En tant que président de l’UMP, Nicolas Sarkozy a demandé à Arno Klarsfeld de mener un « travail approfondi sur la loi, l’Histoire et le devoir de mémoire ». Selon Le Monde, la loi de février 2005 sur les bienfaits de la colonisation n’en finit pas d’exaspérer et de diviser les historiens. Pour ce quotidien, la nomination du fils de Serge et Beate Klarsfeld comme chargé de mission a deux objectifs.
Arno Klarsfeld : Je ne sais pas à quoi aboutira la mission que vous évoquez. On m'a proposé quelque chose d'intéressant, je l'ai accepté.
Comment sortir de la polémique créée par l'article 4 de la loi du 23 février, qui reconnaît "le rôle positif de la présence française outre-Mer" ?
On est en présence de mémoires antagonistes, celle d'anciens colonisés devenus français et celle des rapatriés. On pourrait modifier cet article en indiquant que "les programmes scolaires reconnaissent les méfaits de la colonisation ainsi que ses aspects positifs".
Etes-vous d'accord avec le président de la République, qui a déclaré que "ce n'est pas à la loi d'écrire l'histoire" ?
Si ce n'est pas au législateur de rédiger l'histoire, c'est à lui de fixer des bornes morales. Et la morale, on ne peut la prendre ailleurs que dans l'histoire. Le président de la République célèbre bien le 14-Juillet, le 8-Mai et le 11-Novembre...
Dix-neuf historiens ont réclamé l'abrogation de différents textes législatifs, dont la loi Gayssot. Que vous inspire cette démarche ?
Je suis un peu choqué par leur déclaration, qui traduit une volonté de ces historiens de vouloir confisquer l'Histoire. Le législateur doit tenir compte de ceux qui souffrent. La loi Gayssot a offert des recours spécifiques à ceux dont on vilipendait le chagrin. Et cette loi n'empêche pas les historiens de travailler.
Il faut se souvenir que, dans les années 1980, les manuels scolaires rédigés par des historiens agrégés ne mentionnaient jamais que les trois quarts des juifs de France avaient été arrêtés par la police française, et non par la Gestapo. Quant à la loi sur le génocide arménien, elle était nécessaire, car la Turquie le conteste alors même qu'elle veut entrer dans l'Europe.
N'y a-t-il pas un risque d'engrenage ?
Personne ne va demander de loi au nom des Albigeois ou de ceux qui ont été tués par Gengis Khan ! J'ajoute qu'aucune loi n'est éternelle. Quand aura disparu le dernier enfant de déportés, la loi Gayssot tombera en désuétude ou pourra être abrogée.
La France connaît-elle une "tendance irrépressible à la repentance systématique", comme l'a laissé entendre M. Sarkozy ?
On ne peut pas noircir volontairement chaque page de l'histoire de France ni renverser toutes les statues de ses grands hommes, d'autant que nous sommes le résultat de cette histoire et que nous en profitons. La repentance ne peut être qu'individuelle, car on ne peut pas considérer les peuples comme collectivement responsables.
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