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Le Blog des Spiritualités

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Gnose, Esotérisme, Franc-maçonnerie, Hermétisme, Illuminisme, Initiation, Kabbale, Martinisme, Occultisme, Religions, Rose-Croix, Spiritualités, Symbolisme, Théosophie, et toutes ces sortes de choses...


Michel Dumesnil de Gramont. Nouvelles informations inédites !

Publié par Jean-Laurent Turbet sur 9 Novembre 2017, 08:00am

Catégories : #Franc-Maçonnerie, #DumesnilDeGramont, #SCDF, #REAA, #Histoire, #Généalogie

Michel Dumesnil de Gramont. Nouvelles informations inédites !
Michel Dumesnil de Gramont. Nouvelles informations inédites !

Il y a un peu plus de cinq ans, alors qu'il publiait son "Guide de l'Orient Eternel" qui recense les lieux de sépultures de francs-maçons célèbres, Maurice Levy (initié en 1989 au sein d'une des plus anciennes loges de la GLDF, la loge N° 66, "Les Philanthropses Réunis", à l'Orient de Paris, dont il a été le Vénérable Maître, ancien Conseiller Fédéral et actuellement, et depuis plusieurs années, Président de la Commission des Droits de l'Homme et du Citoyen de la Grande Loge de France. Il a reçu en 2011 la Médaille d'Or de la Grande Loge de France, distinction habituellement réservée aux anciens Grands-Maîtres) me disait qu'il ne savait pas où avait été enterré Michel Dumesnil de Gramont qui fut pourtant un Grand-Maître emblématique de la Grande Loge de France pendant 14 ans (1934-1935 / 1938-1948 / 1950-1952) et surtout pendant la période si troublée et dangereuse de la Seconde Guerre Mondiale. Et, en fait, après quelques recherches à la bibliothèque et dans les archives de la GLDF, après également avoir demandé à quelques anciens frères, je me suis rendu-compte que personne ne savait plus où reposait l'ancien Grand Maître.

Après quelques années, j'ai donc décidé de me remettre en recherche et de percer l'énigme.

Je dois surtout remercier Pierre Valery ARCHASSAL, que je connais bien depuis de nombreuses années..., l'un des tous meilleurs généalogistes français (le meilleur?), que j'ai sollicité sur la recommandation de Marie-Françoise BLANCHET (on travaille toujours mieux en équipe) après avoir lancé un "appel au peuple" sur ma page Facebook, et qui a mené une enquête inédite et extraordinaire sur la filiation de Michel Dumesnil de Gramont. Qu'il en soit remercié et que son apport essentiel et déterminant dans la réalisation de ce travail soit reconnu comme il se doit. Je me suis également servi d'un article publié dans Points de Vue Initiatiques (PVI - la revue de la Grande Loge de France) N°33 de 1979 (que vous trouvez en lien à la fin de l'article). De l'article d'Alain GRAESEL intitulé "Michel Dumesnil de Gramont" dans le N°183 de PVI de mars 2017. Jean-Pierre THOMAS m'a également fait l'amitié de me faire parvenir la fiche concernant Michel Dumesnil de Gramont, tiré de son ouvrage à venir, consacré aux biographies de tous les membres actifs du Suprême Conseil de France depuis 1804. Il est également le fruit de recherches personnelles. Vous savez tout des sources. L'histoire peut commencer.

Pour nos plus jeunes lecteurs, qui était Michel Dumesnil de Gramont ?

Michel Dumesnil de Gramont est né Michel Marie André DUMESNIL le 11 mai 1888 au domicile de ses parents au 27, rue Guénegaud Paris 6ème arrondissement. Attention, dans de nombreux articles, il est dit qu'il est né en 1893. Mais son acte de naissance est formel. De Charles Louis Jean DUMESNIL, 22 ans, industriel, âgé de 22 ans, et de Suzanne Marie de  GRAMMONT, sans profession, âgée de 26 ans.

 

Il s'est marié le 23 octobre 1909 avec Alexandra Dolgopoulof (née à Novotcherkassk, en Russie, le 02 octobre 1887) à la Mairie du 5ème arrondissement de Paris, fille de Piotr Ivanof DOLGOPOLOFF, fonctionnaire de l’empire russe, et de Olga Ivanovna …, sans profession, demeurant à Rostov‐sur‐le‐Don. Les parents ont consenti par acte passé devant Maître Tamachevsky, notaire à Rostov‐sur‐le‐Don le 16 juin 1909. Elle était domiciliée 20 bis rue Censier. On note qu’elle signe l’acte avec son mari de manière parfaite.

