Comment ne pas convenir de l'éternelle (et prémonitoire) pertinence de beaucoup d'articles de "Points de Vue Initiatiques" (PVI), la revue de la Grande Loge de France ?
Parmi les innombrables pépites, j'ai retrouvé cet article datant de 1972, publié dans le numéro double 07-08, intitulé "Pour une morale de l'environnement".
Comme vous le verrez on le croirait (presque) écrit avant-hier tant il est parfaitement dans le cadre de nos préoccupations actuelles en terme d'environnement et d'écologie.
Les questions sont posées sans fard et loin de la "pollution des esprits" terme employé dans l'article, de nos climatosceptiques. Si le constat dressé en 1972 reste autant d'actualité c'est qu'il reste encore beaucoup à faire... Et vite !
Je pense que vous le lirez cet article avec grand plaisir et surtout grand intérêt !
Jean-Laurent Turbet
"POUR UNE MORALE DE L'ENVIRONNEMENT"
A peine plus d'un siècle après la naissance de l'ère industrielle, et encore tout ébahi des merveilleux outils que la technologie met chaque jour à sa disposition, l'Homme, déjà parvenu à l'aube d'une ère super-industrielle, se retrouve dépersonnalisé, noyé dans le flot d'une démographie galopante, entraîné par le rythme étourdissant de ses machines, perdu dans le tourbillon de systèmes artificiels, déconnecté de ses profondes racines naturelles et de l'harmonieux environnement de l'Univers.
Il se voit contraint d'abandonner peu à peu, à la collectivité dont il fait partie, le libre arbitre de son corps et de son esprit, et de devenir, apparemment, une simple molécule prédéterminée et automatisée d'une structure encore mal définie et dangereusement menacée, de surcroît, par l'anarchique modification de son contexte historique.
Tout homme conscient de l'extraordinaire mutation du monde actuel, et tant soit peu préoccupé par la menaçante remise en question de ses droits naturels et spirituels, se doit non seulement d'étudier la nature de ces modifications inquiétantes et leurs correctifs souhaitables, mais plus encore de dégager si possible une nouvelle éthique susceptible de donner réponse aux interrogations muettes ou violentes, et de servir de guide aux réactions nécessaires que doit provoquer la survie de l'humanité.
Afin de dégager l'aspect moral de ces problèmes, également posés par la « pollution des esprits », il est nécessaire de souligner l'opposition existant actuellement entre la quantité et la qualité de la Vie.
Dans ce contexte, nous verrons plus loin que la Morale, ou plutôt les Morales traditionnelles, qu'elles soient religieuses, philosophiques, laïques, rationalistes, voire même puritaines, demeurent bien sûr valables dans leurs grandes lignes directrices, mais que leurs supports de référence se sont insidieusement déplacés.
Comment donc resituer ces supports de référence dans un monde en perpétuelle évolution, extrêmement mouvant, ou les Hommes sont ballottés entre deux pôles d'influences presque contradictoires ?
Il semble indispensable de commencer par une inévitable mise au point.
Les problèmes urgents des pollutions, des nuisances et des modifications incontrôlées de l'environnement sont posés par les nations nanties du globe, c'est-à-dire par celles qui ont atteint un niveau de vie très élevé d'industrialisation.
Ce sont leurs pollutions à elles, leurs modes de vie qui les menacent aujourd'hui et qui, demain, menaceront le reste de l'humanité et, par conséquent, les nations en voie de développement.
Dans l'immédiat, celles-ci ont, en effet, d'autres soucis plus importants : lutte contre la faim, équilibre démographique, élévation d'un niveau de vie encore au stade de la misère. La sagesse nous oblige donc, dans le cadre de cette étude, à limiter nos ambitions à l'examen des seuls problèmes posés à notre monde occidental, dont les Sociétés industrielles, celles de l'Est comme de l'Ouest, subissent un sous-développement moral et souffrent ainsi du même grave déséquilibre.
Une autre observation utile concerne l'évolution de l'Homme depuis son apparition dans un monde hostile et relativement mal adapté à sa survie : l'Homme devait alors combattre la nature, pour subsister, alors qu'il doit, aujourd'hui, la protéger, pour survivre.
