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Le Blog des Spiritualités

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"L'Europe frigide", d'Elie Barnavi

Publié par Jean-Laurent Turbet sur 1 Novembre 2008, 19:03pm

Catégories : #Chroniques de livres.

J'ai la grande faiblesse de bien aimer Elie Barnavi même si je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'il écrit.

L'idée de ce livre est née après les "non" français et hollandais au traité constitutionnel européen de 2005. Le "non" irlandais au traité de Lisbonne lui a permis de continuer à se poser (les bonnes?) questions.

D'où vient le désamour des peuples européen envers l'Europe telle qu'elle se construit ?

Un désaccord tout d'abord avec Elie Barnavi (nous verrons beaucoup de points d'accord ultérieurement). Barnavi n'a pas compris le non français et surtout pas le non des pro-européens de gauche comme Laurent Fabius. Autant il comprend le non des souverainistes... autant le non pour des motifs notamment sociaux...il a du mal à comprendre... « En bon social-démocrate, j'aimerais bien entendu, que l'Europe s'en préoccupât d'avantage, je pense même que c'est une de ses justifications morales majeures. Mais j'aimerais que la France s'en préoccupe d'avantage... » (p15). Nous sommes beaucoup en effet à le penser ! Mais il faut faire avec le réel : 13 des 15 dernières élections législatives ont été perdues par les partis sociaux-démocrates européens. Il faut faire avec : la social-démocratie européenne est en crise.

L'Europe aussi est en crise. Est-ce dû à l'élargissement ? Elie Barnavi pense que c'est la France qui a le plus à perdre dans l'élargissement car « la France a confondu le destin du continent avec le sien (...) c'est qu'il est difficile d'être l'ex grande puissance la plus mal lotie d'Europe (...) La France est la seule qui pouvait se prévaloir d'un rayonnement universel et elle s'en est trouvée cruellement dépouillée.» (p31). « Les Etats-Unis ont pris à la France le flambeau de l'universel si bien illustré parla statue de la Liberté, don de la France » (p32).

Un autre point de désaccord avec Elie Barnavi, la «querelle sur les racines chrétiennes de l'Europe» à laquelle il consacre un chapitre. Là encore Barnavi ne comprend pas la position française et le refus de reconnaître dans le projet de texte constitutionnel refusé, la notion de racines chrétiennes de l'Europe.

« Oui l'Europe a été chrétienne, et l'on se condamne à ne rien comprendre ni à ce qu'elle fut ni à celle qu'elle est devenue si l'on s'entête à gommer de son histoire un élément aussi essentiel de son identité » (p45). Elie Barnavi raisonne ici clairement en historien. Et là-dessus tout le monde est d'accord : s'il s'agit de faire un cours d'histoire nous parlerons des bienfaits - et des méfaits - du christianisme et surtout de l'Eglise catholique, en France et en Europe. Mais il s'agit ici de politique et de symbolique. Et sur ce terrain nous ne pouvons pas suivre Barnavi. Les Constituants français ignoraient-ils l'Histoire de France lorsqu'ils ont écrit dans l'article 1er de la Constitution de 1958 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. ». Ignoraient-ils que la France fût appelée «fille aînée de l'Eglise (catholique)» ? Bien sûr que non. Il s'agit d'une position politique qui, vue des démocrates et républicains français, n'est pas négociable. Il n'est pas question de faire cette concession aux cléricaux les plus obscurantistes.

Bien sûr que partout en Europe «la liberté de pensée est garantie» (p45). Et si l'intégrisme chrétien est en recul ce n'est pas un hasard si les états qui tenaient à l'inscription des « racines chrétiennes » soient la Pologne, l'Espagne ou l'Italie ou l'Eglise catholique est très puissante.

D'ailleurs Elie Barnavi sait bien que c'est la France qui était en première ligne dans ce refus : « On a peur aussi d'aliéner les nouveaux Européens. Pourquoi un jeune Maghrébin, puisque c'est surtout de lui qu'il s'agit, ferait-il sien un narratif qui l'exclut, pis, qui fait de ses ancêtres des ennemis puis des soumis ? (...) la France a tourné le dos à ses propres traditions républicaines, a passé par pertes et profits ses mythes fondateurs et renoncé au socle commun d'un narratif partagé par tous » (p46).

Je partage à moitié l'analyse de Barnavi : Mais pas en ce qui concerne les racines chrétiennes. Oui les valeurs laïques et républicaines sont battus en brèche par le communautarisme : Il faut en cela résister. Oui la laïcité «elle-même fait partie de l'héritage chrétien» (p47), et n'est pas connue en terre d'Islam. Mais notre message est clair : ce que nous ne tolérons plus de l'Eglise catholique, nous ne le tolérerons pas non plus d'autre religion.

