Je réponds là encore par un post collectif à une question qui m’a été posée par mail
individuel.
D’où vient le mot «chrétien» ?
Ce mot vient naturellement du mot Christ.
Le mot Christ servant à désigner Jésus, après la Résurrection.
Le mot Christ en français
vient du mot Krestos (Χριστός en grec) qui sert à désigner le Messie d’Israël (Massiah en hébreu).
Krestos est en effet la traduction grecque du mot hebreu Massiah (מָשִׁיחַ - mashia'h), littéralement "celui qui est oint" – du verbe oindre -, celui qui a reçu l’huile sainte -
le Messie, l’élu).
Le mot Chrétien (Χριστιανός en grec) veut donc dire, «adepte» ou partisan de Krestos, le Christ.
Les chrétiens pensent que Jésus est le Messie d’Israël, alors que les juifs, ne reconnaissant pas Jésus comme
le Messie, l’attendent toujours. Mais prenons garde: dans les années qui suivent la mort de Jésus, ces polémiques sont internes au judaïsme. Le mot même de Messie est étranger et même
étrange aux yeux d'un grec ou d'un romain, bref d'un païen. Nous ne parlons ici que d'une catégorie juive.
Le débat entre adeptes de Jésus et pharisiens par exemple restera pendant des années encore un débat entre juifs. Parler de "Chrétiens" au sens ou nous l'entendons aujourd'hui, avec 2000
ans de débats théologiques derrière nous, n'a pas de sens dans les premiers temps de l'organisation de ce qu'il convient mieux d'appeler les juifs disciples de
Jésus .
Il nous est dit dans les Actes des Apôtres, chapitre 11 :
25 Barnabas se rendit ensuite à Tarse, pour chercher Saul ;
26 et, l’ayant trouvé, il l’amena à Antioche. Pendant toute une année, ils se réunirent
aux assemblées de l’Église, et ils enseignèrent beaucoup de personnes. Ce fut à Antioche que, pour la première fois, les disciples furent appelés
chrétiens.
Or, le christianisme - tout comme le judaïsme d’ailleurs - était à cette époque extrêmement divers.
Il y avait plusieurs "écoles" chrétiennes dont nous avons un aperçu partiel dans les quatre évangiles : Schématiquement, Marc représant plus le courant issu de la prédication de
Pierre; Matthieu celui des juifs non hellenisés; Luc celui de Paul et Jean celui de l'école johannique du "disciple que Jésus aimait", à la limite du
gnosticisme.
Par exemple, la communauté de Jérusalem est dirigée par Jacques (Yacov) le frère de Jésus, après le départ de Pierre (Simon ou
Céphas en araméen).
La communauté de Jérusalem est alors très observante des règles du judaïsme. En deux mots, pour devenir chrétien… il faut d’abord devenir juif, être circoncis et observer le shabbat et les règles
d’alimentation (manger casher).
Tel n’était pas le cas de la communauté d'Antioche, composée très majoritairement de juifs hellénisés, parlant grec et de culture
grecque, qui accueille comme disciples de Jésus des gens issus du monde païen… sans les faire passer par l’étape de la conversion au judaïsme.
Paul est l’un des membres les plus connus de cette communauté de juifs hellénisés (comme l’étaient Etienne ou Philippe, par
exemple, à Jérusalem).
Paul sera dans l’imaginaire collectif « l’apôtre des Gentils (non juifs) ». D'autres comme Jacques (et en grande partie Pierre), se réservant l’évangélisation des juifs. Il
faut bien reconnaître qu’historiquement c’est l’apostolat de Paul qui a le mieux marché !
C’est donc à Antioche, d’après ce que nous dit le livre des actes des apôtres, que les juifs qui croient en la
messianité de Jésus, sont appelés «Chrétiens».
C’est peut-être parce qu’à Antioche, très tôt, on a pu faire le distingo entre les disciples de Jésus (juifs en très
grande majorité) et les autres juifs, qui restent observants des règles de la Loi mosaïque: pharisiens, sadducéens, esséniens.
Cela vaudra encore plus après la grande révolte juive qui commence en 66 pour s’achever en 70 avec la destruction du
Temple. Les « Chrétiens », pacifistes et non violents, n’ont pas pris part à cette insurrection et sont donc considérés à des « traîtres » au judaïsme par leurs
corréligionnaires. Ils seront très nombreux à trouver refuge à Antioche.
Les sadducéens (qui s’occupaient du Temple) comme les esséniens (pour des raisons qui sont encore mal connues) ne résisteront pas
à la destruction du Temple en 70. C’est autour du parti pharisien que se reconstituera le judaïsme «orthodoxe» autour de la synagogue.
Quand au terme «krestianos» ou «christianus» en latin, il est fort probable qu’il n'était pas, à l’origine, un
terme valorisant, loin de là.
Ce n’est pas un phénomène isolé : Les Cheyennes étaient appelés ainsi par leurs ennemis. Eux s'appellent « Les
êtres humains ». Idem pour les Sioux qui s’appellent Lakota.
Ce sont les romains, qui ironiquement, ont appelé ces juifs particuliers «christianus» ou «christianii». Ce qui
littéralement signifiait à peu près «disciples du pommadé», traduction littérale du mot grec.
On sait que lors du baptême catholique après avoir aspergé le bébé d’eau ou lui fait le signe de croix avec de l’huile
appelée « Saint Chrème ». De là est dérivé notre mot «crème» qui a étymologiquement le même sens. Jésus était celui qui avait reçu de l'huile, ou de la crême, ou de la
pommade.
Par bravade (?) les «chrétiens» reprendront ce sobriquet à leur compte. Avec le succès que l’on
sait…
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