LA PROPAGANDE
La propagande ! Quelle hérésie !
Que les religions, qui ne s’adressent qu’au sentiment, basent leur prestige sur l’importance de leur clientèle, cela se conçoit. Elles rivalisent sur le marché du monde, chacune d’elles ayant le monopole du vrai Dieu et détenant la panacée magique qui peut guérir ou fortifier les âmes.
Mais une société, quelle qu’elle soit, qui a pour objet d’instruire, ne peut ou mieux ne doit s’agréger que ceux qui sont susceptibles d’entendre et de perfectionner son enseignement. Si elle s’agrège des médiocres, ceux-ci feront peu à peu descendre l’association à l’étage de leur médiocrité, et les Aristes - les meilleurs - se retireront découragés.
En Franc-Maçonnerie, c’est cette détestable réclame - qui a nom la propagande - qui a écarté l’élite de ses temples.
Certes les circulaires envoyées aux Ateliers par le Pouvoir Central recommandent la prudence et une sélection avertie dans le recrutement. Ainsi ce Pouvoir s’octroie la généreuse satisfaction d’accomplir un devoir en veillant à l’intérêt moral de l’Ordre. Il ne s’illusionne pourtant pas sur l’efficacité de son exhortation. D’abord parce que la loge est libre, c’est-à-dire maîtresse de ses choix, ensuite - et c’est là le point crucial - qui empêche et qui empêchera tout relèvement - parce qu’il faut vivre.
Les deux principales obédiences françaises, à mesure que les années affermissaient leur existence, furent touchées par le péché d’orgueil. On pouvait sortir enfin de la pénombre où les avaient parquées la méfiance des dirigeants. Être, c’était bien ; paraître, c’était mieux.
C’était pis !
La nécessité allait s’imposer de faire face à d’onéreuses obligations. Avoir pignon sur rue ! Posséder un bel immeuble ! Forcément cela devait prendre peu à peu l’aspect d’une grande maison de commerce avec un personnel nombreux, la paperasserie, les voyages coûteux des administrateurs chargés d’aller par tout le pays entretenir et stimuler le zèle et la fidélité des ateliers.
Dans ces conditions, la Franc-Maçonne rie s’est trouvée acculée à cette triste obligation : faire de la propagande.
Propagande qui l’a matériellement enrichie et qui l’a moralement appauvrie.
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Les tenues blanches, par lesquelles se trouvait profané le principe de l’Institution, les banquets blancs, peu â peu substitués aux banquets rituels, dits d’Ordre, qui enjolivaient d’intimité la fraternité des membres ; toutes ces cérémonies séduisaient un public amoureux de la pompe des mots et des décors. D’autre part les communications à la presse de vœux relatifs à des questions sociales donnaient une opinion flattée - nous ne disons pas flatteuse - de la puissance de la Franc-Maçonnerie.
Résultat : Les hommes désireux de s’accroître en confrontant leurs intelligences étaient peu à peu noyés par le flot du tout venant des partisans accourus pour entretenir leur passion ; ambitieux pour obtenir des grades, précurseurs possibles (le plus tangibles des biens ; apprentis politiciens pour aiguiser leurs appétits.
Et parmi eux, sauvant presque la face par leur innocence même : des incultes imperfectibles qu’enorgueillit le port de leur cordon.
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De telles recrues devaient pousser les obédiences à une extériorisation détestable. On laissait les loges parisiennes (et de province, pour certaines régions) publier un bulletin portant les ordres du jour de leurs travaux - bulletin qui traînait chez les concierges et qui servait aux fournisseurs pour envelopper leur marchandise. On tirait à des centaines d’exemplaires les Comptes-rendus des convents.
Et quand on avait ainsi colporté les affaires de la Maison, on s’étonnait avec la plus naïve indignation des fuites (fuites qu’une presse hostile présentait à ses lecteurs comme de graves révélations difficilement acquises).
Ainsi s’est effrité le prestige de la Franc-Maçonnerie.
Cette vulgarisation de l’Ordre a eu comme corollaire une déviation du sens de la Fraternité. Cette fraternité, ainsi que dans les Ordres religieux, ne s’entendait et ne devait s’étendre qu’aux seuls membres de la « Vénérable Confrérie ».
Elle impliquait une communion spirituelle, dont le profane était exclu, et une solidarité d’ordre matériel. Depuis, la Fraternité, déviant de sa signification originelle â mesure que l’Ordre abdiquait son salutaire égoïsme, a pris une acception sentimentale englobant tous les hommes.
Une preuve demeure de la signification primitive du terme : le signe de détresse, signe destiné, surtout en cas de guerre, à provoquer la générosité du maçon ennemi, et dont seuls les maîtres avaient la révélation.
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C’est là la triste rançon du succès. La catholicité aussi est passée par celte dissolvante épreuve. On connaît le mot de François de Sales : « Quand les ciboires étaient de bois, les prêtres étaient en or ».
En ces temps évoqués par le Saint, l’Eglise ne comptait que des fidèles.
A mesure que s’est accrue sa puissance extérieure, ces fidèles, ainsi que dans l’institution maçonnique, sont devenus des partisans.
Ceux-ci, en grande majorité, prennent semblablement toute licence avec ses traditions, ne suivent qu’irrégulièrement ses offices, moins soucieux du salut de leur âme que des avantages d’ordre social qu’ils en retirent.
Dieu n’est plus pour eux que le dispensateur des joies terrestres. Celui qui doit faciliter à un cancre la réussite dans un examen, la conquête d’un mari riche pour une vierge sans fortune, l’heureuse issue d’une chasse seigneuriale dont on bénit les chiens avant la curée prochaine.
Elle aussi, l’Eglise, connaît la désertion des élites.
Elle aussi, le jour où les événements déjà prévisibles éteindront l’orgueilleuse lumière du Vatican, ne retrouvera la Parole Perdue que dans l’obscure clarté des Catacombes ».
Par Albert Lantoine (1869-1949)
Publié originellement dans Finis Latomorum? la fin des francs-maçons? , éditions de L'Ermite, janvier 1950 (ouvrage posthume).
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