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Le Blog des Spiritualités

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L'évolution de l'Islam selon Mohamed Ibn Guadi .

Publié par Jean-Laurent Turbet sur 16 Février 2006, 00:46am

Catégories : #Religions

Alire sur le site Nuit d'Orient une interview de Mohamed Ibn Guadi par Ryan Mauro

Qui est Mohamed Ibn Guadi ? Mohamed Ibn Guadi est islamologue à l'Université de Strasbourg, et il est chercheur en philologie sémitique. Il contribue au Figaro, au Point, et à d'autres journaux. Il est le Directeur du programme d'islamologie au centre français d'études du Moyen-Orient (AFEMO) de Toulouse. Il prépare actuellement un livre sur l'Islam et l'Occident.
Publié en anglais à:
http://www.worldthreats.com/general_information/Evolution_of_Islam...htm

L'évolution de l'Islam

RM:l'Islam devient-il plus radical ou plus modéré dans l'ensemble ? Où est le plus préoccupant?
MIG : C'est une bonne question, Ryan. Aujourd'hui, la plupart des gens croient que l'Islam radical augmente au détriment de l'Islam « réel . » L'Islam est-il une religion de paix ? Non. Est-il une religion de guerre ? Non plus. En fait, c'est un casse-tête. Oussama ben Laden est un bon musulman. Je veux dire, ce qu'ils disent au sujet de l'Occident est cohérent avec l'histoire islamique. Il est vrai que les musulmans modérés représentent l'Islam, mais nous devons garder en tête qu'Oussama, le Mollah Omar et d'autres représentent l'Islam aussi.

RM : Mais pensez-vous que la religion de l'Islam dans son ensemble devient plus radicale, ou plus paisible ?
MIG : L'Islam se développe plus vers l'origine, ce qui signifie que l'Islam retourne vers ses fondements. L'Islam est dans une période décisive qui déterminera son futur. La croissance de la démocratie dans le monde arabe pourrait changer les esprits arabes, mais pas l'Islam.

RM : D'où l'Islam radical tire-t-il son origine ? Est-il vrai que l'Union soviétique a joué un rôle majeur dans la naissance d'un Islam radical en premier lieu ?
MIG : L'Islam radical n'est pas une création ex nihilo. Les soi-disant « Musulmans radicaux » tirent leurs sources de 14 siècles d'histoire islamique ainsi que des hadiths et de la vie de Mohamed le Prophète qui doit être un exemple pour les Musulmans. Le djihad est théologiquement correct.
Cependant, nous devons garder à l'esprit que ceux qui sont très critiques envers leur pays arabe sont aussi des Musulmans. Ibn Khaldoun, peut-être le plus grand historien de l'histoire arabe, était très critique envers les Musulmans.

 

Les Arabes ont toujours recherché des alliés selon les circonstances. Dans les années 40, ce furent les nazis, pendant la guerre froide ce fut l'Union soviétique. Ils (les Arabes) ont adopté certaines idéologies de leurs alliés. Mais ni le nazisme, ni l'Union Soviétique n'ont joué un rôle clé dans l'expansion de l'Islam radical.

RM : Qu'est-ce qui cause selon vous la radicalisation du monde islamique ?
MIG : Le sentiment que tous les problèmes proviennent de l'Occident. Mais ce n'est pas la seule cause. La seule chose qui a sauvé les Arabes au 20ème siècle est le nationalisme laïc. Après la guerre des Six Jours, les Arabes ont considéré ce nationalisme insignifiant. La seule source que les Arabes ont trouvée dans leur histoire était l'état islamique. C'est la seule organisation politique qu'ils ont expérimentée. Le nationalisme laïc a été importé d'Europe par des intellectuels arabes qui voulaient rassembler des Arabes chrétiens et musulmans sous la nation arabe.

