.
Le GODF et deux autres obédiences étaient également intervenues en novembre 2008, parlant de “régression pour tous les humanistes attachés au respect de la dignité de la personne”, suite
à l’arrêt de la Cour de cassation blanchissant Christian Vanneste, poursuivi pour propos homophobes. “Il appartient aux élus de la République, dans l’exercice de leurs
mandats publics, de respecter l’ensemble des citoyennes et des citoyens auxquels ils s’adressent et qu’ils représentent”, avaient-ils ajouté.
Dans une
interview exclusive pour Yagg, Olivia Chaumont, première sœur du Grand Orient, témoigne de son
expérience.
Comment avez-vous vécu votre transition? J’ai fait ma transition en 2005, ça a d’abord été un problème personnel, une étape importante de ma vie de tous les jours, puis ensuite j’ai dû
être confrontée à cet engagement maçonnique qui fait partie de ma vie. Un jour, j’ai effectivement dû annoncer à mes frères francs-maçons qu’ils avaient une sœur, j’étais alors en cours de
transition.
Mon coming-out
trans’ a été la chose la plus difficile à vivre. Il y a encore une très mauvaise connaissance de la transsexualité. On nous regarde encore comme des bêtes curieuses, on est confrontée à tout un
tas de difficultés administratives… Tout cela est quelque chose d’assez difficile à vivre mais le plus difficile a été de le dire, dans le milieu familial, puis dans le milieu professionnel. Je
suis architecte-urbaniste, vous imaginez, sur un chantier, combien cela a pu être difficile. Et finalement, le faire dans la franc-maçonnerie n’a vraiment pas été l’étape la plus difficile. Tous
les membres travaillent sur les sujets liés à la tolérance et se posent des questions sur “l’acceptation de l’autre devenu diffèrent”, donc pour eux cela s’est fait plus
naturellement.
Comment cela a-t-il était perçu dans la franc-maçonnerie ? Je suis entrée en 1992 dans la franc-maçonnerie, directement au Grand Orient de France, initiée dans ma loge
“l’université maçonnique” de façon tout à fait habituelle et traditionnelle (la franc-maçonnerie est organisée en obédiences elles-mêmes constituées de loges, ndlr). Lorsque j’ai fait ma
transition, il y a eu tout de suite une acceptation complète de la part de mes frères qui ont tout de suite dit “on te défendra quoi qu’il arrive, c’est ton histoire et on la prend comme
ça”. J’ai commencé à être Olivia et pendant un certain temps, j’ai été au Grand Orient de France dans mon apparence féminine mais sous mon nom masculin. Ça a posé problème au GODF dans son
aspect strictement administratif. Un problème qui s’est superposé au grand débat en cours sur la mixité. Il s’agit vraiment de deux choses différentes. Dans un cas, se pose la question de
l’orientation de la structure. Doit-elle devenir mixte? Et dans l’autre cas, on prend en compte un problème humain, celui d’une personne qui vit son histoire personnelle, une histoire
généralement très difficile à vivre. Ce sont deux choses différentes qu’il ne faut pas confondre.
Le GODF prend maintenant cette décision courageuse de me reconnaître en tant que femme, et d’aller à l’encontre de la structure masculine, parce qu’il s’agit d’un problème humain. S’ils ne
l’avaient pas accepté, ça aurait été finalement en contradiction avec les valeurs humaines qui sont celles du GODF. À coté de cela, ils ont récemment voté “non” à l’initiation des
femmes.
Êtes-vous
définitivement aujourd’hui reconnue comme sœur auprès des membres du GODF? Oui, le président du GODF a officiellement annoncé que
j’étais maintenant une sœur, reconnue comme telle au sein du GODF, un membre de sexe féminin sous mon nom féminin. Du coup, l’article qui est paru dans L’Express jeudi dernier ne me
convient pas du tout. Ils écrivent: “pour ses frères, qui n’acceptent pas la mixité, il reste un homme”. Ce n’est pas vrai, ils viennent au contraire de m’intégrer comme femme, avec mon
sexe et avec mon nom de femme. Et c’est très courageux de leur part. J’ai effectivement été initiée comme homme, mais aujourd’hui ma vie est une vie de femme.
D’ailleurs, il y avait plusieurs choses inexactes dans cette dépêche parue dans L’Express. Déjà, on y parle d’”un transsexuel” au lieu d’une transsexuelle. Elle indique ensuite que je
suis au GODF depuis 35 ans, ce qui est faux. Ils écrivent également “habituellement, les transsexuels sont fraternellement incités à rejoindre une obédience mixte ou féminine”, ce qui
est absurde, je ne connais aucun cas de trans’ qui ait dû se tourner vers une autre obédience.