L'Homme a tout d'abord survécu par instinct. Les plus récentes découvertes scientifiques, et biologiques notamment, nous montrent que la vie semble due à des informations portées par des gènes qui trient, classent et assemblent des cellules chimiques.
La survie n'est ainsi assurée que par des structures capables de violentes réactions en chaîne, lorsqu'un événement extérieur risque de déformer le précieux message initial. Fragile et vulnérable, dès son origine, constamment agressé par son environnement, l'Homme a été contraint de se surpasser pour vivre et est parvenu à coordonner les messages et à raisonner il venait, à l'époque, de gagner là sa première grande bataille.
A partir de cet instant, si l'on peut s'exprimer ainsi, il a su s'organiser pour se servir de la nature, puis l'asservir et la dominer enfin, presque totalement.
Mais sa domination s'exerce d'une manière désordonnée et irrationnelle et dont il n'a pas su mesurer, à temps, les conséquences.
Il est ainsi sans doute parvenu à un point de non-retour qui va le conduire, désormais, à de nouvelles mutations profondes dont les causes semblent être à la fois physiques, sociales et psychiques.
Il s'apprête aujourd'hui à livrer sa seconde grande bataille.
Quelles chances a-t-il de la gagner ? Comment doit-il mener ce combat ? C'est la question qui, dès aujourd'hui, nous est impérieusement posée.
Dans un souhaitable effort de concision, il convient d'abréger ici l'énumération des multiples pollutions et nuisances physicochimiques actuelles, bien que la Presse et les Pouvoirs publics en aient très largement traité, car il nous paraît suffisant ici, d'admettre le danger dans son ensemble pour que le problème soit posé.
Il existe d'ailleurs, à la disposition de tous, de très nombreux ouvrages, récents et de qualité, où toutes les nuisances et pollutions de cet ordre sont analysées, voire même imaginées, sur les plans descriptifs et statistiques, et dans leurs conséquences immédiates ou futures.
Disons simplement, pour résumer, que c'est le caractère vivant éminemment fragile de notre environnement, la biosphère, qui, comme tout organisme structurel soumis aux lois biologiques, est atteint de blessures, de maladies et même menacé de mort.
Cette déclaration entraîne pour l'Homme des troubles importants et non encore totalement répertoriés, et une menace encore plus inquiétante pour l'avenir.
L'Homme a trop souvent estimé que décaper la Terre, éventrer les Forêts, polluer l'Air et l'Eau, n'aurait pas de conséquences graves, car il supposait la Nature capable de se régénérer toute seule. Il avait simplement oublié, ou peut-être découvert trop tard, que le progrès va vite, très vite, et que la nature, elle, n'a pas modifié son rythme. Si elle peut se régénérer, ne fût-ce qu'en partie, il faut bien lui en laisser le temps.
Devrions-nous alors, comme le préconisent certains extrémistes, en revenir aux rythmes ancestraux et condamner l'accélération technologique qui caractérise notre époque ? Il ne serait guère réaliste de le croire. Si les progrès scientifiques et leurs applications techniques ont effectivement eu certains aspects négatifs de destruction ou de perturbation de l'équilibre biologique de la nature, ils ont, aussi et avant tout, fortement contribué à l'amélioration des conditions d'existence, à l'allongement de la durée moyenne des vies humaines, et à l'accroissement du mieux-être général.
Il convient donc, bien au contraire, de se servir de ces connaissances scientifiques et de leurs conséquences techniques afin de poursuivre cette marche en avant, mais, également, afin de corriger, et éliminer si possible, les causes du mal.
Ce que nous pouvons déjà dire, après ce court développement, c'est que nous sommes tous responsables vis-à-vis des générations à venir, et que c'est de ce sentiment de responsabilité que chaque Homme devra se pénétrer. Si nous ne le comprenons pas rapidement, alors la révolte des éléments et la révolte des Hommes qui gronde déjà dans les cités, risquent de tout détruire, même le sens de la vie
Car, si la révolte des éléments, eau et air principalement, ne tardera guère, à devenir insupportable, celle qui gronde dans les cités nouvelles, à forte concentration humaine, dans les industries, et jusque dans les campagnes même, sera plus brutalement mortelle, et nous impose d'étudier de plus près l'environnement social et psychique.