Il est alors «avocat à la cour d'appel de Paris » et domicilié 49, boulevard Saint-Michel dans le 6ème arrondissement. 

Son père, à ce moment là, est déclaré « absent » par acte de notoriété du juge de paix. Cela signifie que personne – officiellement–  ne sait où il est. 

Est‐il vivant ? Mort ? Le juge de paix tranche :  il est  absent. 

Cela n’est pas très étonnant car les parents se sont mariés le 18 mars 1887 à Paris VIème  mais ont divorcé devant le tribunal civil de la Seine le 27 février 1893, soit moins de 6 ans plus tard

Michel DUMESNIL avait donc 4 ans au divorce de ses parents, ce qui peut induire : 

1. Que le père ait disparu et qu’il n’en ait pas eu de nouvelles lors de son mariage 

2.Qu’il ait voulu « relever » le nom de sa mère qui était la seule famille à laquelle il pouvait se  raccrocher sur le plan culturel. 

Il est ensuite haut fonctionnaire  (il termine sa carrière, à la fin de l’entre-deux-guerres comme directeur administratif de la Recherche scientifique et des inventions) mais il exerce après la Libération, dans le privé. il est président directeur général de la Compagnie d’assurance L’Urbain-Capitalisation. Au-delà de ces emplois, qu’il qualifia lui-même d’alimentaires, ce fut naturellement par sa carrière d’homme de lettres qu’il demeure plus connu et qui fit tour à tour de lui, sous le nom de Dumesnil de Gramont un critique littéraire et un essayiste, auteur d’ouvrages sur Léonard de Vinci, Jésus, Marx, la pensée ésotérique, un traducteur des grands écrivains russes (Gorki, Tolstoï, Bounine, Merejkowsky) et même un poète.

Sa connaissance parlée et écrite de la langue russe, son savoir en matière de tradition slave, alliés à un style de plume alerte et à une maîtrise parfaite du vocabulaire et de la syntaxe lui permirent de traduire en langue française une vingtaine d'ouvrages de grands écrivains modernes russes comme Maxime Gorki, Alexis Tolstoï, Ivan Bounine, Merejkowsky... Le choix des œuvres traduites montre clairement les trois grands problèmes qui étaient à la base de ses préoccupations littéraires et philosophiques.

Mais, on doit aussi à Michel Dumesnil de Gramont plusieurs production en langue française et notamment une « Histoire de la littérature allemande » et une « Histoire de la littérature russe », «De Luther à Wagner », un essai de psychologie ethnique et « Le Prophète rouge », un essai sur Marx et le marxisme, ces deux ouvrages ayant été écrits en collaboration avec Klugman.

Avec Antonio Coen — autre passé Grand Maître de la Grande Loge de France — il écrivit à l'intention du monde profane une très belle étude sur « La Franc-Maçonnerie  Écossaise ». Nous y reviendrons (cette étude est en lien au bas de l'article).

 

Le Franc-Maçon :

Michel Dumesnil de Gramont a 31 ans lorsqu’il est initié le 16 février 1919 à la Respectable Loge « Cosmos » N° 288 par le Vénérable Lucien Le Foyer (Photo ci-contre en 1909), qui sera Grand Maître de la Grande Loge de France de 1928 à 1930. Lucien Le Foyer est passé à l'Orient Éternel trois mois avant Michel Dumesnil de Gramont. Tous deux écrivains, tous deux poètes, ils avaient les mêmes aspirations, cherchant l'un et l'autre la Vérité.

Compagnon le 19 septembre 1920, Michel Dumesnil de Gra­mont obtint la Maîtrise le 18 janvier 1921.

Brillant orateur, intelligent, un cœur réceptif à tous les problèmes humains, il partagea désormais sa vie entre sa famille et l'Ordre, mêlant souvent les deux, tant sa foi maçonnique était grande.

