L'événement fait grand bruit. Le National Geographic vient de faire part de sa découverte, ou plus éxactement de la redécouverte (il fut caché pendant plus de 20 ans) d'une version copte, traduction d'une version plus ancienne en grec, de l'Evangile de Judas.
Rappellons tout d'abord que seuls 4 évangiles sont officiellement reconnus par les Eglises Chrétiennes. L'évangile de Matthieu (écrit probablement vers 80-90), l'évangile de Marc (écrit vers 70), l'évangile de Luc (écrit vers 80-90) et l'évangile de Jean( probablement finalisé autour de 90-100).
Pourtant ils serait faux de croire que ce sont les seuls évangiles connus. Ce sont ceux qui ont été adoptés et choisis lors de différents conciles, notamment autour du 5ème siècle. Il existe également de nombreuses autres épitres que celles retenues dans le nouveau testament, d'autres actes d'apôtres, d'autres apocalypses.
Il suffit de voir les deux tomes parus chez Gallimard dans la collection de la Pléïade intitulés "écrits apocryphes chrétiens" , publiés sous la direction du très regretté Pierre Geoltrain, pour se rendre compte de la multitude de ces textes. Il faut aussi noter que Jean-Yves Leloup a publié des traduction de plusieurs apocryphes dans la collection "Spiritualité Vivante" chez Albin Michel ( notamment l'évangile de Marie Madeleine, de Philippe et de Thomas).
Cet évangyle de Judas vient donc compléter la collection.
Ces apocryphes ont été rédigés dans les premiers siècles du christianisme par diverses communautés et diverses écoles, souvent en opposition avec l'église de Rome qui allait devenir l'Eglise dominante.
Au 2ème siècle : Les évangiles de Marcion (Asie mineure), de Philippe (grec), de Pierre (Syrie, grec), de Thomas (Syrie, copte, grec), del' Ascension d'Isaïe (grec, éthiopien), le Protévangile de Jacques (Égypte, grec), de Basilide, des Ébionites (Transjordanie, grec), des Égyptiens (Égypte, grec), des Hébreux (Égypte, grec), des Nazaréens (Syrie).
Au 3ème siècle : Les évangiles de Barthélemy (grec, latin), de Marie Madeleine (copte), de Judas (copte)
Au 4ème siècle : Les évangiles de • de Nicodème ou Actes de Pilate (grec), de l'enfance par Thomas (grec), Lettres d'Abgar et de Jésus (grec), de Assomption ou Passage de Marie (latin, syriaque).
Au 5ème siècle : Les évangiles du Livre de la Résurrection de Jésus Christ par Barthélemy (Égypte, copte), de l'Histoire de Joseph le charpentier (Égypte) .
Au 6ème siècle : Les évangiles du Pseudo-Matthieu (latin), arabe de l'enfance (latin), Arménien de l'enfance (arménien).
Au 6ème siècle : L'évangile de la Nativité de Marie (latin).
A la lecture des intulés de ces évangiles ont voit bien que nombre d'entre eux, sans être reconnus par l'Eglise, ont servis de base à un certain nombre de cultes qui ne peuvent être compris à la seule lecture des évangiles canoniques. L'exemple le plus frappant est bien entendu dans l'église catholique le culte de la Vierge Marie. Il y a si peu de chose dans les 4 évangiles que l'ont voit bien que le culte marial a été nourrit de textes bien ultérieurs.
Il est certain également que des passages de certain évangiles apocryphes ne peuvent évidemment pas "passer" auprès de l'église catholique et romaine ( et dans bien d'autres églises chrétiennes).
Que lit on en effet dans l'Evangile de Philippe ? ( traduction de JY Leloup).
Page 61 Planche 107 :
32 - "ils étaient trois qui marchaient toujours avec l'Enseigneur
Marie sa mère, la soeur de sa mère et Myriam de Magdala
qui est connue comme sa compagne(koïnonos)
car Myriam est pour lui une soeur, une mère et une épouse (koïnonos)."
Page 65 Planche 111 :
55 - [...]
"La compagne (koïnonos) du Fils est Myriam de Magdala
L'Enseigneur aimait Myriam plus que tous les disciples
il l'embrassait souvent sur la bouche"
[...]
Rappellons quand même que cet évangile de Philippe a été écrit au tout début du 2ème siècle et que pour le coup ce qu'il raconte ne colle pas du tout avec la version "apostolique et romaine" de la la vie de Jésus. Il y a certes des controverses sur ce point et en l'état actuel de la recherche, nul ne peut dire avec certitude si ce que dit Philippe est vrai. Ceci dit, qu'y aurait il eu de choquant qu'un rabbi juif de 33 ans vivant en Galilée au début du 1er siècle eut une compagne ?
Quand à l'évangile de Judas à proprement parlé, les folios retrouvés dateraient d'une période située entre le début du IIIe siècle et le début du IVe.
C'est un Evangile en copte (langue parlée alors en Egypte) , qui porte le nom d'« Evangile de Judas ». Mais c'est une traduction très probablement d'un original en grec. Ce texte est signalé par Irénée de Lyon - et condamné par lui - avant 320.
Le codex contient le fameux Evangile, mais aussi deux autres apocryphes: l'épître de Pierre à Philippe et la première Apocalypse de Jacques, qui se trouvent aussi toutes deux dans les manuscrits découverts à Nag Hammadi, en 1945.
Il a longtemps été attribué à Thomas le jumeau (du Christ ?) qui s'appelait Didyme (ce qui signifie "e jumeau" en grec) JUDE Thomas.
Le manuscrit aurait fait un bref passage en Suisse avant de dormir dans un coffre-fort aux Etats-Unis pendant 20 ans. Ce n'est qu'à la fin des années 1990 que son contenu a été établi et le manuscrit racheté par la fondation helvétique Maecenas en 2001.
Rodolphe Kasser, ancien responsable du département de coptologie de l'Université de Genève organise la transcription et la traduction en français, anglais et allemand de ce manuscrit. L'annonce a été faite lors d'un congrès de l'Association des coptisants.
Le livre devrait être disponible en 2006. Cependant il existe quatre ou cinq livres (Flammarion, Laffont...) qui portent ce titre mais n'ont rien à voir (si ce n'est l'utilisation de l'existence du manuscrit) avec les papyrus.
On peut pour l'instant en trouver une version en anglais au format pdf sur le site du National Geographic.
Commenter cet article