Mais sur le reste je suis d'accord avec Barnavi. «L'Europe est un civilisation qui s'ignore et « les européens restent aveugles à ce qui fait l'unité profonde de leur civilisation» (p49). Après l'Europe de la Réforme (ou plutôt des réformes, luthérienne et calviniste), l'Europe de l'Humanisme et de la Renaissance, celle de la révolution scientifique (Galilée, Descartes, Newton) puis la République des philosophes au 18ème siècle, c'est bien un projet de civilisation fondé sur des valeurs communes qui prend forme. «La Révolution française marque l'avènement des masses dans l'histoire européennes, autrement dit l'avènement de l'âge démocratique» (p57). De quoi est donc fait cet esprit européen ? «On y trouve pêle-mêle, la curiosité intellectuelle, l'esprit de révolte et la négation de la fatalité, la parfaite combinaison de l'esprit et de la volonté, le goût de l'aventure et de l'action, la conception de la vie comme défi permanent et la science comme l'expression de la volonté de l'homme, non seulement de comprendre la nature, mais aussi de la maîtriser et la soumettre à ses besoins, la liberté enfin, dans son acception métaphysique et politique tout à la fois» (p59). «La conquête provisoire du monde s'est accompagné de la conquête durable des esprits (...) due à la sélection d'une civilisation à la vitalité sans égale» (p61). «Cependant, c'est la liberté qui est sans doute la valeur centrale de l'Europe» (p67).

Alors pourquoi l'Europe et les européens doutent-ils d'eux-mêmes, de ce qu'ils sont et de leurs valeurs. Elie Barnavi ne comprend pas et il a raison.

Des centaines de milliers de personnes, d'Afrique et d'ailleurs, risquent au minimum leur liberté, voire leurs vies, pour rejoindre ce qu'ils considèrent comme un Eldorado. L'Europe, vue d'une Afrique rongée par la misère, la guerre, la corruption endémique est une terre promise.

Barnavi pose très justement la question des frontières de l'Europe. Tous les hommes ont besoin non seulement de valeurs communes mais aussi d'un territoire déterminé. A cela l'Europe n'apporte malheureusement pas de réponse aujourd'hui. Barnavi en vient très justement, après une analyse précise et convaincante, au fait que ni la Russie ni la Turquie (et à fortiori d'autres états, même Israël) n'ont pour vocation de rentrer dans l'Europe.

L'Europe doit redevenir fière de ses valeurs et cesser l'auto flagellation post-coloniale. Là encore je suis d'accord à 100%. Elle doit aider les pays, et avant tout les peuples, à se développer, d'abord autour de la méditerranée.  «Les pays du Sud sont incapables de donner du travail à une jeunesse pléthorique et désœuvrée, que la frustration rend perméable aux mots d'ordre des fanatiques (...) Bref, la géographie et l'histoire ont créé l'écrin d'une civilisation commune ; les impératifs de la mondialisation imposent des cadres d'un développement partagé » (p99). Car la situation est plus dramatique que jamais. Barnavi propose même (et c'est plutôt un bonne idée) la mise sous tutelle de certains états les plus défaillants - sous la tutelle des Nations Unies - pour sauver les populations les plus menacées.

Mais pour cela il faudrait que l'Europe se donne les moyens de ses ambitions. Et cela passe par un regain de puissance y compris militaire, pour passer des intentions aux actes. A quoi sert de dire qu'on va intervenir si nous n'avons pas les moyens de le faire ?

Elie Barnavi propose en conclusion 7 pistes pour sortir l'Europe de l'ornière où elle se trouve. Je laisse bien entendu au lecteur le soin de les découvrir en achetant le livre !

« Encore un effort, citoyens de l'Europe, et vous serez européens ! » (p161), conclue Barnavi.


Un livre à lire d'urgence car il aide, enfin, à rendre confiance en nous-même !