En 1921 il se joignait aux anciens Frères de la Loge «Le Portique » N°427 - créée en 1910 par le grand Albert Lantoine et qui était  en sommeil - pour réveiller cet Atelier. Il en est le Vénérable à trente ans. 

Michel Dumesnil de Gramond a été fondateur de trois Loges : « Le Sagittaire » en 1922 (aujourd'hui disparue), « La Grande Triade » N°693 en 1947 (avec Antonio Coen, Georges Marty, plusieurs membres du Conseil Fédéral et des amis de René Guénon qui surveille avec attention la création de cette loge depuis Le Caire où il vit), et « La France » N°712 en 1951 où il prôna la liberté de pensée qui lui était si chère, cette liberté qui, alliée au goût de l'indépendance de la parole, donne le sens de la responsabilité de la pensée exprimée.

Cette responsabilité était sienne : Conseiller Fédéral dès 1923, il fut Grand Secrétaire Adjoint en 1928, Grand Orateur Adjoint en 1929, Grand Orateur en 1931, Grand Maître Adjoint en 1933.

Grand Maître de la Grande Loge de France en 1934 et en 1935, il le sera de nouveau de 1938 à 1948 puis de 1950 à 1952.

Il était Grand Maître d'Honneur depuis le Convent de 1948.

33ème degré du Rite Écossais Ancien et Accepté, il est coopté par le Suprême Conseil de France et en devient membre actif en 1931. Michel Dumesnil de Gramont a donc des fonctions importantes tant dans l'Obédience que dans la Juridiction.

Il fut aussi l'inspirateur l'un des fondateurs du Groupe Condorcet-Bros­solette,  dont il inaugura le cycle de conférences qui se déroulent à cette époque à la Sorbonne. Les conférences Condorcet-Brossolette, véritable vitrine pour expliquer l'Ordre, le Rite et l'Obédience tant à ses adeptes qu'aux profanes, se déroulent aujourd'hui dans le Grand Temple de la Grande Loge de France.

La loge N° 757, créée à l'Orient de Paris de la Grande Loge de France le 12 février 1957, porte le titre distinctif de "Michel Dumesnil de Gramont". 

Michel Dumesnil de Gramont est socialiste au sens le plus noble: il prêchait l'égalité. Il fut à l'origine de l'application des conventions collectives dans la branche des assurances sur la vie et soutient l'action du Front Populaire de Léon Blum. Alors qu'il n'est plus Grand Maître (il l'a été en 1934-1935 et il le redeviendra en 1938) il préside la tenue du 15 juin 1936 qui a lieu dans le Grand Temple de la Grande Loge de France sur le thème "Le Front Populaire au travail" organisée par la loge "La Fidélité" avec 15 autres loges, en présence de Roger Salengro, alors ministre de l'Intérieur et de nombreuses personnalité de gauche dont Marceau Pivert, Gaston Allemane ou Maurice Delépine. J'en avais rendu-compte dans un article précédent de ce blog consacré à Roger Salengro.

Alain Knapp, dans un livre qu'il prépare sur les trois siècles d’histoire de la Franc maçonnerie à Montpellier cite la visite de Michel Dumesnil de Gramont en soutien aux réfugiés républicains espagnols.

Michel Dumesnil de Gramont, Grand Maître de la Grande Loge de France, fit par la suite à Paris une relation forte de sa visite à la loge de réfugiés espagnols numéro 681 « EXILIO » à l’Orient de Montpellier (mais qui de fait se réunissait à Saint Bauzille de Putois un village voisin). 

Alain Knapp cite : « Dans une ancienne briqueterie, auprès d’un village de montagne, aux derniers contreforts des Cévennes, s’élève un temple maçonnique. Sur les murs blanchis à la chaux, des mains, plus ferventes qu’habiles, ont tracé nos décors séculaires… C’est l’œuvre de frères espagnols qui, proscrits, errants ont avec leur famille trouvé refuge sur ce coin perdu de la terre de France »

Le Résistant et l'abolition des lois de Vichy contre les société secrètes :

Après l'Armistice de juin 1940 et l'installation de l'Etat français à Vichy, la persécution des francs-maçons — le mot n'est pas trop fort — fut officialisée dès la loi du 13 août 1940 portant interdiction des « Sociétés secrètes », complétée par le décret du 19 août 1940 qui vise la dissolution des Associations dites Grande Loge de France et Grand Orient de France.

