Mais quelle drôle d'idée de parler de parfum sur ce blog des Spiritualités ?
Peut-être parce que l'on parle de l'esprit du parfum ? Pas seulement. Et même pas du tout.
Nous sommes aujourd'hui le 8 mai 2024. 79 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, année où nous célèbrerons aussi les 80 ans de la Libération de Paris et de la France des forces d'Occupation de l'Allemagne nazie et de leurs zélés collaborateurs, de Vichy comme de Paris.
Destinées opposées : Résistants, collaborateurs... et puis parfois plus flou... comme ces collabos infâmes qui, sentant le vent venir - notamment après Stalingrad - se sont peu à peu rapprochés de la Résistance, quitte à se qualifier eux-mêmes de résistants et de se donner entre eux des brevets de bonne conduite... Chacun pourra mettre les noms qui lui viennent à l'esprit.
Simplement je pensais à deux destins, deux destins de femmes qui ont inspiré des parfums français très connus.
° Coco de Chanel créé en 1983 par la maison Chanel dont le nom "Coco" était celui de la fondatrice de la maison de couture, Gabrielle Chanel (1883-1971), non pas qu'elle ne fusse jamais communiste (ce fut même exactement l'inverse!) mais parce que jeune chanteuse de cabaret très appréciée, elle chantait souvent une chanson intitulée Qui qu'a vu Coco dans l'Trocadéro ?
Gabrielle Chanel, aidé par quelques mécènes, va monter ensuite une entreprise de fabrication de chapeaux puis de vêtements qui connaîtront un grand succès, notamment ses fameux "tailleurs Chanel" qui sont encore aujourd'hui emblématiques de la marque.
Elle va également se lancer dans les parfum (avec notamment le fameux N°5, créé par Ernest Beaux en 1921, dont Marylin Monroe dira que c'était son seul vêtement pour la nuit).
Pour les parfums, Gabrielle Chanel fait appel à l'expérience commerciale des frères Pierre et Paul Wertheimer qui dès 1924 possèdent 70 % des parfums Chanel.
Notons avec satisfaction que ce sont leurs descendants, Alain et Gérard Wertheimer, qui possèdent l'intégralité de la maison Chanel de nos jours.
Pourquoi avec satisfaction ? Car Melle Chanel, proche des milieux ultras conservateurs anglais (ceux qui sont proches de l'Italie fasciste et de l'Allemagne Hitlérienne) ne cache pas ses sympathies...
Elle profite de la déclaration de guerre en 1940 pour fermer sa maison de couture où elle va licencier ses 4000 couturières à qui elle n'avait jamais pardonné d'avoir fait grève en 1936 pour obtenir des meilleures conditions de travail.
Elle garde par contre ses activités de parfum. Mais elle va tout faire pour tenter de dépouiller les Wertheimer (car juifs) à son profit.
Le 5 mai 1941, elle réclame aux autorités allemandes la propriété des Parfums Chanel, dont elle ne détient les droits qu’à hauteur de 10 %, assurant qu'« ils sont toujours la propriété de Juifs » et qu'ils ont été légalement « abandonnés » par leurs propriétaires, les Wertheimer qui étant alors réfugiés aux États-Unis. Elle fait valoir un « droit indiscutable de priorité », et demande « réparation pour les préjudices subis pendant ces dix-sept années ».
Cependant cette demande n'aboutit pas, Coco Chanel ignorant que les Wertheimer, anticipant les lois nazies, ont fait passer légalement le contrôle des Parfums Chanel entre les mains de leur ami Félix Amiot, qui le leur rendra après la guerre
Mais beaucoup plus grave ! Les archives allemandes et du MI6 déclassifiées, révèle qu'elle fut recrutée comme espionne de l'Abwehr, devenant l'agent F-7124 sous le nom de code « Westminster », en référence à son ancien amant le duc de Westminster, ce que confirme une fiche récemment déclassifiée des archives de la préfecture de police de Paris, concernant Gabrielle Chanel et portant le même numéro d'agent et le même nom de code.
Chanel a été recrutée par le lieutenant Hermann Niebuhr qui l'a mise en relation avec le baron Louis de Vaufreland, ancien agent français de la Gestapo au Maroc et recruteur d'espions allemands, et l'a envoyée en mission en Espagne dès 1941
D’un antisémitisme fervent elle distinguait pourtant entre les « Israélites » comme les Rothschild, qu'elle fréquentait, et les « youpins ».
Un ancien proche déclare à ce propos : « Juif ou pas, elle s’en foutait. C’était une égocentrique qui n’avait aucune empathie pour le genre humain, qui méprisait les Allemands autant que les résistants et de Gaulle ».
Marie-Dominique Lelièvre soutient, elle, que « Gabrielle Chanel a été antisémite, avant, pendant et après la guerre. »
En 1944, craignant l’épuration elle va s’installer en Suisse où elle va rester 10 ans.
° Miss Dior de Christian DIOR (1905 - 1957).
Christian Dior avant de mourir prématurément à 52 a voulu rendre hommage à sa sœur cadette Catherine DIOR (1917 - 2008) qui - elle - a eu un comportement irréprochable pendant l'Occupation.
Revenue à Paris avec son frère, Christian Dior, en 1941, elle entre peu de temps après dans la Résistance intérieure, dans le réseau franco-polonais F2.
Ce réseau était spécialisé dans le renseignement sur l’armement et des mouvements des armées allemandes. Il a compté jusqu’à deux mille agents et est considéré comme l’un des réseaux de résistance les plus dynamiques en France. Pendant deux ans, elle utilise l’appartement de son frère, situé au 10, rue Royale, pour recevoir des membres de son réseau.
Le 6 juillet 1944, alors qu’elle a rendez-vous avec un autre membre de son réseau place du Trocadéro à Paris, la Gestapo de la rue de la Pompe l’arrête à 5 heures du soir. Comme ses camarades, dont Jean Desbordes qui dirige son secteur et meurt le jour même sous la torture, Catherine Dior est alors torturée.
Elle est déportée au camp de Drancy puis dans le camp de concentration pour femmes de Ravensbrück. Le train qui l'envoie en Allemagne le 15 août 1944 est l’un des derniers à emmener des déportés (« convoi des 57000 ») dont seulement 859 reviendront vivants.
Libérée près de Dresde en mai 19459, Catherine Dior est rapatriée à Paris, très affaiblie et amaigrie. Elle est décorée de la croix de guerre – une distinction rarement accordée à des civils –, de la croix des Combattants, et de la Légion d’honneur. Son cousin Sean Dior dira d’elle : « elle a risqué sa vie pour que les autres restent libres. »
Alors mesdames et messieurs en ce 8 mai 2024, plutôt Coco ou plutôt Miss Dior ?
Jean-Laurent Turbet
PS : il ne s'ait évidemment pas d'appeler au boycott des parfums Chanel puisqu'ils appartiennent toujours aujourd'hui aux héritiers de Pierre et Paul Wertheimer !
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