Il fait un froid saisissant ce mercredi 30 octobre lorsque j’arrive à Vézelay en fin de matinée. Un épais brouillard tarde encore à se dissiper et le vent du nord souffle en rafales.
Par chance une place est encore libre juste en bas de la rue pour pouvoir stationner. Les touristes et pèlerins de toutes nationalités arrivent en même temps que nous. Petit à petit la foule se fera plus dense sans jamais être insupportable.
La ruée sera probablement pour le lendemain, jour de la Toussaint.Partis de La Machine, nous sommes arrivés depuis le sud. Par Saint-Saulge, Corbigny, Saint-Père (sans s’arrêter chez Marc Meneau…). Par la route du Morvan, des prés vallonnés tâchés de vaches toutes blanches où le bitume est un véritable patchwork de toutes les couleurs !
Par la route qui monte vers la Lumière, celle de Vézelay, dont l’abbatiale domine tout le pays.
Je suis toujours allé à Vézelay par cette route. Je n’ai jamais voulu en connaître d’autres. Peut-être un jour passerais-je par Clamecy, pour faire avant un fraternel salut à Benjamin Rathery, mon Oncle Benjamin.
Aller à Vélezay n’est jamais un voyage comme un autre. La charge émotionnelle y est toujours aussi intense, même après une énième visite. La magie opère toujours.
Du bas de la rue le périple commence. Avant de visiter un Temple, il faut toujours en passer … par les marchands du Temple. Et ils sont encore nombreux à Vézelay comme ailleurs. Les artisans sont sympathiques et accueillants… mais leurs marchandises hors de prix. C’est le prix de l’artisanat !
La librairie l’Or des étoiles est toujours là à gauche en commençant de monter la rue, avec ses multiples objets et ouvrages ésotériques.
Un peu plus haut à droite dans la rue une découverte éblouissante : Le musée Zervos. Du nom de ce grand exposant et directeur des Cahiers de l’Art, figure majeure de l’art contemporain des années 20 à 60. Ce musée se trouve dans la maison de Romain Rolland (ah Jean-Christophe qu’on ne lit plus de nos jours…) grand écrivain bourguignon et pacifiste de l’entre deux guerres qui est venu finir ses jours à Vézelay. La maison est splendide… le musée encore plus !! Je ne m’attendais vraiment pas à trouver ici des œuvres inédites de Fernand Léger, des mobiles de Calder, des calligraphies de Joan Miro ni des aquarelles de Picasso des années 30 !! A voir aussi au troisième niveau des magnifiques poteries du même Picasso réalisées dans les ateliers de céramiques de Vallauris. L’exposition Jean Lurçat est également de toute beauté.
Le musée a ouvert en mars et propose quelques 120 œuvres… qui attendaient sagement depuis 20 ans dans les caves de la Mairie de Vézelay de trouver un lieu d’exposition. La collection sera souvent renouvelée car c’est plus de 800 œuvres qui ont été cédées par Zervos à Vézelay.
La maison natale de Théodore de Béze, un peu plus loin à gauche dans la rue, est toujours à vendre. La librairie de livres anciens sur le protestantisme a disparue. La charmante propriétaire des lieux expose quelques antiquités en attendant un éventuel acheteur pour sa maison. Ne serait-ce pas magnifique que cette demeure devienne un lieu de mémoire fort pour le protestantisme français ? Je crois vraiment que la Réforme a toute sa place sur la colline de Vézelay, en ce lieu si symbolique et si particulier.
Enfin après une forte pente… l’abbaye majestueuse. Je suis fort peu sensible aux à côtés cathos qui entourent le lieu. Mais la basilique… cette force, cette attraction, cette puissance.
Il est peu d’endroits qui pour moi ont cette force téllurgique. Le Nartex, le grand Tympan majestueux…
Je passe une nouvelle fois de longues minutes à décrypter les chapiteaux qui sont à Vézelay de pures merveilles. Mon préféré reste celui dit du Moulin Mystique (pour ceux qui veulent le voir directement c’est le 16ème du bas-côté sud).
