INITIATION DES FEMMES
Par Oswald Wirth
La Franc-Maçonnerie paraît devoir faire parler d’elle l’hiver prochain. Les loges françaises viennent, en effet, d’être saisies d’une question de la plus haute importance, qui ne manquera pas d’avoir un certain retentissement dans le monde profane.
— Il ne s’agit de rien moins que de l’admission de la femme dans la Franc-Maçonnerie.
Ce n’est point là, il est vrai, une question aussi nouvelle qu’on pourrait bien le croire. Elle fut agitée en France dès 1730, c’est-à-dire cinq ans à peine après l’introduction de la Maçonnerie moderne en notre pays. L’idée, néanmoins, ne prit corps d’une façon définitive qu’en 1774, époque à laquelle le Grand Orient de France patronna officiellement la Maçonnerie des dames, plus connue sous le nom de Maçonnerie d’adoption .
De nombreuses loges féminines furent alors créées. Parmi elles se distingua surtout la loge la Candeur, fondée en mars 1775. Il fut donné, à cette occasion une fête brillante, à laquelle prirent part toutes les dames de la cour, et en particulier la duchesse de Chartres, la duchesse de Bourbon et la princesse de Lamballe.
La Maçonnerie d’adoption fut ainsi mise à la mode. L’exemple ayant été donné par les personnalités les plus en vue du règne de Louis XVI, il devint de bon ton de se décorer du tablier symbolique. Au point de vue initiatique, on n’attachait, du reste, aucune importance réelle aux travaux d’adoption.
Cela explique comment, après un moment de vogue, il en fut de la Maçonnerie des dames comme de toute chose dont le succès n’est dû qu’à un engouement passager.
Le fait est qu’on ne tarda pas à s’en désintéresser même après les encouragements donnés à l’œuvre, en 1805, par l’impératrice Joséphine. — Ces sortes d’initiations présentaient décidément un caractère trop futile pour survivre longtemps aux circonstances qui leur avaient donné naissance. — Elles tombèrent dès lors de plus en plus en désuétude, jusqu’à notre époque, qui ne voit plus en elles qu’un souvenir historique.
La Maçonnerie actuelle trouve cependant qu’il ne lui est pas permis de se désintéresser du sort de la femme, en l’abandonnant, comme par le passé, à l’influence des idées obscurantistes, qui la retiennent sous le joug de préjugés néfastes et entravent le libre essor de ses admirables facultés.
La Maçonnerie comprend qu’après s’être adressée d’abord exclusivement à l’homme, il est temps qu’elle s’occupe sérieusement aussi de cette autre moitié du genre humain, sans laquelle rien ne saurait se faire de vraiment durable et de grand.
Les maçons se proposent, en conséquence, d’inviter les femmes à venir concourir à leur œuvre si haute ment humanitaire.
On ne voudrait pas en cela se contenter simplement d’organiser des fêtes de bienfaisance, dont la Maçonnerie fournirait le prétexte. On retomberait ainsi dans l’erreur des promoteurs de l‘ancienne Maçonnerie d’adoption, qui ne répondrait plus en aucune façon aux besoins de notre époque.
Il faut envisager aujourd’hui la question à un point de vue beaucoup plus large. Ce serait faire fausse route que de s’attacher à ressusciter une institution disparue, qui n’eut jadis que le mérite de convier la société aristocratique du siècle dernier à des réunions assurément fort belles et fort touchantes, mais fort anodines, en somme, au point de vue du progrès des lumières, ou relativement à l’émancipation des faibles en général et de la femme en particulier.
Il nous faut autre chose, de nos jours, qu’une sorte de Maçonnerie à l’eau de rose, spécialement adaptée aux usages du monde élégant. Ce n’est point par le moyen d’amusements innocents, présentant une vague analogie avec les rites initiatiques, qu’on parvient à rendre son orientation normale à une civilisation dévoyée.
Ce qu’on réclame en ces conditions, c’est une institution sérieuse, une organisation puissante susceptible d’offrir à la femme ce qu’elle ne trouve nulle part à notre époque, c’est-à-dire l’Initiation.
Celle-ci ne doit pas consister en vaines formalités. Il faut faire briller devant la femme la lumière maçonnique autrement que sous le symbole d’une flamme de lycopode. La femme pour cela doit apprendre à penser. C’est le seul moyen pour elle de s’affranchir de toute servitude intellectuelle, et de s’élever ainsi à un rang strictement égal à celui de l’homme.
La Maçonnerie saura certainement sous ce rapport se montrer à la hauteur de sa mission. Elle fera pour la femme ce qu’elle a déjà fait pour l’homme. Mais en cela sa tâche est des plus ardues. On n’improvise point à la légère une institution propre à conférer l’initiation spéciale qui convient au génie féminin. De profondes connaissances initiatiques sont requises en pareille matière si l’on veut arriver à une solution vraiment satisfaisante d’un problème aussi délicat.
