Au lendemain des attentats du 13 novembre 2015 le Premier Ministre Manuel Valls, a justement déclaré :
« La France est en guerre. Les actes commis vendredi soir à Paris et près du Stade de France, sont des actes de guerre. Ils ont fait au moins 129 morts et de nombreux blessés. Ils constituent une agression contre notre pays, contre ses valeurs, contre sa jeunesse, contre son mode de vie.
Ils sont le fait d’une armée djihadiste, le groupe Daech qui nous combat parce que la France est un pays de liberté, parce que nous sommes la patrie des Droits de l’Homme ».
Le président de la République, François Hollande, devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, le 16 novembre 2015 après les odieux attentats terroristes djihadistes qui ont par deux fois ensanglanté notre pays, en janvier puis en novembre 2015 s’exprimait ainsi :
« Cette révision de la Constitution doit s’accompagner d’autres mesures. Il en va de la déchéance de nationalité.
La déchéance de nationalité ne doit pas avoir pour résultat de rendre quelqu’un apatride, mais nous devons pouvoir déchoir de sa nationalité française un individu condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme, même s’il est né français, je dis bien « même s’il est né français » dès lors qu’il bénéficie d’une autre nationalité.
De même, nous devons pouvoir interdire à un binational de revenir sur notre territoire, s’il représente un risque terroriste, sauf à ce qu’il se soumette, comme le font d’ailleurs nos amis britanniques, à un dispositif de contrôle draconien.
Nous devons pouvoir expulser plus rapidement les étrangers qui représentent une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public et la sécurité de la Nation, mais nous devons le faire dans le respect de nos engagements internationaux ».
Le premier ministre, Manuel Valls s’était exprimé en terme similaires dès le lendemain des attentats du 13 novembre à la télévision au journal de TF1 : « Ce que je veux dire aux Français, c’est que nous sommes en guerre ».
« Et parce que nous sommes en guerre, nous prenons des mesures exceptionnelles et nous frapperons cet ennemi pour le détruire, ici en France, en Europe, mais aussi en Syrie et en Irak. »
« Nous faisons face à un acte de guerre organisé méthodiquement par une armée terroriste, djihadiste, qui avait déjà organisé planifié des attentats. Nous avons toujours dit qu’il n’y avait pas de risque zéro. »
Il poursuivait :
« Le Gouvernement a décidé de soumettre au parlement l'extension de la déchéance de nationalité à tous les binationaux ». Et d'ajouter: « l’efficacité [...] n'est pas l'enjeu premier. C'est une mesure à caractère hautement symbolique. C'est une sanction lourde que la Nation est légitimement en droit d'infliger à celui qui la trahit au plus haut point ».
Cette nouvelle sanction « ne s'appliquera qu'à des personnes définitivement condamnées par la justice pour un crime contre la vie de la Nation [...] Aucun arbitraire administratif sous aucun régime ne pourra leur retirer la nationalité. Seule une condamnation définitive édictée par un tribunal indépendant, et pour un crime grave, le rendra possible » a assuré Manuel Valls. « [Les personnes concernées] seront poursuivis et condamnées en France ». Manuel Valls a précisé qu'à l'issue de cette peine, elles pourront faire l'objet d'une mesure d'expulsion du territoire.
Le projet entend mettre sur un pied d’égalité les citoyens nés français et les citoyens nés avec une autre nationalité, puisque seuls ceux-ci peuvent actuellement faire l’objet d’une mesure de déchéance de nationalité.
Donc ce qui va être proposé est parfaitement conforme à ce qui avait été annoncé par le président de la République.
Pourtant, une opposition à ce projet de déchéance de la nationalité française monte depuis plusieurs jours et prend de l’ampleur.
Je ne parle pas ici de la fronde de l’extrême-ultra gauche ni du Parti Communiste qui sont disqualifiés par l’Histoire pour parler de libertés publiques.
Des gens sincère et honnêtes s’émeuvent et il faut les comprendre et les entendre. La liberté d’opinion ne saurait connaître de limites.
J’ai simplement entendu un certain nombre d’arguments contre ce projet, arguments qui ne me semblent pas satisfaisants. Mais je laisse chacun juge.
1) Une mesure inefficace :
On nous dit que cette mesure serait inefficace pour lutter contre le terrorisme et qu’elle n’empêchera pas les terroristes d’accomplir leurs actions épouvantables.
Certes.
