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Le Blog des Spiritualités

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« L’islam a aussi hérité d’Aristote », par Jason Dean.

Publié par Jean-Laurent Turbet sur 24 Septembre 2006, 19:54pm

Catégories : #Religions

Vu sur le site de Réforme :

Jason Dean. Chercheur associé au Centre de sociologie des religions et d’éthique sociale de Strasbourg, il propose quelques repères pour comprendre le discours de Benoît XVI.

Le dialogue interreligieux revisité
Depuis son élection à la papauté, Josef Ratzinger a procédé à une réorganisation des services de l’Eglise catholique chargés des relations avec les religions non chrétiennes, et notamment avec l’islam. En février de cette année, il relève de ses fonctions le président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, un arabophone, Mgr Michael Fitzgerald, en le nommant nonce en Egypte. Puis, en mars, il rattache ce Conseil à celui de la culture, montrant par là qu’il a une conception plus culturelle que théologique des relations avec l’islam. Enfin, tout récemment à Assise, il met en garde contre le « relativisme qui nierait le sens même de la vérité et la possibilité de l’atteindre ».

Le sens de l’intervention du pape à Ratisbonne
Dans sa leçon sur « Foi, raison et université » prononcée à l’université de Ratisbonne, le 12 septembre 2006, le pape Benoît XVI traite de la raison, une raison qui est créatrice et capable de se transmettre mais précisément en tant que raison. « C’est à ce “grand logos”, à cette ampleur de la raison que nous invitons nos interlocuteurs dans le dialogue des cultures », explique-t-il. La proximité de la tradition chrétienne avec l’héritage de la philosophie grecque et aristotélicienne a produit les deux pôles du christianisme, la révélation et la raison. Hors de toute polémique, et de la citation maladroite des propos de l’empereur byzantin Manuel II Paléologue, selon lesquels le prophète Muhammad n’aurait apporté que « des choses mauvaises et inhumaines, comme le droit de défendre par l’épée la foi qu’il prêchait », c’est le côté « déraisonnable » de la violence que le pape vise dans son exposé. Il semble au fond affirmer que l’ancrage de l’islam sur la seule « révélation » permet l’intrusion de la violence dans la théologie musulmane. Une dérive que peut éviter le christianisme, tant la violence est incompatible avec une notion « raisonnable » de Dieu. L’islam serait ainsi une religion déraisonnable, d’où ses dérives violentes.

Le christianisme n’est pas seul héritier de la tradition grecque
En lisant cette leçon du pape, le lecteur reçoit l’impression que le christianisme est le seul héritier de la rationalité aristotélicienne. C’est faire abstraction de deux grands commentateurs d’Aristote, précurseurs de Thomas d’Aquin (1228-1274) : Ibn Sînâ (Avicenne, 980-1037) et Ibn Rushd (Averroès, 1126-1198). Le pape occulte ainsi tout un pan de la pensée islamique, tendant par là enfermer celle-ci dans les limites d’un fondamentalisme trop influent.

L’islam peut-il être accusé de légitimer la violence ?
Sur le plan historique, j’estime – et je l’ai écrit dans les colonnes de Réforme – que les deux versets du Coran qui affirment l’absence de contrainte en matière de religion (2,256 et 10,99) doivent être interprétés dans le contexte d’une lutte pour établir la religion vraie, l’islam. Celui-ci veut s’imposer aux hommes par sa force de persuasion – le verset 2,256 dit : « La voie droite se distingue de l’erreur » – et par la manifestation de la justice immanente de Dieu – le verset 10,99 rappelle que Dieu « fait sentir le poids de sa colère à ceux qui ne comprennent pas ».

Cependant, aussi bien le Coran que la tradition historico-biographique (Sîra) montrent que le prophète a utilisé d’autres méthodes pour « rendre l’islam attractif » et qu’au besoin il était prêt à employer la force physique contre les réfractaires, à l’intérieur et à l’extérieur du groupe musulman.

Peut-on cependant assimiler l’islam au mal et à la violence ? Ce serait enfermer les musulmans dans les limites des aspects négatifs de leur héritage. Certes, le Coran contient des versets qui justifient le recours à la violence. Certes, l’histoire musulmane est marquée par des guerres et des luttes, tant internes qu’externes. Cependant, qui veut engager le dialogue avec l’autre doit accorder à son interlocuteur la possibilité de réévaluer sa tradition à la lumière de considérations et de situations nouvelles. Et je suis sûr que le pape veut lui aussi être au bénéfice du droit de réinterpréter les versets guerriers de la Bible et les épisodes violents de l’histoire du christianisme.

La réaction des musulmans est-elle disproportionnée ?
Le monde musulman est pluriel. Si les musulmans sont unanimes pour regretter les propos du pape, ils n’en ont pas tous tiré les mêmes conclusions. Je relève, par exemple, que la réaction des musulmans français a été très modérée.

Toutefois, constater la pluralité de l’islam n’interdit pas de chercher des constantes dans son histoire. Il faut avant tout comprendre que l’identité musulmane est fortement attachée au Coran et au prophète, ce dernier étant le garant de l’authenticité du premier. Déjà, du temps de la prédication coranique, la personne et la mission de Muhammad étaient devenues des sujets qui n’admettaient pas de discussion. De plus, à la différence de ce qui ce passe en Occident depuis plus de deux siècles, la religion musulmane n’appartient pas à la sphère privée, elle fait partie intégrante de la vie sociale. Pour un musulman, toucher à l’image du prophète, c’est toucher à sa propre image et à son identité profonde. Il y a, enfin, des raisons historiques qui expliquent le sentiment d’humiliation qu’éprouvent de nombreux musulmans.
Propos recueillis par Jean-Luc Mouton

Source : Réforme

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