Nos civilisations industrielles, nées de l'inévitable évolution technologique, et déformées par le seul concept du profit, sont cependant nécessaires à la survie d'une démographie galopante, que les mesures de contrôle des naissances pourront certainement freiner mais non stopper à volonté. Il apparaît dans l'ordre normal de l'évolution que la population mondiale s'accroisse régulièrement.
Le mal vient de l'anarchie de cet accroissement prodigieux qui explose surtout dans les régions dites sous-développées, où survit la misère, et dans les cités industrielles gigantesques où sévissent côte à côte les exigences de surproduction et la déification du profit. A partir de cet instant, tous les problèmes se posent pour cette nouvelle forme d'humanité. Elle vit, de part et d'autre, dans un cadre factice. Elle y perd forcément le sens des valeurs que ses ancêtres s'étaient forgé au cours de leur long cheminement au coude à coude avec la nature. Et, de surcroît, elle n'a pas pris le temps, ni même le soin, de s'en forger d'autres.
Aussi, par réaction et instinct de conservation, l'Homme bien nanti des grandes cités s'isole chaque jour un peu plus, alors que l’homme miséreux des régions pauvres s'amalgame à ses semblables jusqu'à l'étouffement. Or, paradoxalement, l'évolution technique permet à l'homme d'être informé des problèmes à l'échelon mondial. Chaque famille possédera bientôt la télévision et sera transportée, chaque soir, aux quatre coins du monde : elle pourra même voir les effets néfastes de la pollution..., elle peut déjà, à la radio, écouter ses propres dirigeants et ceux des autres pays...
Leurs moyens de transports mettent les pays les plus lointains à notre porte, et lorsqu'un cas de choléra est déclaré dans un point quelconque du globe, c'est le monde entier qui est aussitôt concerné et qui tremble. L'Homme, quel qu'il soit, peut donc être mieux informé, même si nous mettons en doute la qualité de l'information actuelle. Et malgré cela, il s'isole, se sent perdu, en butte à des contraintes dont il ne voit que l'injustice, et ne s'estime pas responsable en tant qu'individu.
Le déséquilibre, là encore, est flagrant. Cela vient de ce que la menace de destruction psychologique de l'homme grandit beaucoup plus rapidement que les facultés d'adaptation de ses sens ou de son esprit. Cela veut dire également que les cadres de vie dont il se rapproche d'instinct, ne lui permettent pas de se réaliser pleinement.
D'aucuns, à cet égard fort compétents, pensent que l'humanité des nations nanties ne pourra freiner la course à l'industrialisation et que la révolution à venir sera super-industrielle. Et de proposer de multiples palliatifs technologiques et fort judicieux, à ce qu'ils nomment le « choc du futur » .
Fort bien Mais nous nous apercevons que, d'une part, cette révolution ne concernera qu'une minorité en grande partie occidentale de l'humanité actuelle et que, d'autre part, elle ne résoudra nullement les problèmes posés, dès aujourd'hui, à la majorité.
Il ne saurait être question, nous l'avons déjà reconnu, de revenir à un cadre naturel de vie ; nous devons donc admettre que le cadre de vie d'une partie de plus en plus grande de la population du globe sera fabriqué...
Mais alors, il ne suffira plus de fournir les quelques mètres cubes d'espace indispensables à une famille, il faudra aussi que l'environnement lui devienne favorable. Les rangées monotones de grands cubes à dormir ne laissent aucun abri où, par atavisme, on aimerait se réunir. II ne convient pas non plus, à ce cadre, d'être trop grandiose, et les cités ultra-modernes, comme Brasilla, n'ont pas satisfait leurs habitants, qui se sont regroupés dans des quartiers grouillants, presque des bidonvilles, mais où l'on peut retrouver cette chaleur humaine dont les planificateurs et les architectes, ignorant la sociologie et l'écologie, n'avaient pas tenu compte.
Aussi, vivons-nous une crise profonde qui ne fait que commencer, et dont il convient d'éviter qu'elle ne s'achève en explosion.