Mais quelle mesure serait efficace pour lutter contre eux ? S’ils s’en sortent vivants (ce qu’ils ne souhaitent pas vue leur attitude suicidaire), est-ce que la peine de prison perpétuelle incompressible a été préventive ? Non. Ils s’en fichent. Ils commentent quand même leurs terribles forfaits.
Les terroristes djihadistes du 13 novembre 2015
Est-ce que ça empêche leurs complices, ici en France, de les aider, de les soutenir, financièrement, en organisant des réseaux de sympathisants, des réseaux de soutiens, en les logeant, en les cachant, en organisant leur fuite, en approuvant leurs actes barbares ? Non.
D’ailleurs Manuel Valls l’explique volontiers. « L’efficacité [...] n'est pas l'enjeu premier. C'est une mesure à caractère hautement symbolique. C'est une sanction lourde que la Nation est légitimement en droit d'infliger à celui qui la trahit au plus haut point ».
Il s’agit du droit pour la République, pour la France, de se débarrasser – une fois leur peine accomplie selon toutes les règles de droit – de ces terroristes, en les rejetant de la communauté nationale et en se donnant les moyens – si nécessaire – de les expulser du territoire.
Ce n’est pas pour eux que cette mesure est nécessaire, c’est pour nous, pour la République, pour la France, pour nos valeurs justement. Pas pour les terroristes djihadistes.
2) Rupture d’égalité entre citoyens nés français :
Un argument revient souvent, évoqué notamment par Jean-Pierre Mignard (célèbre avocat) et Anne Hidalgo (Maire de Paris) dans une tribune publiée le 30 décembre 2015 dans le journal Le Monde, c’est celui de la rupture d’égalité entre citoyens nés français :
« Et beaucoup a été écrit également sur les risques de discorde dont est porteuse une mesure qui établira de façon inéluctable une séparation de fait entre les citoyens nés français ».
Certains seraient en effet susceptibles de se voir déchoir de leur nationalité (les binationaux), les autre non (les nationaux seuls).
Mais ce que ne disent pas J-P Mignard et Anne Hidalgo c’est que l’inégalité entre personnes nées françaises existe déjà du fait même de la double nationalité.
Bénéficier d’une seconde nationalité est une séparation de fait entre citoyens nés français.
Une inégalité qui existe aujourd’hui. La séparation de fait est déjà consommée aujourd’hui. J-P Mignard et A Hidalgo feignent de ne pas le savoir… Les bi-nationaux peuvent bénéficier indifféremment des droits (et éventuellement devoirs) de leurs nationalités respectives, ce que ne peuvent faire les nationaux.
En cas de « coup dur » en France, certains pourraient voguer tranquillement vers d’autres cieux grâce à leur seconde nationalité, les autres « simples et uniques » français étant obligés de faire face sans solution de repli. Cela s’appelle indéniablement une inégalité.
Si l’on voulait vraiment une égalité totale entre citoyens français il n’y a qu’une alternative :
- Supprimer la double nationalité.
- Permettre la déchéance de nationalité à tous ceux qui sont nés français, bi-nationaux ou pas. En effet la logique voudrait que l’on puisse déchoir de sa nationalité française tout terroriste djihadiste, même si ses deux parents sont français. Nos traités internationaux nous interdisant de créer des apatrides nous ne pouvons pas le faire.
Aucune de ces deux solutions n’étant à l’ordre du jour, le projet de modification constitutionnelle présentée par le président de la République ne lèse personne, ne créer aucune inégalité supplémentaire.
Je me dois de préciser qu'à titre personnel je n'ai évidemment rien contre le fait d'avoir deux nationalités. Mais peut-être faudra-il ouvrir un jour ce débat.
J-P Mignard et Anne Hidalgo proposent une peine alternative à la déchéance de nationalité :
« Une mesure égalitaire d’indignité nationale pour tous ceux, quel que soit leur statut dans la nationalité, qui prennent les armes contre leur pays et leurs concitoyens. Il s’agirait d’ôter aux terroristes tous leurs droits civiques, leur passeport, et de leur interdire la fonction publique ».
Mais ça c’est vraiment le minimum requis ! J’espère bien que – quoi qu’il arrive ensuite – les personnes convaincues de terrorisme seront punies de l’indignité nationale ! Leurs complices et soutiens aussi.