Et puis il y a cette lumière si particulière à l’approche de l’hiver (il faut aussi venir autour du 21 juin voir le chemin de lumière) et ce silence…
C’est une abbaye somptueuse représentative de l’art roman du 12ème siècle (le chœur et le transept sont eux gothiques et datent de 1190).
Le 12ème siècle est d’ailleurs un peu l’âge d’or de la basilique puisque Bernard de Clairveaux vint prêcher la seconde croisade sous les remparts le 31 mars 1146 pour le jour de Pâques.
Le 2 juillet 1190, l'armée anglaise de Richard Coeur de Lion et l'armée française de Philippe-Auguste partent de Vézelay pour la 3e croisade.
A partir du 16ème siècle l’aura de Vézelay décroît… Il faudra attendre 1840 et Viollet-le-Duc pour la restauration du bâtiment, suite à l'inspection faite par Prosper Mérimée pour que l’abbaye retrouve son éclat. Enfin en 1979 la basilique entre dans le patrimoine mondial de l'UNESCO.
Lorsque je me rends dans la crypte je contemple toujours les « reliques » de « Sainte » Marie-Madeleine. Il est d’ailleurs toujours noté que les reliques visibles aujourd’hui viennent d’une autre cathédrales car les vilains huguenots ont piqué les reliques originales lors de la prise de Vézelay en 1568 !!
Je ne peux m’empêcher de penser à cette pauvre Myriam, originaire de Magdala, qui a certainement dû s’exiler en Gaule dans les années 60 (de notre ère) pour fuir les persécutions faites aux disciples de celui que les grecs appelaient Krestos.
Ce Krestos qu’elle avait suivi lorsqu’il n’était encore que Jéshoua, un rabbi galiléen charismatique et peu orthodoxe… Que penserait aujourd’hui cette juive pieuse et observante de tout cette dévotion faite en son nom ? Mystère !
Myriam de Magdala nous ramène aux origines mêmes de ce qui allait ensuite s’appeler le christianisme. C’est aussi à cela que je pense quand je suis à Vezelay… Le christianisme, cette forme particulière de judaïsme qui allait conquérir et changer le monde. Parfois à Vezelay, paradoxalement, je me sens plus juif que chrétien.
Jean-Laurent Turbet.
Attention ! Cet article, comme tous les articles du "Bloc-Notes de Jean-Laurent sur les Spiritualités", (http://www.jlturbet.net/) est écrit en mon nom personnel.
Je ne parle ni au nom d'une association, ni d'un parti, ni d'une loge, ni d'une obédience maçonnique.
Mes propos n'engagent que moi et non pas l'une ou l'autre de ces associations.
Je ne suis en aucune façon habilité à écrire au nom d'une association, d'un parti, d'une loge, d'une obédience maçonnique. Tout ceci pour que cela soit bien clair, qu'il n'y ait aucune ambiguïté de quelque nature que ce soit.
Quelles que soient mes responsabilités - ou non - présentes ou futures dans une organisation, les propos tenus dans cet article comme dans tous les articles de ce Bloc-Notes, sont exclusivement des opinions personnelles qui n'engagent que moi.
Je rappelle simplement que la liberté d’expression est en France un droit Constitutionnel, quelle que soit notre appartenance à une association de quelque nature que ce soit.
Dans son article 10, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »
Dans l'article 11, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose aussi que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »
Ces deux articles ont valeur constitutionnelle car le préambule de la Constitution de la Ve République renvoie à la Déclaration de 1789.
La Constitution et les Lois de la République Française s'appliquent sur l'ensemble du territoire national et s'imposent à tout règlement associatif particulier qui restreindrait cette liberté fondamentale et Constitutionnelle de quelque façon que ce soit.
Jean-Laurent Turbet
Commenter cet article