Le protestantisme français se porte plutôt bien. C’est ce que révèle le sondage CSA-La Croix-Réforme publié mercredi 12 avril. Pour la première fois depuis dix ans, ce sondage dresse le portrait des personnes se déclarant « proches du protestantisme ». Et le nombre de celles-ci s’élève désormais à 4 % de la population française (contre 3 % en 1995). Le protestantisme n’a donc pas perdu de sa force d’attraction, au contraire, même s’il reste très minoritaire dans le paysage religieux français.
Parmi les personnes citant le protestantisme comme la religion dont elles se sentent « le plus proche », la proportion de ceux qui se déclarent d’origine catholique est importante. Elle dépasse même le nombre de protestants d’origine (48 % contre 42 %). Rapportée au nombre de catholiques français, c’est certes une minorité qui a choisi un mode protestant d’expression de la foi, mais une minorité croissante. Les catholiques d’origine parmi les « proches du protestantisme » n’étaient que 40 % il y a dix ans.
Sur les pratiques religieuses, le sondage bat en brèche une conviction historique – devenue fausse évidence – qui associe protestantisme et lecture assidue de la Bible. De manière tout à fait spectaculaire, 46 % des proches du protestantisme interrogés déclarent « ne jamais lire la Bible ». Les « huguenots » de souche trouveront toutefois à se consoler en constatant que les protestants d’origine sont les plus fidèles à cette pratique (30 % d’entre eux la lisent au moins une fois par mois) et que ce sont les anciens catholiques qui font baisser les chiffres : seuls 12 % des catholiques d’origine lisent la Bible au moins une fois par mois…
Le mariage des pasteurs
Pour ce qui est de la pratique dominicale, 19 % des proches du protestantisme se rendent au culte au moins une fois par mois. La plupart d’entre eux sont donc des non-pratiquants. Mais les protestants se maintiennent à un niveau de pratique relativement plus élevé que les catholiques. En décembre 2004, un sondage CSA-La Croix révélait en effet que seuls 12,8 % des catholiques allaient à la messe au moins une fois par mois (lire La Croix du 24 décembre 2004).
Pourquoi se sent-on au jour d’hui proche du protestantisme ? Le sondage donne d’intéressants éléments de réponse. En tête des raisons affichées : le fait que les pasteurs puissent se marier (40 %), la liberté d’esprit (31 %) et la place reconnue aux femmes (23 %). Ce tiercé confirme que l’adhésion au protestantisme s’adosse à son inculturation dans la modernité. Il apparaît, aux yeux de ceux qui le choisissent, comme une forme de christianisme compatible avec la modernité libérale qui valorise l’égalité entre les sexes et la liberté de conscience.
Il faut toutefois noter que « la liberté d’esprit », première raison donnée à l’adhésion au protestantisme en 1995, a reculé de 16 points en dix ans. « Je pense que le protestantisme est considéré aujourd’hui comme moins critique et plus conformiste, analyse le pasteur Jean-Arnold de Clermont, président de la Fédération protestante de France (FPF). Nos bagarres actuelles autour de l’immigration, des droits de l’homme et de la pauvreté ne sont visiblement pas reconnues. » Par ailleurs, les raisons d’adhésion proprement religieuses sont en croissance.
La grande unité des protestants
À la lecture de ce sondage, Jean-Arnold de Clermont se réjouit de constater une grande unité des protestants sur le plan des valeurs, même si les évangéliques continuent de se distinguer par un plus grand rigorisme moral. « Je crois que cette grande homogénéité est liée au fait que nous sommes une minorité et que cela teint nos raisons d’adhérer au protestantisme et nos valeurs, souligne le président de la FPF. Cette spécificité de minorité nous unit plus que la culture biblique qui, à la lecture de ce sondage, prend certains bleus. »
Enfin, 58 % des protestants disent souhaiter des relations plus étroites entre protestants et catholiques. Ils sont d’ailleurs 48 % à déclarer que ces deux familles chrétiennes se sont rapprochées ces dernières années, suggérant que le dialogue œcuménique se porte mieux à la base qu’au sommet des Églises. Les protestants ne semblent donc pas en proie à un raidissement identitaire ou communautaire. On ne peut que s’en réjouir.
Elodie MAUROT
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Fiche technique du sondage
Ce sondage exclusif CSA pour La Croix et Réforme a été réalisé par téléphone du 16 novembre 2005 au 26 janvier 2006 auprès d’un échantillon national représentatif de 420 personnes se déclarant proches du protestantisme, issu d’un cumul de 10 échantillons nationaux représentatifs de 1 000 personnes âgées de 18 ans et plus. Ces échantillons ont été constitués d’après la méthode des quotas.
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La grande famille de la Réforme
La Fédération protestante de France (FPF), née en 1905, regroupe actuellement 22 Églises ou Union d’Églises et 81 associations, représentant 500 institutions, œuvres et mouvements. Elle est présidée depuis 1999 par le pasteur réformé Jean-Arnold de Clermont.
FPF : 47, rue de Clichy 75311 Paris Cedex 09. Tél. : 01.44.53.47.00. Site : www.protestants.org
900 000 protestants appartiennent à des Églises membres de la FPF. Ils se partagent notamment entre l’Église réformée de France (ERF, 300 000 membres), l’Église évangélique luthérienne de France (Eelf, 40 000 membres), ainsi que l’Église de la Confession d’Augsbourg d’Alsace-Lorraine (Ecaal, luthérienne, 200 000 membres) et l’Église réformée d’Alsace-Lorraine (Eral, 33 000 membres), en cours de fusion.
Outre des Églises baptistes et pentecôtistes membres de longue date de la FPF, plusieurs entités évangéliques ont rejoint la Fédération récemment.
À lire
Protestants en France aujourd’hui, de Claude Dargent (Payot 2005).
Du ghetto au réseau – Le protestantisme évangélique en France, 1800-2005, de Sébastien Fath (Éditions Labor et Fides, 428 p., 23 €).
L’hebdomadaire Réforme consacre cette semaine l’essentiel de son numéro à cette enquête réalisée en commun avec La Croix.
53-55, avenue du Maine, 75014 Paris : le numéro : 2,30 €. Tél. : 01.43.20.32.67.
Site : www.reforme.net
Source : La Croix
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