Génocide arménien: mémoriaux inaugurés |
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Les massacres d'Arméniens dans l'empire ottoman avaient débuté en avril 1915 et s'étaient prolongés jusqu'en 1917. Selon les Arméniens, ils ont fait 1,5 million de morts. La cérémonie s'est déroulée en présence du président de l'Assemblée nationale arménienne, Arthur Baghdassarian, qui a dévoilé avec les personnalités politiques locales le monument, entièrement financé par des fonds publics (Etat et collectivités). Celui-ci est une réplique à plus petite échelle de celui d'Erevan (capitale de l'Arménie) et présente "douze pierres disposées en cercle qui symbolisent les douze provinces spoliées par la Turquie". A cette occasion, le député PS des Bouches-du-Rhône, Christophe Masse, a indiqué qu'il serait le rapporteur d'une proposition de loi sanctionnant la négation du génocide arménien lors de la séance d'initiative parlementaire le 18 mai. Source : France 3 |
Malgré sa profanation le 18 avril dernier, le monument lyonnais est inauguré cet après-midi à l'occasion du 91e anniversaire du massacre des Arméniens
"Non au mémorial d'un prétendu génocide"
La plus vive controverse a éclaté le 18 mars après l'apparition de slogans négationnistes sur le monument - "Non au mémorial d'un prétendu génocide", "Il n'y a jamais eu de génocide arménien" - lors d'une manifestation pro-turque. Critiqué pour avoir autorisé le défilé, dont le télescopage avec un rassemblement anti-CPE avait provoqué des heurts, le préfet du Rhône avait indiqué que tout autre cortège de ce type serait interdit.
Le 18 avril, la polémique a rebondi avec la profanation de cinq des 26 stèles du monument érigé place Antonin Poncet, dans le IIe arrondissement. Cette dernière a entraîné de vives condamnations, notamment du PS et du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy. Entre-temps, une "guérilla juridique" - selon les termes de la mairie - s'est mise en place de la part de riverains opposés "par esthétisme" à la construction.
500 000 Arméniens en France
Malgré une brève suspension des travaux, l'inauguration a néanmoins pu être maintenue ce 24 avril, date à laquelle une célébration identique a lieu à Marseille. Selon la Fédération euro-arménienne pour la justice et la démocratie, au moins 500 000 personnes d'origine arménienne vivent dans le pays. "Si on dénombre une trentaine de mémoriaux [...] en France, c'est sans doute celui de Lyon qui émerge le plus dans l'espace public, avance Jules Mardirossian, président de l'Association pour le mémorial lyonnais du génocide arménien et du collectif Reconnaissance, pour justifier la controverse inédite. Il est en cœur de ville, dans un lieu très passant".
Le groupe socialiste à l'Assemblée nationale a annoncé qu'il allait déposer une proposition de loi afin de compléter la loi du 29 janvier 2001 reconnaissant ce génocide mais ne prévoyant pas de poursuites pour propos négationnistes. De 1915 à 1917, les massacres et déportations sous l'Empire ottoman ont fait 1,5 million de morts selon les Arméniens. Mais "seulement" 300 000 à 500 000 sont reconnus par Ankara, qui rejette catégoriquement la qualification de génocide.
Source : L'Express
Le 24 avril 1915
débutait l'extermination de 1,5 million d'Arméniens, sur une population de 2,2 millions, par les Turcs de l'Empire ottoman. Elle s'est poursuivie jusqu'en 1917. Ankara ne reconnaît, au mieux, que 300 000 morts, rejetant la thèse du génocide.
La loi Gayssot
du 13 juillet 1990, article 24 bis de la loi sur la liberté de la presse, réprime les propos négationnistes portant sur la Shoah, se référant au crime contre l'humanité défini par le statut du tribunal de Nuremberg de 1945.
«La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915»
L'article unique de la loi du 29 janvier 2001 a été voté à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Aucune référence à la Turquie. Aucune sanction prévue.