Les mouvements hippies, aussi bien que certains refus de la jeunesse, en sont des manifestations. L'accroissement des « stress », des chocs psychiques, des désordres cardiovasculaires chez les adultes, en sont d'autres. La pullulation humaine, l'angoisse confuse devant un avenir mouvant et incertain, commencent à provoquer des désordres sociaux et des conflits. Il est impossible, dans le cadre d'une telle synthèse, de traiter à fond ces problèmes. Là encore, il suffit de savoir qu'ils existent et d'en prévoir les correctifs et les solutions qui tiennent compte, avant tout, de l'homme et de l'amélioration de sa vie physique et morale.
Les modifications profondes et les altérations rapides de l'environnement humain ont, nous l'avons vu, des conséquences prévisibles dont les correctifs sont entre nos mains, par l'intermédiaire de nos gouvernements. Il est évident que, quels que soient les régimes actuellement existants, les pays industrialisés ne sont, ou ne seront plus à brève échéance, gouvernés que par des hommes élus, vivant les yeux fixés sur les sondages, et donc infiniment sensibles à ce qu'on appelle l'opinion publique. Personne aujourd’hui, ailleurs comme en France, ne peut aller longtemps contre un puissant courant d'opinion. Et sans aucun doute, nul homme au pouvoir ne s'y risquerait.
Aussi faut-il admettre que la responsabilité du comportement d’un régime, voire même d'une civilisation, est désormais entre les mains de chaque citoyen. L'exemple le plus frappant nous en a été donné par le Président JOHNSON lui-même, dans son message au Congrès en 1967, lorsqu'il affirmait que « les nuisances de toutes sortes sont la conséquence d'une négligence qui ne doit plus être tolérée, et qu'elles seront jugulées dès que les citoyens américains, par le canal de leurs représentants élus, demanderont que soit respecté le droit qu'eux-mêmes et leurs enfants ont de vivre sans appréhension pour leur santé ».
Si, au regard des services publics, des solutions matérielles et pratiques aux problèmes de l'environnement peuvent être trouvées dans un cadre technocratique, puisqu'elles relèvent de disciplines et de compétence fort diverses, rien toutefois de vraiment efficace ne pourra être entrepris dans un cadre prospectif à long terme, que nous imposent le mieux-être, et peut-être même la survie, des générations à venir, sans une prise de conscience individuelle que peut seule créer l'information. Cette information est, vous le savez, largement commencée mais de façon désordonnée, car elle n'a sa source que chez les scientifiques et les pouvoirs publics.
Cela suppose avant tout, et par le biais d'une prise de conscience individuelle, l'adaptation à l'universel d'une morale jusqu'alors particulariste. La morale est, en effet, apparue là où a commencé la vie de groupe. Tant que l'humanité, relativement clairsemée sur de grandes surfaces habitables, n'a eu qu'à combattre la nature pour assurer sa subsistance, et quelquefois sa survie, la morale n'était nécessaire qu'à la protection de l'harmonie des groupes familiaux, ou des cités. Elle représentait un guide de conduite permettant à l'individu d'être adopté, et intégré, dans un cadre collectif encore restreint.
Au contraire, dès le moment où les Sociétés densifiées, et vouées à l'accélération de changements et de relations éphémères, au sein d'une nature presque totalement perturbée, voire en certains cas remplacée, en arrivant à devoir se créer un environnement sur mesure, pour ne pas compromettre la santé physique et morale de l'humanité tout entière, le comportement moral traditionnel ne semble plus à même d'assurer la maîtrise de la protection individuelle, à l'échelle planétaire.
Comme l'écrit de façon pénétrante Alvin TOFFLER, qu'il est impossible de ne pas citer ici : « En modifiant nos rapports avec les ressources qui nous entourent, en amplifiant à l'extrême la portée du changement et, facteur décisif, en en accélérant le rythme, nous avons rompu de façon irréversible avec le passé. Nous avons coupé tous les ponts avec nos anciennes façons de penser, de sentir et de nous adapter «.
Et il semble bien qu'en effet nous ayons libéré une force sociale totalement nouvelle que pourra seule contrôler, guider et dynamiser une morale nouvelle.
Notre tendance à fermer les yeux, à refuser l'agression de l'évidence, à nous isoler peureusement du torrent qui menace de nous entraîner, a seule retardé l'apparition de cette morale. Il n'est que plus urgent de tenter de la percevoir, de la définir, ou tout au moins de la pressentir.