Après avoir organisé, avec François Collaveri, lui aussi futur membre du Suprême Conseil, le déménagement hors Paris des archives de la Grande Loge de France, Michel Dumesnil de Gramont  entre en résistance, dans le groupe  Patriam Recuperare, fondé par nombre de patriotes francs-maçons qui, outre lui-même, regroupa, entre autres, Jean Baylot, Charles Riandey, Marcel Cerbu et Joannès Corneloup.

Replié en zone libre à Villefranche-de-Rouergue, Michel Dumes­nil de Gramont ne cesse de 1940 à 1943 de militer dans le mouvement « Libération Sud » de la Résistance.

A la première Assemblée Consultative mise en place par le Général de Gaulle à Alger, après le débarquement des troupes alliées en Afrique du Nord, il y est nommé délégué de Libération Sud au titre du Conseil National de la Résistance (C.N.R.).

Il embarque alors sur un avion militaire dans la région de Toulouse pour rejoindre les Alliés à Londres où il arriva le 22 septembre 1943. Il y retrouvait de nombreux maçons belges, luxembourgeois et français.

Un mois plus tard il arrivait à Alger et avait l'immense joie de reconnaître au sein de l'Assemblée Consultative de nombreux Frères. De plus, deux Francs-Maçons appartenaient au Comité Français de Libération Nationale.

Il faut préciser que la qualité de Grand Maître de la Grande Loge de France de Dumesnil de Gramont était connue du Général de Gaulle qui appréciait le dévouement à la Cause Nationale des Francs-Maçons, ceux de Londres, d'Afrique du Nord et ceux de France.

C'est à Alger qu'il conseille au Général de Gaulle de prendre l’Ordonnance du 15 décembre 1943 abolissant toutes les lois et mesures, prises par le gouvernement de Vichy, contre la franc-maçonnerie, d’où son surnom de maçon de de Gaulle, qui lui fut souvent attribué, malgré ses convictions socialistes. D'autres frères de la Grande Loge de France, socialistes, sont également proches du Général de Gaulle : Pierre Brossolette, initié le 22 janvier 1927 au sein de la Loge "Emile Zola" de la Grande Loge de France. Tout comme Félix Eboué initié, en 1922, à la Loge "La France Équinoxiale", à Cayenne, qui proclame, le 26 août 1940, le ralliement officiel du Tchad au général de Gaulle donnant ainsi « le signal de redressement de l'empire tout entier » et une légitimité politique à la France libre, jusqu'alors dépourvue de tout territoire.

Mais écoutons Michel Dumesnil de Gramont raconter lui-même cet épisode : 

« J’en viens maintenant à la période plus heureuse où sur les territoires libérés, la Maçonnerie contrainte à une activité réduite et clandestine, put reprendre force et vigueur.

Ce fut, naturellement, en Afrique du Nord que nos FF.’. de la Grande Loge, délivrés par les Alliés de la persécution du régime de Vichy. entreprirent de relever le Temple. Je dois dire que cette oeuvre de reconstitution se fit beaucoup moins vite qu’on aurait pu l’espérer. Ce n’est point que nos Frères se soient montrés négligents ou timorés, mais le fait est qu’ils trouvèrent chez les pouvoirs publics peu d’empressement à leur venir en aide. Pour parler net, lorsqu'en novembre 1943 je débarquai en Algérie, j’appris à ma vive surprise que les lois et mesures anti-maçonniques de Vichy n’avaient pas été abrogées. Ainsi, à s’en tenir à la lettre des textes, la reconstitution des Loges et des Obédiences demeurait interdite. Il est inutile de dire que je manifestais au Commissaire à l’Intérieur mon étonnement pour ne pas dire mon indignation. Ce Commissaire me répondit que les Maçons pouvaient se réunir comme il leur plairait et que personne ne viendrait troubler ni incriminer leurs Assemblées.

D'accord avec les Frères les plus expérimentés de nos Loges d’Afrique du Nord, je rejetai catégoriquement celle solution hypocrite. Nous estimions que la Maçonnerie ne devait pas rentrer dans la cité reconquise par une porte dérobée et qu’au contraire, c’était au grand jour et avec la consécration de textes officiels que nos Ateliers devaient reprendre leurs travaux.