RM : Quels pays pensez-vous contribuent activement à la croissance de l'Islam radical ?
MIG : L'Arabie saoudite, la Syrie, l'Iran et le Pakistan (dans lISI)

RM : comment se fait-il que l'opinion mondiale tende à être anti-américaine, en particulier pour les guerres en Afghanistan et en Irak ?
MIG : Comme pour l'opinion occidentale, il y a beaucoup de façons d'expliquer cela. Je crois que si les occidentaux sont anti-américains, cela signifie que les mots de liberté, démocratie, et liberté d'expression et ainsi de suite n'ont pas de signification pour eux. S'ils sont si anti-américains c'est parce que cette idéologie utilise des mots simples à comprendre. Mais il existe aussi une haine d'eux-mêmes de la part des occidentaux. Et certains Musulmans l'ont compris. Dans le message diffusé par la télévision Al-Jazeera le 14 février 2003, Oussama ben Laden déclarait : « Les intérêts des Musulmans coïncident avec les intérêts des socialistes dans la guerre contre les Croisés . » Après l'attentat à la bombe en Espagne (le 11 mars 2004), ces mots paraissaient presque prophétiques.
Dans le cas du monde arabe, l'anti-américanisme est aussi une manière pour certains gouvernements de préserver leur régime. Malheureusement, ils ne se soucient pas des Musulmans en Afghanistan ou en Irak. Quand l'Union Soviétique a envahi l'Afghanistan en décembre 1979, le monde arabe devint très silencieux. L'ONU na jamais condamné cette invasion. A la réunion de l'Organisation de la Conférence Islamique à Islamabad, le 27 janvier 1980, la Libye émit une très sévère condamnation des Etats-Unis.

RM : D'où vient que nous ne voyions pas davantage d'action des modérés dans le monde islamique ?
MIG : Parce que leurs actions seront interprétées comme un soutien à l'Occident. Il n'y a pas de culture de la paix dans nos pays. Si vous voulez voir davantage d'action de la part des modérés, cela doit provenir d'un vrai pacifisme dans une société arabe en bonne santé. Comment pouvons-nous espérer une telle action quand les journalistes, les chanteurs, et la télévision ne cessent de dire que les Juifs sont des assassins d'enfants et conduisent les gouvernements du monde ?
Mais, dans le monde arabe, vous pouvez être un Musulman très « modéré » si vous êtes anti-américain et anti-israélien d'autres manières. C'est pourquoi certains athées arabes sont approuvés par les militants musulmans parce qu'ils sont antisémites.

RM : Existe-t-il une communauté de Musulmans modérés au Moyen-Orient qui peut contribuer à combattre l'anti-américanisme ?
MIG : Ils n'ont pas besoin de combattre l'anti-américanisme parce qu'ils le combattent par leur façon de vivre. Beaucoup parmi eux apprécient les films américains ou sa mode. Même au Liban, plusieurs activistes du Hamas vont manger au Mc Donalds.

RM : Comment la communauté islamique croissante en Europe affectera-t-elle la politique européenne ? Cela est-il déjà en cours ?
MIG : Bien, cela affecte la politique mais pas aussi sérieusement que vous le pensez. Par exemple, la France a eu une « politique arabe » avant la guerre d'Irak. En 1967, après la guerre des Six Jours, la France a refusé de soutenir Israël. Les médias français et l'armée étaient très pro-Israël à cette période. Une très brève période, assurément. Cependant, la plupart des Musulmans en France ne votent pas.

RM : Pensez-vous que la stabilité et la démocratie en Irak sont possibles ?
MIG : Je ne suis pas inquiet au sujet de la stabilité en Irak. Parlons-en d'ici 10 ou 15 ans. Je suis sûr que le peuple irakien ne remerciera pas l'Europe. Aujourd'hui, le peuple irakien est très en colère contre certains états arabes pour leur opposition au renversement du régime de Saddam. C'est pourquoi je vous ai dit auparavant qu'il est possible que ce que nous ayons vu dans les anciennes Républiques de l'Union soviétique puisse encore arriver parce que certains Arabes ne veulent plus vivre davantage sous l'oppression.
 