Il devient flagrant que l'obsession d'abondance (certes en partie justifiée par des excès de misères scandaleuses) semble avoir élevé jusqu'à une doctrine morale la productivité à outrance sous un fallacieux prétexte humanitaire, alors que fondamentalement, et surtout le ventre creux, l'homme a, tout au long de son histoire, manifesté un plus impérieux besoin de fraternité et de spiritualité, ravalé de nos jours au niveau du superflu, par ce matérialisme institutionnel. Un choix doit donc bien être fait entre la recherche de la quantité et celle de la qualité.
Pour y parvenir, l'homme doit, avant tout, repenser le sens général de la Vie. A une époque où la Vie était encore considérée comme un miracle permanent, aux contours immuables, et où la maladie et la mort ne trouvaient leur consolation ou leur fin que dans la Religion, la morale apparaissait comme un guide rigide mais salutaire, comme un rempart pratique, et bien souvent dogmatique, de la société contre l'agression possible de certains individus.
Les règles morales visaient à contrôler l'acte, comme en témoigne clairement encore le Décalogue.
De nos jours, nous savons au moins de la Vie, cette toujours merveilleuse, mais non plus miraculeuse, création de l'Univers, qu'elle est essentiellement évolutive, malgré la fixité apparente des gènes, et nos propres facultés d'adaptation à tant d'agressifs changements sont bien là pour nous en apporter la preuve. Nous connaissons les raisons de presque toutes les maladies, et certaines des causes de la mort. Nous savons également, pour le vivre à nos dépens, qu'il n'existera désormais plus de sociétés stables et solidement structurées, mais que la vie sociale évoluera sans trêve, dans des directions encore imprévisibles.
Il s'ensuit qu'aucune morale rigide ne sera à même de s'adapter aux infinies fluctuations des situations la nouvelle morale nécessaire à notre temps, et très vraisemblablement aux temps à venir, devra donc être applicable en toutes circonstances, et non seulement à l'action immédiate, mais également aux résultantes à longue échéance de cette action. Ce doit être une morale du changement, et pour tout dire, une morale prospective.
En dehors d'une éthique supérieure qu'il est bien illusoire d'espérer faire partager, dans un proche avenir, à toute l'humanité, n'existe-t-il pas une Loi Morale Universelle qui impose simplement de ne pas faire subir aux autres ce que nous ne désirons pas subir nous-mêmes ? Or, l'homme devrait être désormais capable de comprendre, à l'occasion justement des nouvelles et croissantes pressions dont il devient la victime, que le moindre de ses gestes, la plus anodine de ses actions, ont des résonances cumulatives, et dont l'éloignement dans l'espace et le temps ne diminue pas les effets, bons ou mauvais, sur le reste de l'humanité.
Il suffit donc de le lui montrer, par l'information, par l'éducation, et par l'exemple si possible.
Analysons l'exemple simple de ces présomptueux se lançant gratuitement et sans préparation à l'assaut de montagnes dangereuses, en risquant ainsi de provoquer la mort possible de guides bénévoles, partis solidairement à leur recherche. Leur décision, avec les risques personnels qu'elle implique, est parfaitement libre et n'enfreint apparemment, en aucune façon, les règles morales traditionnelles.
En d'autres temps, leur entreprise gratuite n'eût qu'éveillé l'admiration, ou les regrets, de leur seul proche entourage, selon la réussite ou l'échec tragique.
Or, de nos jours, dans le même cas, l'information diffusée aussitôt dans le monde, déclenche par le biais de l'opinion publique, entre autres, un processus de sauvetage solidaire, mettant en péril les vies humaines des sauveteurs bénévoles. Pouvons-nous alors continuer de prétendre qu'une telle entreprise est parfaitement libre ? Certainement pas, et ceci nous amène à penser qu'un des aspects de cette nouvelle morale sera de donner à chaque individu, par l'éducation, l'information et l'exemple concret, les moyens de procéder systématiquement et par lui-même, à une telle analyse et un tel choix de chacun de ses actes.