Fait significatif : A aucun moment, dans le texte de M. Mignard et de Mme Hidalgo ne figurent les mots « islam radical », « djihadisme » « terrorisme islamique », « Daech », « Etat Islamique ». Ils parlent d’une abstraction théorique (« les attaques terroristes », « le fanatisme totalitaire ») : quand on est dans une telle impossibilité idéologique de nommer l’ennemi, comme il est difficile de le combattre…
Comme nous venons de le voir, les principaux arguments contre ce projet ne tiennent pas.
Logiquement, rationnellement, le projet de déchéance de nationalité ne méconnait aucun de nos principes de droit.
Encore moins contredit il les valeurs de la République ni les valeurs de la gauche (pour celles et ceux qui se réfèrent aux valeurs de gauche).
En quoi nos valeurs nous imposent elles la clémence envers des tueurs fanatiques sanguinaires qui nient jusqu’à notre droit de vivre et qui massacrent jeunes (13 novembre), enfants juifs et juifs et militaires (Merah), journalistes et policiers (Charlie)? Et qui recommenceront parce que pour eux nous sommes des sous hommes, des êtres impurs qu’il convient d’éliminer sans pitié. Tous ceux qui renient par leur barbarie ce qui fait l'essence, l'âme de la France.
Toutes celles et ceux qui regardent et analysent sereinement la situation le savent bien.
Sauf celles et ceux qui – inconsciemment ou non – restent convaincus que, fondamentalement et finalement, les coupables ne sont pas seulement les tueurs djihadistes fanatiques et sanguinaires, mais – évidemment - la société occidentale, la France et son passé colonialiste – avec sa politique intérieure et extérieure islamophobes – qui opprime les pauvres immigrés qui trouvent pour certains d’entre eux un exutoire logique dans le djihadisme et l’Islam radical.
Avec ceux-là évidemment je suis en désaccord absolu et fondamental.
Chose inconcevable pour les tacticiens aux petits pieds des deux bords, ce projet a le grand tort de réunir des bonnes volontés venues des deux camps opposés de l’échiquier politique français. Ce qui – dans toute autre démocratie – feraient dire que c’est un bon projet de consensus national, en France – pays du bi-partisme irréductible – cela en fait un projet suspect… Quelle désolation…
C’est ce que j’ai appelé en titre (de façon un peu provoquante) la daeschisation de la rationalité, pour parler de la déchéance de nationalité.
Dans les années 1960 – 1970 on n’avait pas le droit, si l’on était de gauche, de dire que le Parti Communiste était vendu pieds et poings liés à Moscou parce que le Figaro le disait. Et donner raison au Figaro était la plus grande tare qui soit… Même si le Figaro disait vrai ! (Alors que les archives russes ont démontré que les dénonciations du Figaro étaient bien en dessous de la réalité !).
Aujourd’hui on ne peut pas s’inquiéter quand on est de gauche des dérives inquiétantes de jeunes djihadistes français. Parce que le Figaro le dit aussi. Ne répétons pas indéfiniment les erreurs de l’Histoire.
Il y a une réalité. Et même si elle est terrible, même si, gauche et droite confondues (mais personne ne fait l’introspection nécessaire pour voir là où l’on a échoué) des erreurs immenses voire des compromissions ont été commises, même si l’on s’est voilé la face – souvent au nom des meilleurs sentiments et des certitudes idéologiques – il n’est pas trop tard pour se doter – psychologiquement et réellement – des moyens efficaces pour éradiquer le terrorisme djihadiste. Ensemble nous y parviendrons, je n’en doute pas.
Ce projet de déchéance de nationalité pour les binationaux – même nés français – à inscrire dans la Constitution n’est en effet que symbolique.
Mais qu’y a-t-il de plus fort et de plus beau, de plus fédérateur et de plus puissant que le Symbole dans la construction collective, réelle et imaginaire, de notre avenir commun ?
Jean-Laurent Turbet
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Je rappelle simplement que la liberté d’expression est en France un droit Constitutionnel, quelle que soit notre appartenance à une association de quelque nature que ce soit.
Dans son article 10, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »
Dans l'article 11, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose aussi que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »
Ces deux articles ont valeur constitutionnelle car le préambule de la Constitution de la Ve République renvoie à la Déclaration de 1789.
La Constitution et les Lois de la République Française s'appliquent sur l'ensemble du territoire national et s'imposent à tout règlement associatif particulier qui restreindrait cette liberté fondamentale et Constitutionnelle de quelque façon que ce soit.
Jean-Laurent Turbet
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