Je n’entrerai pas ici dans le détail des démarches qu’il me fallut faire pour arriver à ce résultat. Qu’il me suffise de rappeler que le 22 décembre une ordonnance, conforme en sa rédaction à tout ce que nous avions demandé, annulait les lois de Vichy sur les Sociétés « dites secrètes » et prescrivait la restitution de leurs biens.

Ayant ainsi obtenu les textes qui effaçaient les iniquités dont nous avions souffert, nous avons pu procéder à la réouverture de nos Loges d’Afrique du Nord. Bien entendu, une épuration sévère s’imposait là-bas comme ici et pour la mener à bien nous avons adopté des méthodes analogues à celles qui ont été pratiquées dans la Métropole au lendemain de la Libération ». (Compte-rendu Officiel du Convent de 1945 de la Grande Loge de France, page 10. Bibliothèque de la Grande Loge de France à Paris).

Il siégea encore à l’Assemblée Consultative provisoire d’abord à Alger, ensuite à Paris - où il se félicita de compter, dans cette ébauche de Parlement, un quart de francs-maçons ! - avant d’effectuer, à la requête du chef de la France Libre, deux missions diplomatiques auprès du gouvernement américain en 1943 et 1945.

Titulaire de multiples distinctions (Légion d’Honneur, Croix de Guerre, Médaille de la Résistance), cette figure charismatique de l’après-guerre se consacra alors au réveil de l’Ordre, en France, d’abord en siégeant à la commission d'épuration puis en reprenant la charge de Grand Maître de la Grande Loge de France de 1945 à 1948, puis de 1950 à 1952, c'est-à-dire un an avant sa mort.

Le sauveur de l'indépendance de la Grande Loge de France : 

Fort heureusement il sauva l'Ordre Écossais en refusant et en faisant en sorte que le Convent de la Grande Loge de France refuse la fusion avec le Grand Orient de France, qui avait été imaginé par certains frères dans les derniers jours de la Libération de la France.

Dans son article publié dans PVI N°183 (photo ci-contre, Alain Graesel explique bien la situation, les enjeux et les conséquences possible de ce qui aurait pu se passer en 1944 - 1945 :  « Pendant l’Occupation, quelques frères de la Grande Loge de France et du Grand Orient de France, tout en prenant part à la Résistance, pensaient déjà à la reconstruction de la maçonnerie lorsque viendrait la Libération.

 

Un Comité d’initiative maçonnique avait été formé en 1943, avec entre autres, Michel Dumesnil de Gramont pour la Grande Loge de France et J. Corneloup, membre du Grand collège des rites pour le Grand Orient de France.

 

Un manifeste fut rédigé. D’emblée des divergences apparurent, mais les frères, subissant le même joug, rassemblés par la volonté de reconstruire, poursuivirent leurs réflexions communes.

 

La synthèse finale de cette démarche, adoptée à mi-juin 1944, prévoyait notamment de « réaliser en France l’unité (de la maçonnerie NDR) […] la réalisation de cette unité impliquant essentiellement le remplacement du Grand Orient de France et de la Grande Loge de France par une seule obédience… ».

 

À partir de janvier 1945, les deux obédiences eurent des sessions communes qui confirmèrent toutefois des différences d’appréciation sur les conclusions retenues sous l’Occupation.

 

Le 18 septembre 1945, lors de son Convent, le Grand Orient de France, très pressé, adopta une motion favorable à la fusion avec la Grande Loge de France.

Mais la Grande Loge de France, qui tenait aussi son Convent, avait, sur le rapport de Michel Dumesnil de Gramont, rejeté l’idée de cette fusion tout en souhaitant poursuivre avec le Grand Orient de France ses relations maçonniques fraternelles.

 

Le Grand Orient de France en fut informé et en prit acte.

 

Des historiens ont développé des appréciations divergentes sur cet épisode – selon leur appartenance obédientielle - et il y eut des controverses.