Sans vouloir minimiser les responsabilités des autorités ou des industriels dans l'accroissement des pollutions et des nuisances diverses, il faut bien reconnaître que l'exercice de la liberté n'offre plus les mêmes limites qu'autrefois, et qu'aucun acte ne peut être désormais, innocent ou gratuit, fût-il scientifique, politique, commercial ou idéaliste. Cette prise de conscience permettrait peut-être à notre pays de ne plus tenir au triste privilège des records d'alcoolisme et bientôt de toxicomanie.
Lorsqu'on connaît l'efficacité des habitudes, ou attitudes, inculquées dès le plus jeune âge, nous pouvons supposer logiquement que cette nouvelle morale individuelle se forgera aisément, si nous le voulons vraiment, dès l'école maternelle et tout au long de ta scolarité légale. Si, de plus, une puissante et dynamisante information bien dirigée en ce sens entretient, chez l'adulte, le même état d'esprit, cette morale individuelle, et personnelle, vécue à chaque instant et en toutes circonstances, ne pourra que déboucher, inévitablement, semble-t-il, sur un comportement collectif spontané.
Il imprégnera alors les puissants mouvements d'opinion, qui, comme nous l'évoquions précédemment, contraindront les gouvernements et les pouvoirs publics à appliquer eux-mêmes, et à faire appliquer par d'autres, les principes d'une morale alors universellement reconnue.
Dès aujourd'hui, à une époque où la Défense des Droits de l'Homme et du Citoyen est parfaitement codifiée, et de plus en plus appliquée, semble-t-il, il est grand temps d'instituer, à son tour, une Charte des Devoirs de l'Homme, qu'il ne serait d'ailleurs pas absurde d'appeler également Défense des Devoirs de l'Homme, dans l'esprit de celle élaborée par notre Commission de la Paix, dont l'article 4 reste un modèle du genre. Nous citons : « Le devoir d'un peuple, désirant exercer sa légitime autodétermination, est de s'assurer que son autonomie nouvelle ne viendra pas déséquilibrer économiquement, socialement et ethniquement les ensembles humains qui l'environnent »
Cette Charte devrait également comprendre un ou plusieurs articles dans lesquels seraient insérés les principes qui obligeront l'homme à ne pas oublier la défense de son environnement et, partant, de celui des autres.
En conclusion, si presque tout reste à faire en ce domaine, il apparaît que, dans l'optique ainsi définie, tout est désormais rapidement réalisable.
Il appartient donc à chaque homme, un tant soit peu soucieux de voir se réveiller, ou naître, un nécessaire nouveau sens moral, de se considérer, dès aujourd'hui, comme responsable individuellement du déclenchement de ce processus, certes révolutionnaire, mais simple et logique.
Et si nous voulons vraiment que l'Homme domine enfin son Devoir, et que notre Monde s'engage rapidement dans un perfectionnement absolument indispensable à sa survie, nous nous devons de commencer chacun, à titre personnel et collectif, à pratiquer, activement et concrètement, une telle morale, dans nos activités professionnelles, techniques, sociales et politiques, afin d'avoir le Droit de faire pression sur les Organismes responsables de l'Education, de l'information, de la Population, de l'Urbanisme, de la Santé et de l'industrie.
Et peut-être, ainsi, serons-nous efficacement cette fois, artisans de l'épanouissement de l'Homme, dans le cadre menaçant de notre nouvelle vie hyper-sociale, afin que les mutations que nous commençons à subir, sans trop les comprendre, ne nous soient pas causes de destruction, mais d'enrichissement.
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Quelles que soient mes responsabilités - ou non - présentes ou futures dans une organisation, les propos tenus dans cet article comme dans tous les articles de ce Bloc-Notes, sont exclusivement des opinions personnelles qui n'engagent que moi.
Je rappelle simplement que la liberté d’expression est en France un droit Constitutionnel, quelle que soit notre appartenance à une association de quelque nature que ce soit.
Dans son article 10, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen pose que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »
Dans l'article 11, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen pose aussi que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »
Ces deux articles ont valeur constitutionnelle car le préambule de la Constitution de la Ve République renvoie à la Déclaration de 1789.
La Constitution et les Lois de la République Française s'appliquent sur l'ensemble du territoire national et s'imposent à tout règlement associatif particulier qui restreindrait cette liberté fondamentale et Constitutionnelle de quelque façon que ce soit.
Jean-Laurent Turbet
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