Êtes-vous la seule trans’ dans la franc-maçonnerie? Il y avait eu paraît-il quelques précédents, très peu de cas… Moi je n’en connais qu’un. Au Grand
Orient. Et dans le cas que je connais, en revanche, elle avait eu quelques soucis avec sa loge qui ne l’a pas soutenue. Parce que c’est ça qui compte en fait, si avec les frères de la loge ça se
passe mal, la situation devient impossible. Ça n’était donc pas à cause du Grand Orient.
Dans les autres
obédiences, je pense que mon cas ne s’est pas présenté. Je ne pense pas que dans les obédiences féminines un cas contraire d’un trans’ (FtM, ndlr) se soit produit. Je n’ai pas non plus entendu
parler de cas similaire dans les autres obédiences mixtes.
Et puis les francs-maçons sont plutôt âgés, il faut bien le dire, ils n’ont donc pas forcement vécu leur sexualité comme la nouvelle génération peut la vivre, on ne leur ouvrait pas vraiment les
portes de la transsexualité. Cela sera probablement plus facile à l’avenir.
Je suis aussi militante de cette cause. Je milite pour que les droits des trans’ soient reconnus, notamment au sein d’Homosexualités et Socialisme (HES). Les conditions qu’on nous demande de
remplir pour le changement d’état civil sont inacceptables…
Aujourd’hui, comment vivez-vous en tant que femme dans une obédience exclusivement masculine? Le débat sur la mixité est très partagé, à part égale. La moitié des frères est pour et
l’autre contre, à quelques voix près, qui font que la mixité n’a pour l’instant pas été votée. Ce n’est effectivement pas évident à vivre d’être la seule femme, mais j’ai donc la moitié des
membres qui sont favorables à ma présence. Quant à l’autre moitié, ils sont tout à fait respectueux de mon histoire. Ils ne sont pas favorables à l’ouverture de cette obédience aux femmes, mais
ce ne sont pas non plus des monstres. Ils distinguent le cas particulier de mon histoire et l’ouverture plus générale. Les chemins se font doucement…
Votre histoire représente-t-elle un premier pas vers la mixité au sein du GODF? Le GODF est depuis toujours une obédience masculine. Mais on vote régulièrement sur cette question de la
mixité depuis le début du XXe siècle, ce n’est pas vraiment une question nouvelle. En 1901, déjà, un vote dans une assemblée générale sur la mixité avait échoué d’une voix, donc cette histoire de
la mixité est une vieille histoire. Il y a eu en fait semble-t-il dans l’histoire quelques initiations parallèles et “sauvages” de femmes, mais qui n’ont jamais été reconnues, d’où la
particularité de mon histoire: la première fois qu’une femme est inscrite officiellement en tant que membre du GODF.
Dans les faits, le GODF est devenu mixte en me reconnaissant comme femme, à partir du moment où il a un membre féminin. Mais c’est une mixité entre guillemets. Il s’agit de la prise en compte
d’un cas personnel, d’une attitude humaniste, tout simplement parce que cela aurait été humiliant pour moi de continué à être considérée comme un homme. Mais je ne pense pas que ça changera
forcément quelque chose à la mixité au GODF, et je m’en désole. La mixité va encore devoir être gagnée. Ceux qui sont contre continueront à dire qu’ils n’ont pris en compte qu’un cas humain, le
mien, voilà tout. Et pour eux, la mixité n’a rien à voir avec ça. Les choses se gagnent petit à petit…
Au sein de notre obédience, il y a un fonctionnement très démocratique. Ce sont les membres qui votent pour cette question. Pour l’instant, la décision d’ouvrir aux femmes n’a juste pas encore
été votée favorablement, on est parfois un peu victimes de nos façons de faire. Mais je préfère tout de même cette façon de faire, plus démocratique, qu’une autre… que la décision d’un seul
homme. Même si cela doit prendre un peu de temps.
