Le rapport annuel de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, présenté mercredi 7 décembre et intitulé "Agir pour les femmes de l'immigration", met en exergue "l'enjeu pour la République" que constitue l'amélioration de leur condition.
Comme le note cette étude, dont le thème avait été arrêté il y a un an, "l'intégration des femmes immigrées et issues de l'immigration est une des clés de la réussite de l'intégration de l'ensemble des populations immigrées". Les récents événements dans les banlieues "viennent malheureusement, a posteriori, justifier la pertinence de ce choix", constate la présidente de la délégation, Marie-Jo Zimmermann, députée (UMP) de la Moselle.
Le document s'écarte résolument de la tendance à la stigmatisation des "fautes" de l'immigration qui a nourri le débat politique à la suite des violences urbaines de la première quinzaine de novembre. Il rappelle qu'"une des difficultés principales dans la lutte pour l'amélioration de la situation des femmes immigrées et issues de l'immigration réside dans leur invisibilité, celles-ci n'étant pas représentées dans les instances dirigeantes, les syndicats, les associations et les partis".
Le rapport dresse un bilan accablant tant des discriminations sociales et professionnelles auxquelles elles sont soumises que des violences dont elles sont victimes. En rappelant, en premier lieu, qu'"aujourd'hui l'immigré est, de plus en plus, une immigrée" : au 1er janvier 2004, sur les 4,5 millions d'immigrés résidant en France métropolitaine, 50,3 % étaient des femmes.
La précarité qu'elles subissent sur le marché du travail n'en est que plus évidente, même si elles représentent à présent 41 % des actifs immigrés, contre 35 % en 1990. Leur insertion professionnelle, cependant, "s'apparente à une course d'obstacles", note la délégation : "La réussite scolaire n'est pas, pour les jeunes filles issues de l'immigration, synonyme d'une bonne insertion professionnelle." Le taux d'emploi pour les jeunes filles originaires du Maghreb est ainsi de 65,8 %, contre 79,5 % pour celles d'origine française. Sur les huit principales professions exercées par les femmes immigrées, sept sont des professions non qualifiées, contre trois pour les Françaises.
L'accès au premier emploi se fait, dans la grande majorité des cas, sous un statut précaire (intérim, contrat à durée déterminée, vacations). Elles ne sont en revanche que 8,8 % à être cadres. Environ 40 % des femmes issues de l'immigration ayant une formation de l'enseignement supérieur accèdent à l'emploi en temps partiel, contre 22 % pour les Françaises d'origine.
"CHANTAGE AUX PAPIERS"
L'accumulation de ces difficultés se traduit par un découragement de fait. "Constatant les difficultés d'insertion sur le marché du travail de leurs aînées, qui, elles, avaient beaucoup investi dans leur éducation, ces jeunes filles semblent de moins en moins croire à une quelconque ascension sociale par l'école, et paraissent même capituler", s'inquiète le rapport.
L'insécurité sociale et professionnelle se double d'"une infériorité juridique aux conséquences parfois dramatiques". Le rapport met en cause l'application du statut personnel établissant que toute personne étrangère est soumise, en matière d'état civil, de régime matrimonial, de filiation ou de succession, à la loi du pays dont elle possède la nationalité. "Les effets sont dramatiques en ce qui concerne la répudiation et la polygamie", constate la délégation, soulignant que "les femmes sont l'objet d'un véritable chantage aux papiers". Le paradoxe réside dans ce que les phénomènes de "ghettoïsation" combinés à l'aggravation des difficultés économiques aboutissent à "réinventer" des traditions dites identitaires, parfois même au-delà de ce qui se pratique dans les pays d'origine.
Ainsi la précarité de la situation juridique des femmes issues de l'immigration les expose-t-elle aux violences tant physiques que psychologiques, dont elles ont d'autant plus de mal à s'affranchir qu'elles craignent souvent de s'adresser aux autorités policières ou judiciaires. Aussi la délégation juge-t-elle prioritaire de conforter leur autonomie juridique en limitant l'application du statut personnel.
Patrick Roger
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