J'avais mis en ligne le 15 décembre dernier une conférence très intéressante du pasteur Alain Houziaux consacrée à Marie-Madeleine: Marie-Madeleine était elle la compagne de Jésus ?
A l'occasion de la sortie du film d'Abel Ferrara " Mary", le magazine Réforme revient cette semaine sur le rôle de Myriam de Magdala aujourd'hui. L'article est intitulé "Marie-Madeleine en vedette américaine".
En voici quelques extraits :
(...) « Le thème de Marie Madeleine a été très souvent traité dans l’histoire de l’art occidental. Mais il y a eu peu de
grandes œuvres au XIXe ou au XXe siècle. (...) Ce n’est pas la figure de la gnose mais bien le personnage biblique qui a retenu leur attention. »
Porteuse de valeurs spirituelles
Pourquoi cet engouement contemporain ? « C’est d’abord une figure de femme dans une histoire chrétienne qui en manque plutôt », souligne, non sans humour, Régis Burnet, enseignant à l’université
de Paris-VIII et auteur de Marie Madeleine, de la pécheresse repentie à l’épouse de Jésus. « Chez nos contemporains, il y a une vraie interrogation sur le féminin, même chez les hommes,
appuie Isabelle Renaud-Chamska. C’est une figure à la fois très humaine et très mystique, une femme multiple et à la fois très unifiée. Dans cette figure, je vois la confiance des auteurs de la
Bible vis-à-vis des femmes, reconnaissant qu’elles aussi peuvent être porteuses de valeurs spirituelles. »
« Chaque génération construit, en fait, sa Marie Madeleine. C’est une figure très instrumentalisée », constate, pour sa part, la théologienne protestante Elisabeth Parmentier. Le « silence » des
textes permet beaucoup de reconstructions et de projections. Qui est Marie Madeleine ? Un personnage « fabriqué » à partir de quelques passages de l’Evangile, de la Légende dorée de Jacques de
Voragine et d’un évangile apocryphe du IIe siècle (L’évangile de Marie) où la « sainte » s’affronte à l’apôtre Pierre. Cette scène est d’ailleurs reprise dans le film d’Abel Ferrara. « Marie
Madeleine a été l’une des grandes figures de la Contre-Réforme où elle incarne en particulier le sacrement de la confession, poursuit Régis Burnet. Auparavant, Calvin avait beaucoup raillé le
personnage, notamment en raison des nombreuses reliques qui y sont attachées. » Incarnant la pécheresse repentie, Marie Madeleine a ainsi beaucoup inspiré le peintre français du XVIIe siècle,
Georges de La Tour.
Une figure large
Si elle a beaucoup « servi » par le passé l’Eglise catholique, Marie Madeleine est, à l’aube du XXIe siècle, une figure incarnant désormais « la lutte contre l’institution », comme l’explique
encore Régis Burnet. En particulier chez les théologiennes féministes américaines. Marquée par sa culture très patriarcale et machiste, l’Eglise catholique n’a pas, selon elles, fait toute sa
place aux femmes alors que Jésus, lui, avait une réelle proximité avec Marie Madeleine. Spécialiste des origines du christianisme et des évangiles gnostiques, Elaine Pagels est l’une de celles
qui ont contribué à « populariser » une Marie Madeleine figure de l’initiée, proche du Christ, dépositaire d’un savoir qui n’a pas été délivré aux hommes. C’est sur ce terreau qu’a poussé la «
théorie du complot », celle des secrets jalousement protégés par le Vatican, notamment celui du fameux (mais bien hypothétique) mariage entre Jésus et Marie Madeleine, mondialement popularisé par
le livre de Dan Brown.
Les mouvements contestataires catholiques qui se battent pour l’ordination des femmes la chérissent aussi beaucoup. « Apôtre », témoin privilégiée de la résurrection, elle est la femme prêtre par
excellence… Dans les mouvements postchrétiens aux Etats-Unis, elle a endossé le rôle d’une nouvelle déesse mère. « Marie Madeleine est une figure très large, résume Elisabeth Parmentier. Mais son
absolutisation me gêne. On tombe dans l’idéologie. Il y a, par exemple, beaucoup d’autres arguments en faveur de l’ordination des femmes. » Quoi qu’il en soit, Marie Madeleine a toutes les
chances d’être l’une des vedettes de 2006. Car le 17 mai arrivera alors l’adaptation au cinéma du désormais incontournable Da Vinci Code.
A lire
Marie Madeleine de la pécheresse repentie à l’épouse de Jésus : Histoire de la réception
d’une figure biblique
Régis Burnet
Le Cerf 135 p., 13 euros.
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