Nous verrons d’ici peu comment la Maçonnerie actuelle pourra parvenir à trancher la difficulté. Pour le moment, la question vient d’être mise à l’étude dans un grand nombre de loges. Il en résultera des discussions du plus haut intérêt, qui tourneront toutes au plus grand avantage de la cause si intéressante de l’initiation des femmes. On peut, en tous les cas, s’attendre de ce côté à des surprises, dont les amis du progrès n’auront qu’à se féliciter.
OSWALD WIRTH, Membre du groupe Maç.-. d'Études initiatiques.
Publié dans "L'Initiation", août 1890 (pages 419 à 423)
Note de JL-Turbet :
Les "réponses" aux vœux et aspirations de Wirth se sont concrétisées notamment de la façon suivante :
- La première obédience mixte, la Grande Loge Symbolique Écossaise - Le Droit Humain naîtra en 1893 avec des sœurs initiées par Maria Deraismes et des frères de la Grande Loge Symbolique de France, avec au premier plan Georges Martin.
- Les loges féminines d'adoption seront souchées sur des loges de la Grande Loge de France à partir de 1901 mais surtout de 1907.
La Franc-Maçonnerie mixte et féminine est née sous l'égide du REAA et avec le soutien de la Grande Loge de France (refondée en 1894) et des frères de la Grande Loge de France.
Oswald Wirth participera activement à l'écriture du rite d'adoption "initiatique" des loges d'adoption de la GLDF (bien plus initiatique que le REAA de l'époque...).
Son grand ami et frère Albert Lantoine s'occupera - lui - d'avantage de la Maçonnerie Mixte.
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PRINCIPAUX RÉDACTEURS ET COLLABORATEURS DE l'INITIATION
1° PARTIE INITIATIQUE :
F. CH. BARLET — STANISLAS DE GUAITA — GEORGE MONTIÈRE — PAPUS — Légat catholique romain auprès de l’Initiation : JOSEPHIN PÉLADAN.
2° PARTIE PHILOSOPHIQUE ET SCIENTIFIQUE :
ALEPH.— Le F.'. BERTRAND.VEN.'.— BOUVERY — RENÉ CAILLIE —AUGUSTIN CHABOSEAU. — G. DELANNE — DELÉZINIER — JULES DOINEL — ELY STAR — FABRE DES ESSARTS — Dr FOVEAU DE COURMELLES — JULES GIRAUD — E. GARY — HENRI LASVIGNES — J. LEJAY — DONALD MAC-NAB — LARCUS DE VÈZE. — NAPOLÉON NEY.— EUGÈNE NUS — HORAGE PELLETIER — G. Pon REI — G. POLTI —JUI.ES PRIOU. — Le Magnétiseur RAYMOND. Le Magnétiseur A. ROBERT — ROUXEL — H. SAUSSE — G. VITOUX — F. VURGEY — HENRI WELSCH — OSWALD WIRTH.
3° PARTIE LITTÉRAIRE :
MAURICE BEAUBOURG — E. GOUDEAU — MANOËL DE GRANDFORD — JULES LERMINA — L. HENNIQUE — LUCIEN MAUCHEL — CATULLE MENDÈS — ÉMILE MICHELET — GEORGE MONTIÈRE — CH. DE SIVRY — CH. TORQUET.
Attention ! Cet article, comme tous les articles du "Bloc-Notes de Jean-Laurent sur les Spiritualités", (http://www.jlturbet.net/) est écrit en mon nom personnel.
Je ne parle ni au nom d'une association, ni d'un parti, ni d'une loge, ni d'une obédience maçonnique.
Mes propos n'engagent que moi et non pas l'une ou l'autre de ces associations.
Je ne suis en aucune façon habilité à écrire au nom d'une association, d'un parti, d'une loge, d'une obédience maçonnique. Tout ceci pour que cela soit bien clair, qu'il n'y ait aucune ambiguïté de quelque nature que ce soit.
Quelles que soient mes responsabilités - ou non - présentes ou futures dans une organisation, les propos tenus dans cet article comme dans tous les articles de ce Bloc-Notes, sont exclusivement des opinions personnelles qui n'engagent que moi.
Je rappelle simplement que la liberté d’expression est en France un droit Constitutionnel, quelle que soit notre appartenance à une association de quelque nature que ce soit.
Dans son article 10, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen pose que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »
Dans l'article 11, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen pose aussi que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »
Ces deux articles ont valeur constitutionnelle car le préambule de la Constitution de la Ve République renvoie à la Déclaration de 1789.
La Constitution et les Lois de la République Française s'appliquent sur l'ensemble du territoire national et s'imposent à tout règlement associatif particulier qui restreindrait cette liberté fondamentale et Constitutionnelle de quelque façon que ce soit.
Jean-Laurent Turbet
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