 

Mais on peut considérer – c'est mon cas – que ce jour-là, Michel Dumesnil de Gramont sauva la Grande Loge de France et l'indépendance du Rite Écossais Ancien et Accepté aux trois premiers degrés de la disparition au sein d'une ensemble éloigné des fondamentaux maçonniques du Rite Écossais Ancien et Accepté, car à n'en pas douter, dans le cadre de la fusion avec le Grand Orient de France, notre Maison aurait été rapidement obligée de se plier aux exigences d'une obédience dont le caractère hégémonique (reconnu par lui-même : il avait fait depuis 1804 une douzaine de tentatives d'assimilation de l'ordre écossais en France), qui avait naturellement été mis en sourdine pendant la guerre, se réaffirmait à nouveau avec énergie ».

 

Ce que Michel Dumesnil de Gramont dit lui-même lors du Convent de 1945 : « Il est une autre question qui a soulevé, dans de nombreux Orients, une vive émotion et que je ne saurais passer sous silence: c’est le problème de la fusion des deux Obédiences.

(…)

On a même, dans certains Orients, par une interprétation inexacte de circulaires élaborées en commun par les Conseils directeurs des deux Rites, affirmé que la fusion était déjà réalisée.

A ces affirmations, le Conseil fédéral a déjà opposé un démenti que nous croyons nécessaire de répéter une fois de plus.

Le Conseil fédéral soucieux de rester fidèle à nos Constitutions et Règlements ne pouvait perdre de vue que seul un Convent représentant l’ensemble du Rite écossais en France avait qualité pour prendre une décision d’une telle importance.

Décision si grave que si, à l’avenir, la question se posait de nouveau elle devrait être prise en toute indépendance et en pleine connaissance de cause.

En toute indépendance: nous entendons par là que le Conseil Fédéral devrait non seulement se refuser à mettre un futur Convent devant une sorte de fait accompli, mais même s’abstenir de toute mesure qui semblerait préjuger les résolutions de l’Assemblée générale

(…)

Ceci dit, je crois devoir ajouter que l’attitude prise par le Conseil Fédéral au sujet de la fusion laissait intact notre désir de maintenir avec le G :. O :. une parfaite entente ». (Compte-rendu Officiel du Convent de 1945 de la Grande Loge de France, pages 13-14. Bibliothèque de la Grande Loge de France à Paris).

Bonne entente oui mais fusion non ! La fusion ne fut jamais votée par un Convent de la Grande Loge de France qui demeure ainsi souveraine et indépendante de toute autre puissance maçonnique.

Où a-t'il été enterré ?

Michel décède le mercredi 4 février 1953 à son domicile 11 rue de la Trémoille dans le 8ème arrondissement de Paris. Voici son acte de décès.

 

Pierre-Valéry Archassal  a ensuite consulté les registres de transports de corps pour l'année 1953 pour savoir où il a été inhumé.  Il trouvé la réponse dans le dossier coté 2484W65 aux Archives de Paris.

Voici le résultat de ses recherches en photos :

 

Et en plus gros l'extrait concernant Michel Dumesnil de Gramont :

 

Michel Dumesnil de Gramont est donc enterré le samedi 7 février 1953 au cimetière parisien de Bagneux  45, avenue Marx Dormoy, 92220 Bagneux.

Détail intéressant : La levée du corps n'a pas lieu 11 rue de la Trémoille à son domicile, mais au 8, rue Puteaux qui est... l'Hôtel de la Grande Loge de France.

Le corps de Michel Dumesnil de Gramont est donc arrivé dans les locaux de la Grande Loge de France entre le mercredi 4 et le samedi 7 février 1953. 

Un hommage a donc dû être rendu - en présence de  la dépouille mortelle de Michel Dumesnil de Gramont - par le Grand Maître Louis Doignon, le Conseil Fédéral et les frères de la Grande Loge de France. Je n'ai pour l'instant pas retrouvé trace de cette cérémonie mais je compléterais l'article si je trouve quelque chose.

Et c'est bien du 8, rue Puteaux que le corps sans vie de l'ancien Grand Maître est parti jusqu'à sa dernière demeure, le cimetière parisien de Bagneux.

 

En (triste) conclusion : 

Malheureusement, en téléphonant au cimetière parisien de Bagneux, j'ai appris que la tombe de Michel Dumesnil de Gramont tombée dans le domaine public en 1983 avait été reprise en 1993. Il n'y a donc plus de tombe à son nom au cimetière parisien de Bagneux

Ses restes ont été mis dans un ossuaire, mais les responsables du cimetière ne savent pas où, si c'est à Thiais ou à Pantin (ou ailleurs...?).

