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Le Blog des Spiritualités

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Religions : entre Rome et l'islam, un dialogue mal en point, par Henri Tincq.

Publié par Jean-Laurent Turbet sur 26 Septembre 2006, 15:56pm

Catégories : #Religions

Vu sur le site du Monde :

Le dialogue entre islam et christianisme vient de subir un sérieux revers après le discours de Benoît XVI à Ratisbonne (Bavière orientale), le 12 septembre, mettant en cause la tentation de la violence dans l'islam. Les musulmans modérés eux-mêmes s'interrogent sur la fidélité du pape au concile Vatican II (1962-1965) et aux initiatives de dialogue de Jean Paul II. Mais entre deux communautés de plus d'un milliard de fidèles, les enjeux sont trop importants - le sort des chrétiens en terre d'islam n'étant pas le moindre - pour laisser se distendre le fil de la rencontre. Benoît XVI a reçu, lundi 25 septembre, des ambassadeurs de pays musulmans. Le temps est à l'explication et à l'imagination.

Pendant des siècles, théologiens et missionnaires chrétiens n'ont vu qu'immoralité et fanatisme dans l'islam, tandis que le christianisme était identifié, en pays musulman, aux souvenirs des croisades et du colonialisme. Les stéréotypes commencent à reculer au XXe siècle : des ponts sont jetés par le Conseil oecuménique des Eglises (protestantes, anglicane, orthodoxes, etc.) et par le Vatican qui, dans sa déclaration Nostra Aetate ("A notre époque"), à la fin du concile Vatican II, affirme que "l'Eglise catholique regarde avec estime les musulmans qui adorent le Dieu Un (...). Si de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre chrétiens et musulmans, le concile les exhorte à oublier le passé (...) à promouvoir ensemble la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté".

Les années 1960-1970 sont marquées par un climat quelque peu irénique où clercs et universitaires des deux bords confrontent pacifiquement leurs théologies et ouvrent des églises inoccupées à des musulmans immigrés. La confusion est à son comble quand, en 1976, en Libye, le secrétariat pontifical pour les relations avec les non-chrétiens - devenu Conseil pour le dialogue interreligieux - signe à Tripoli, sous la pression du colonel Kadhafi, une déclaration violemment antisioniste et propalestinienne qui, dès le lendemain, est désavouée par le secrétaire d'Etat, bras droit du pape Paul VI.

Jean Paul II (1978-2005) reprend ce dialogue avec plus de réalisme. Dès 1985, à Casablanca, devant le roi du Maroc, il exprime le souhait d'une triple collaboration entre musulmans et chrétiens en vue d'un dialogue des cultures, des spiritualités et d'une lutte commune pour le développement. Il insiste sur l'exigence d'une "réciprocité" en faveur des minorités chrétiennes privées, comme en Arabie saoudite, de toute liberté de culte. Le pape multiplie aussi les gestes en direction de l'islam modéré. Les rencontres d'Assise (Ombrie) - dont la première a eu lieu il y a vingt ans, le 27 octobre 1986 -, sa visite à l'université d'Al-Azhar au Caire - la plus prestigieuse de l'islam sunnite - puis à la mosquée des Ommeyades à Damas, en 2001, les rencontres organisées dans tous les pays d'islam qu'il traverse permettent de tisser de nombreux liens.

Parallèlement se poursuivent des rencontres officielles entre Eglises et experts musulmans. A partir de 1995, un "comité de liaison islamo-catholique" réunit des délégués du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et de la Ligue islamique. Dans un autre "comité mixte" se retrouvent, depuis 1998, le Conseil pontifical et le comité d'Al-Azhar "pour le dialogue avec les religions monothéistes". Un dialogue théologique s'ouvre au sein du Groupe des relations islamo-chrétiennes (GRIC), qui réunit des croyants du Maroc, de Tunisie, de France, du Liban, d'Espagne, etc. Chaque année, le Vatican adresse pour le ramadan un message aux musulmans et fournit des bourses à des chercheurs de l'islam pour étudier le christianisme à Rome.

Mais, au fil des ans, l'intérêt du dialogue islamo-chrétien s'étiole. Les organisations chrétiennes se plaignent de manquer d'interlocuteurs musulmans représentatifs. En janvier 2002, à la rencontre d'Assise qui suit les attentats du 11-Septembre, c'est un fonctionnaire non religieux d'Al-Azhar qui parle au nom de l'islam, devant Jean Paul II et les religions du monde entier ! Bien avant le 11-Septembre, le scepticisme avait gagné les communautés chrétiennes. La montée des extrémismes au Proche-Orient, l'assassinat de religieux chrétiens en Algérie (une vingtaine entre 1994 et 1996, dont les sept moines de Tibéhirine et Mgr Claverie, évêque d'Oran), la persécution des minorités non musulmanes au Soudan ou au Nigeria, l'exode des chrétiens de Palestine, d'Irak, etc., soulignent les limites du dialogue. Les appels à la guerre sainte "contre les juifs et les croisés" réactivent ce que Mohamed Arkoun appelle "les imaginaires d'exclusion mutuelle".

Le dialogue théologique aussi est à la peine. L'islam prétend récapituler les deux traditions issues d'Abraham (judaïsme et christianisme) et "accomplir" la révélation dans un Coran directement inspiré par Dieu et intangible. Deux visions du temporel et du spirituel s'opposent. Les chrétiens croient en un Dieu (Jésus-Christ) qui s'incarne et se révèle dans une histoire. Mais ce Dieu en trois personnes (la Trinité) est un scandale pour tout bon musulman qui crie à l'idolâtrie et croit en un Dieu qui exige une radicale soumission de l'homme.

C'est précisément devant ces impasses institutionnelles et théologiques que le pape Benoît XVI a repris, sur des bases nouvelles, la question du dialogue avec l'islam. Depuis son élection d'avril 2005, il a marqué sa volonté de rester fidèle aux options du concile Vatican II pour le dialogue avec les religions et a encouragé leurs instances à poursuivre leur travail. Mais il a aussi montré une certaine défiance vis-à-vis des assemblées de type Assise où les religions se retrouvent sur un pied d'égalité, risquant de favoriser, de son point de vue, un "relativisme" religieux, un "syncrétisme", soit un affaiblissement de l'identité catholique.

Pour souligner le changement, Benoît XVI a supprimé, en février 2006, le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, absorbé par le Conseil pour la culture. Artisan numéro un des rencontres avec l'islam, Mgr Michael Fitzgerald a été nommé nonce en Egypte auprès de la Ligue arabe. Mais cette promotion n'a trompé personne. C'est bien d'une exclusion qu'il s'agit et le signal d'une volonté du pape de montrer plus de fermeté. Le dialogue des cultures est indispensable au bien de l'humanité, mais le dialogue entre les religions soulève trop de risques qu'il vaut mieux éviter.

Henri Tincq
Article paru dans l'édition du 27.09.06

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S
Bonjour,pour info, j'ai  vu sur www.baglis.tv, une conférence de Christian lochon intitulé "Orient et Occident", je pense que cela devrait vous intéresser.  Voici l'url du site: http://www.baglis.tv/weblog/fiches/Orient%20et%20Occident.htmlc'est rare de pouvoir entendre des auteurs / conférenciers nous parler calmement et simplement d'un sujet quand c'est aussi pointu.Dites moi ce que vous en pensez.
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