RM : Qu'est-ce qui doit être fait selon vous pour stopper la progression de l'Islam radical ?
MIG : tout d'abord, je pense que les occidentaux doivent accepter que certains peuples du monde musulman ne veuillent pas de la démocratie. Et puis, ils doivent aussi accepter que des terroristes attaquent du fait de l'amour de la vie et de la liberté en Occident. Si les FARC colombiennes, l'armée républicaine irlandaise, et d'autres, veulent tuer des gens, ils ne frappent pas une seule ambassade à Moscou, Paris, Sidney, ou même à Washington. Le militant islamique frappera toutes ces capitales parce qu'ils perçoivent qu'ils sont en guerre avec les valeurs de l'Occident. Leur revendication est tout d'abord religieuse et puis politique. Les militants islamiques préfèreront la mort à la vie. Je pense que tous les occidentaux doivent leur assurer leurs voeux.
Le Moyen-Orient est la seule région qui empoisonne les Musulmans, et ensuite les Occidentaux. La meilleure manière d'arrêter l'effusion de sang est d'apporter la démocratie dans cette partie du monde, même par la force. Mais, la démocratie n'est pas parfaite, elle évolue et s'améliore. Avec le temps, la démocratie devient plus forte et meilleure. Cela surviendra comme nous l'avons vu dans les anciennes Républiques de l'Union Soviétique. Les Arabes gagneront leur indépendance. Non pas l'indépendance de l'Occident mais de leurs leaders arabes. Je pense sincèrement que l'intervention en Irak était une bonne chose. C'est une manière d'accélérer l'histoire. La plupart des diplomates iraniens que j'ai rencontrés aimeraient que les États-Unis interviennent contre Téhéran comme ils l'ont fait à Bagdad. Mais ils savent que la situation de l'Iran est différente aussi.

RM : Le peuple d'Iran est supposé très désireux de chasser les radicaux. Pourquoi y-a-t-il moins de radicalisme là-bas, bien que le gouvernement soit le plus radical de tous ?
MIG : Parce qu'il y a en Iran, à l'opposé des pays arabes, un vrai mouvement de paix et de réforme sociale, en dépit d'un gouvernement radical. La société Chiite a beaucoup l'expérience, à travers son histoire, et la critique d'elle-même. Les Iraniens ont vraiment pensé que la révolution islamique allait changer leur pays. Mais ce ne fut pas le cas. Ensuite, Les Chiites iraniens ne sont pas aussi obsédés en matière d'antisémitisme et d'anti-américanisme que les Musulmans sunnites. Malgré les mises en garde du gouvernement, le peuple iranien a exprimé sa sympathie pour les victimes du 11 septembre 2001. Dans le monde arabe, et même dans certains pays occidentaux, il y eut cette jubilation après le 11 septembre 2001. Je pense que l'Iran pourrait aider à
enseigner la démocratie au monde arabe. L'Iran est un pays non arabe qui est devenu un état islamique. Et maintenant c'est un état non arabe, et potentiellement ex-islamique dans le futur, qui pourrait devenir un exemple de démocratie au Moyen-Orient. Il est très probable que le premier président d'un pays démocratique iranien soit une femme.

RM : Quelle est la probabilité que des leaders opposés à la terreur et partisans de la liberté se dressent contre Arafat, le Hamas, et les autres ? Quelle est la  probabilité de succès dans un délai proche du plan pour un état palestinien ?
MIG : Comme dans le monde arabe, il y a quelques leaders dans les territoires autonomes pour se dresser contre Arafat et même le Hamas. Ces leaders ne sont pas spécialement pro-israéliens, mais ils pourraient être plus conciliants. Arafat n'est pas éternel. Quand il mourra, il y aura une opportunité pour rééduquer le peuple.

 

Le plan pour un état palestinien est très difficile. Aucun arabe n'acceptera un patch de terres tels que les territoires autonomes. Certains musulmans veulent toute la terre. Je ne crois pas que nous soyons en route vers un état palestinien. Si les Palestiniens veulent un vrai état, il existe déjà : c'est la Jordanie. C'est le seul état viable pour les Palestiniens. Mais, dans le même temps, les Arabes palestiniens ne peuvent abandonner le mont du temple qui est appelé mosquée Al Aqsa. Cela ne signifie pas que les territoires autonomes ne pourront être un vrai état. Mais ce ne sera pas assez pour les Musulmans.