Pourquoi avoir tenu à rester au GODF plutôt que de vous tourner vers une autre obédience, féminine ou mixte? Effectivement, on a souvent dit “elle n’a qu’à aller dans une obédience
féminine ou mixte!”. Mais c’était pour moi hors de question. Je suis rentrée au GODF pour un certain nombre de raisons, parce que je partageais ses valeurs. Chaque obédience a quand même son
identité, on est tous frères, mais la façon de travailler au GODF n’est pas la même que dans d’autres obédiences. Il y a la question du positionnement religieux par exemple. Pour moi, il n’était
pas question d’être dans une obédience avec une identité religieuse. Le GODF est une obédience laïque, dans laquelle chacun a sa liberté de conscience et de culte. C’est aussi une obédience dans
laquelle on n’a pas peur de parler des problèmes de société, tels que la question de la burqa, les 35 heures, le débat sur l’identité nationale… Ce qui n’est pas forcément le cas dans d’autres
obédiences. Je ne veux tout simplement pas quitter cette obédience qui me ressemble. Voilà pourquoi j’ai voulu rester. À chaque fois qu’on m’a dit de partir, j’ai dit non. Et c’est ma
détermination et celle de ma loge qui m’ont permis d’être acceptée.
Source :http://www.yagg.com/2010/01/23/exclusif-olivia-chaumont-trans-franc-maconne-et-premiere-soeur-du-grand-orient-temoigne/2/
° Pour aller plus loin :
° Et Olivia prit le maillet et dit : "Prenez place mes soeurs et mes
frères"... , sur ce site.
° Le site du Grand Orient de France
° Initiation des femmes au Grand Orient de France : décision au Convent de septembre 2010. , sur ce
site.
° Initiation des femmes: Le Grand Orient devra se prononcer à nouveau., sur ce
site.
° Initiation des femmes : Le Grand Orient de France dit non., sur ce site.
° Grand Orient : les soeurs sont nos frères, par Alain Bauer, sur ce site.
° Le Grand Orient de Belgique se pose aussi la question de la Mixité..., sur ce
site.
° Le Grand Orient de France se prononce contre l'initiation des femmes, sur le site de La Croix.
° Les francs-maçons du Grand Orient ont repoussé le principe de la mixité des
loges, sur le site du Monde.
° Le Grand Orient ne sera pas mixte, sur le site du Figaro.
° Le Grand Orient de France se prononce contre l'initiation des
femmes, sur le site de L'Express.
° Pas de femme au Grand Orient, sur
le site de l'Express.
° Le Grand Orient de France toujours misogyne, sur le site de Libération.
° Le Grand Orient de France s'oppose à l'initiation des
femmes, sur le site du Point.
° Le Grand Orient pourrait initier des femmes, sur le site du Figaro.
° Pierre Lambicchi réélu Grand-Maître du GODF, sur ce site.
° Les enjeux
du Convent du Grand Orient de France sur ce site
° Le blog
de Pierre Lambicchi
° Les enjeux du Convent du Grand Orient de France sur ce
site
° Interview de J-M Quillardet, Grand-Maître du GODF, à Lyon
Capitale sur ce site
° A Lyon, les frères du Grand Orient s'interrogent sur leurs soeurs : site du Progrès de Lyon
° "Frangines indésirables au Grand Orient", article de Libération : sur ce site
° Une femme initiée au Grand Orient de France : sur ce
site.
Attention ! Cet article, comme tous les articles du "Bloc-Notes de Jean-Laurent sur les Spiritualités", (http://www.jlturbet.net/) est écrit en mon nom personnel.
Je ne parle ni au nom d'une association, ni d'un parti, ni d'une loge, ni d'une obédience maçonnique.
Mes propos n'engagent que moi et non pas l'une ou l'autre de ces associations.
Je ne suis en aucune façon habilité à écrire au nom d'une association, d'un parti, d'une loge, d'une obédience maçonnique. Tout ceci pour que cela soit bien clair, qu'il n'y ait aucune ambiguïté de quelque nature que ce soit.
Quelles que soient mes responsabilités - ou non - présentes ou futures dans une organisation, les propos tenus dans cet article comme dans tous les articles de ce Bloc-Notes, sont exclusivement des opinions personnelles qui n'engagent que moi.
Je rappelle simplement que la liberté d’expression est en France un droit Constitutionnel, quelle que soit notre appartenance à une association de quelque nature que ce soit.
Dans son article 10, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »
Dans l'article 11, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose aussi que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »
Ces deux articles ont valeur constitutionnelle car le préambule de la Constitution de la Ve République renvoie à la Déclaration de 1789.
La Constitution et les Lois de la République Française s'appliquent sur l'ensemble du territoire national et s'imposent à tout règlement associatif particulier qui restreindrait cette liberté fondamentale et Constitutionnelle de quelque façon que ce soit.
Jean-Laurent Turbet
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