Avis de l'éditeur :

Conseiller scientifique auprès du musée de l'Europe, Elie Barnavi vit l'Europe au quotidien après en avoir mesuré les ambitions et les limites sur la scène du monde, en tant que diplomate international. Historien, essayiste à la plume franche et directe, il se penche sur cette création politique unique qu'est l'Union européenne et la passe au crible d'un questionnement radical : l'Europe est-elle en coma dépassé ou ne dort-elle que d'un œil ? Communauté de valeurs fondée sur la démocratie et l'Etat de droit, comment l'Europe peut-elle et pourra-t-elle confronter cet idéal fondateur à la réalité ? A-t-elle eu raison de s'élargir ? D'ailleurs, ses frontières, quelles sont-elles ? Et quelles devraient-elles être ? Les racines de l'Europe sont-elles chrétiennes ? Colonisatrice heureuse, décolonisatrice faillie, partenaire complexée, l'Europe est-elle agitée par une peur de l'islam qu'elle n'ose s'avouer? Que peut-elle faire face aux flux migratoires ? Le multiculturalisme s'oppose-t-il à la diversité culturelle ? Quels sens peuvent avoir les lois mémorielles dans la construction d'une Europe consciente d'elle-même ? Enfin, comment l'Europe peut-elle espérer compter un jour sur la scène du monde alors qu'elle peine à. " se vendre " auprès de ses propres citoyens ?

Cet essai plein de vivacité et conviction, tente d'analyser les maux dont souffre l'Europe, de mettre à nu ses racines, d'identifier ses responsables et surtout d'offrir des pistes de réflexion pour sortir de la crise et redonner à l'Union une énergie une ambition, une âme. Passionnant.

L'Auteur :

Ancien ambassadeur d'Israël en France, aujourd'hui Directeur du Comité Scientifique du Musée de l'Europe, Elie Barnavi est un observateur privilégié (avec « un pied dedans et un pied dehors», selon sa propre formule) de l'Europe et de ses difficultés.

Le Livre :

" L'Europe Frigide"
D'Elie Barnavi
Publié en septembre 2008
André Versailles éditions
www.andreversailleediteur.com
ISBN : 9782874950209
Prix : 12,90€
Vous pouvez le commander sur fnac.com

A lire sur ce site :

° "Les religions meurtrières", d'Elie Barnavi

le Site des éditions André Versaille

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A
Bonjour,Deux choses m'étonnent sur le débat autour des "racines chrétiennes de l'Europe" tel que vous le retranscrivez ici.Tout d'abord, au point de vue même de l'expression choisie. Que veut dire "racine"? Tout et rien. Une racine est souterraine, invisible, elle soutien le tronc et par là l'arbre, le nourrit. Est ce que la chrétienté peut se prévaloir d'être cela pour l'Europe? Une racine qui maintient tout l'arbre en place et lui permet de tenir debout en le nourissant? Je ne le pense pas. Même si cela fut le cas - et très partiellement puisque l'Europe en tant que réalité continentale existait bien avant l'Eglise, cfr Hérodote - je ne pense pas que cela le soit encore. Du reste, la chrétienté n'est-elle pas elle-même un arbre qui s'appuye sur d'autres racines que sont le judaïsme, le platonisme, le zoroastrisme etc. Bref, tout au plus une branche, certes épaisse, plutôt qu'une "racine" de l'Europe.Ensuite "chrétiennes"... et là aussi, il y aurait beaucoup à dire! Pourquoi l'Europe insisterait-elle sur ces racines là? Est-ce que Aristote, Thalès, Nietzsche, Platon, Epicure, Averroes et d'autres ne sont pas des penseurs également d'importance? Faut-il spécifiquement insister sur ces racines là? L'Europe a plein de "racines" et insistier sur les chrétiennes, que personne ne nie, est réducteur. L'arbre ne tiendra pas avec une seule racine, aussi grosse soit-elle: l'Europe a une multitude de racines, insister sur celle-ci plutôt que sur les autres est clairement faire un choix idéologique fort.Enfin, une chose est de dire que l'Europe a des "racines chrétiennes", ce qui est historiquement exact sous réserves de ce ui a été dit plus haut, une autre est (i) de mettre ça dans un texte juridique qui n'est pas un livre historique mais la charpente d'une organisation internationale ou (ii) de prétendre par là que l'Europe a des racines et qu'elle doit donc demeurer "chrétienne" (ce qui était évidemment une bonne partie de l'enjeu sous jacent cfr élargissement vers la Turquie etc.).Bref, je suis d'accord avec vous. Elie Barnavi semble ne pas vouloir voir quel agenda se cachait derrière cette inclusion soi-disant "historiquement innocente", que ce soit en termes de relecture partielle (et partiale) de l'histoire ou d'agenda politique.Enfin, un dernier point, je pense que ceux qui insistent pour que la religion chrétienne se mèle de définir les racines du pouvoir temporel devraient relire un certain "rendez à César..." ainsi que les commentaires sur ce sujet de Marsile de Padoue, Guillaume d'Ockham ou Dante (en cas d'allergie à la théologie).A vous lire
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