RM : Vous avez écrit dans votre dernière réponse que la Jordanie est seulement le seul état palestinien viable. Pourquoi croyez-vous cela ?
MIG : Parce que 75% de son peuple sont Palestiniens ou tirent leur origine du mandat britannique sur la Palestine. La nationalité jordanienne n'existe pas. Mais toutes ces choses sont un brin compliquées. Je crains que nous n'ayons pas le temps dans cette entretien. Si vous voulez comprendre pour vous-même, lisez ceci :
http://frontpagemag.com/article/printable.asp?ID=9208>http://frontpagemag.com//article/printable.asp?ID=9208

RM : Vous avez aussi déclaré qu'un état dans les territoires autonomes ne serait pas assez pour les Musulmans. Pourquoi cela ?
MIG : Parce que des Arabes veulent toute la terre depuis le début. Ils ne considèrent pas que les Juifs aient un droit historique sur cette terre. La situation du Mont du Temple en est un puissant exemple.

 


 Un article du site BellaCiao cite une interview de Mohamed Ibn Guadi donnée au Figaro en 2003.

Les islamologues sérieux comme Mohamed Ibn Guadi le disent pourtant : l’islam radical ou politique est, en réalité, l’islam réel : « (...) Il ne peut y avoir de réforme en Islam, tout simplement parce que la venue de l’islam est une réforme en elle-même... »

« Dans la théologie islamique et, a fortiori, dans l’esprit de Mahomet, l’islam était venu confirmer les révélations précédentes, à savoir le judaïsme et le christianisme. Mais ce que semblent oublier ceux qui sont avides de dialogue islamo-chrétien, c’est que l’islam les confirme, certes, mais que son objectif est de les corriger également. (...).Lorsque, le 3 novembre 2001, Ben Laden a déclaré à la chaîne al-Jezira : « Il est impossible d’oublier l’hostilité qui existe entre les infidèles et nous. C’est une question de religion et de credo », il avait, malheureusement, raison (...).

Par ailleurs, la notion propre à la réforme chrétienne de la séparation de l’Église et de l’Etat est totalement inconnue en Islam. Les institutions religieuses ne sont pas séparées des institutions civiles. Le spirituel est indissociable du temporel. C’est encore pour cette raison que calquer l’expérience de la réforme chrétienne sur l’islam serait illogique et inapproprié.

On s’offusque aujourd’hui de la politisation de l’islam. Ce terme lui-même est également un non-sens. L’islam a toujours été politique. Mais il ne faut nullement lui prêter une connotation péjorative. La seule forme d’organisation politique que connurent les musulmans à travers leur histoire, depuis les origines de l’islam, fut l’Etat islamique. Le nationalisme arabe a été la seule idéologie étrangère aux musulmans, car importée d’Europe. Le nationalisme n’a été qu’un épisode court et superficiel de l’histoire des Arabes. Durant quatorze siècles, l’Etat islamique resta la norme et la référence.

Que l’on soit choqué ou non, le fait que des musulmans puissent déclarer que le Coran passe avant les lois de la République est parfaitement juste en Islam. On peut en être offusqué, mais on ne peut retirer à ces propos leur cohérence avec quatorze siècles d’histoire islamique. Les efforts des musulmans qui souhaitent concilier islam et laïcité sont vains. Il est tout aussi vain pour des musulmans de rechercher des textes à l’appui d’une telle conciliation. Il n’existe aucun texte provenant des hadiths ou du Coran, ou des commentaires exégétiques islamiques, qui spécifie la place que devrait avoir un musulman en terre « infidèle » puisqu’il existe en Islam la zone musulmane (Dar al-Islam) et la demeure de la guerre (Dar al-Harb). Or, un musulman ne peut se trouver en terre non musulmane sans l’appréhender comme un territoire où les lois islamiques doivent prévaloir (...) ».(Le Figaro, 17 juin 2003).

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