La proposition de loi
préparée actuellement par le groupe PS vient compléter la loi du 29 janvier 2001. Elle tend à pénaliser ceux qui contestent l'existence du génocide arménien selon les mêmes modalités que l'article 24 bis de la loi Gayssot :
5 ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.
La diaspora arménienne est forte de 3 millions de personnes, dont 400 000 en France. La communauté turque compte 380 000 personnes en France, dont 150 000 Kurdes.
Bataille d'intellectuels
En 1995, Bernard Lewis, orientaliste anglo-américain qui récuse le terme «génocide», est condamné à Paris pour avoir «manqué à ses devoirs d'objectivité et de prudence». En 1998, l'élection de Gilles Veinstein à la chaire d'histoire turque et ottomane du Collège de France fait scandale car il met en doute la réalité du plan d'extermination du peuple arménien.
Source : Libération
Arménie
«Ce mémorial ne fait que nourrir la haine entre les deux camps»
La question du génocide reste taboue parmi les Turcs vivant en France.
par Florence FABRER et Amaria TLEMSANI
Les Arméniens font bloc : «Le dialogue n'existe pas avec la communauté turque, si on s'est retrouvés en France, c'est bien qu'on s'est sauvés d'un génocide.» En face d'eux, la communauté turque, disparate, reste figée sur sa doctrine. Le scepticisme est de rigueur, le mot génocide est encore un tabou : «Officiellement, les archives sont ouvertes en Turquie. Mais est-ce qu'on peut vraiment faire confiance aux Arméniens quand ils avancent de tels chiffres ?» s'interroge ce militant pour l'entrée de la Turquie dans l'Europe, un Français qui a épousé une Turque.
Umit Metin, porte-parole du Rassemblement des associations citoyennes des originaires de Turquie, association d'entraide non politique, est plus nuancé. Il pense qu'il faut «organiser des espaces de retrouvailles entre Turcs et Arméniens pour que chaque camp comprenne les souffrances de l'autre». Mais trouve la construction de mémoriaux «prématurée» : «Ça ne fait que nourrir les extrêmes.» A l'inverse, Hilda, militante humanitaire d'origine arménienne, dit que ce mémorial «devrait être un lieu où les Turcs s'agenouillent, comme a su le faire Willy Brandt en Allemagne devant les camps de concentration».
«Représailles». Aykun, 22 ans, Arménien de Turquie, étudiant en France, ne se rendra pas aux commémorations de lundi : «Ce genre de manifestation est souvent filmé par la police et les médias. Les cassettes pourraient être envoyées en Turquie. Je risque des représailles à mon retour, et même la prison. Ma famille à Istanbul risque aussi des ennuis.» Un étudiant turc, membre d'une association culturelle où cohabitent Turcs et Arméniens, refuse lui aussi de donner son nom. Il s'agace : «J'en ai marre qu'on ne s'adresse à nous que pour nous parler du génocide arménien. Ça fait quatre-vingt-dix ans que ça s'est passé. En parler ne fait qu'attiser la haine entre les deux camps. Ça ne nous intéresse pas, on laisse ça aux historiens. Nous, on n'a pas de souci avec ça.»
Les associations restent dans leur camp. Le président d'A ta Turquie, Murad Erpuyan, trouve dangereux de construire des mémoriaux : «Cela ne fait pas avancer le débat, surtout pour les jeunes générations issues de l'immigration, qui risquent au contraire de glisser vers l'extrémisme.» Il pense «qu'il faut tout de suite arrêter l'approche bourreaux-victimes, qui provoque un sentiment de frustration et des réactions défensives de la population turque». A l'inverse, Armen Serpoyan, porte-parole de la FRA Nor Seround (nouvelle génération d'Arméniens), dit ceci : «Mémoriaux et manifestations sont importants pour notre communauté . Ils permettent de commémorer nos morts et de montrer que nous n'avons pas oublié Ñ et que nous n'oublierons pas tant que la Turquie n'entame pas un processus de repentir.»
Source : Libération
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