Pour tout dire, cette quête me laisse un goût d'inachevé. On ne peut évidemment pas blâmer le Grand Maître Michel Barat, ni les frères du Conseil Fédéral de l'époque, de peut-être, n'avoir rien su de tout cela (quoi que?), et d'avoir laissé le corps de Dumesnil de Gramont aller à la fosse commune. On ne peut pas refaire l'Histoire 25 ans après...

Il n'empêche que c'est bien triste de voir que le destin post-mortem d'un Grand Maître aussi important et aussi emblématique de la Grande Loge de France que Michel Dumesnil de Gramont n'ai - au fond - inquiété aucun dirigeant de l'époque. Comme quoi, on ne surveille jamais assez notre patrimoine commun et les hommes illustres qui ont fait notre Histoire...

Que des articles comme celui-ci lui tiennent dorénavant lieu de sépulture et qu'il reste à jamais vivant dans les mémoires des frères de la Grande Loge de France.

Il faut par contre féliciter Alain-Noël Dubart et le Conseil Fédéral de l'époque où il était Grand Maître, d'avoir rénové la tombe de Gustave Mesureur qui tombait en ruine au Père Lachaise et qui est maintenant entretenue par la Grande Loge de France.

Michel Dumesnil de Gramont n'aura pas eu cette chance. C'est vraiment dommage. Et j'avoue que je le regrette amèrement.

Jean-Laurent Turbet

Compléments sur la famille de Michel Dumesnil de Gramont :

Pour une raison inexpliquée, les membres de la famille de Grammont perdaient un "m" de leur patronyme quand ils étaient exposés au public.

Ainsi, Louis de GRAMONT, grand Oncle de Michel DUMESNIL, romancier et auteur dramatique français...:

https://fr.wikisource.org/wiki/Auteur:Ferdinand_de_Gramont

Ainsi, Louis de GRAMONT, grand Oncle de Michel DUMESNIL, romancier et auteur dramatique français...: 

https://fr.wikisource.org/wiki/Auteur:Ferdinand_de_Gramont

 

Les parents Dumesnil
 

Michel Marie André DUMESNIL est le fils de Charles Louis Jean DUMESNIL et de Suzanne Marie  Zénaïde de GRAMMONT. 


À sa naissance, en 1888, son père est « industriel » alors qu’un an plus tôt, avant son mariage le 18 mars 1887, il est « dessinateur ». 

D’ailleurs il habite en 1887, 13, rue Joseph Dijon dans le 18ème arrondissement, à l’époque banlieue où personne ne veut résider ! 


Sa promise, Suzanne Marie Zénaïde de GRAMMONT habite quant à elle chez ses parents 104, rue d'Assas, dans le 6ème arrondissement. 
 

Belle promotion sociale pour Charles Louis Jean DUMESNIL, sans doute due à l’amour… 

de dessinateur il devient industriel, des pauvres quartiers du XVIIIe arrondissement il passe à la bourgeoisie de la rive gauche… Mais l’amour devait être le principal facteur car en effet, leur fils Michel étant né en mai 1888, il n’a pas été conçu avant le mariage de ses parents en mars 1887. 


Cinq ans après le mariage, le 27 février 1893, le divorce est néanmoins prononcé entre les époux. 


Les grands‐parents Dumesnil
 

Charles Louis Jean DUMESNIL le 10 février 1866 à Mantes‐la‐Jolie. Il était fils de Charles Alphonse DUMESNIL et de Marie Louise Jeanne Baptistine VILLETARD. 

Du côté du père nous trouvons des charpentiers de l’Eure, du côté de la mère des enfants des hospices de Paris… 

Cela reste à creuser mais il y a vraiment une forte propension à la misère sociale. 


Les grands‐parents de Grammont
 

Suzanne Marie Zénaïde de GRAMMONT est née le 24 novembre 1860 au 6, rue Vavin (VIe arrondissement) chez ses parents. Elle la fille de Ferdinand Léopold de GRAMMONT, « hommes de lettres » et de Marie Cécile Joséphine CORNEMUSE. 
 

GRAMMONT et CORNEMUSE s’étaient mariés le 3 novembre 1853 à Ville‐d'Avray (92). 

Ferdinand Léopold était le fils de Léopold Ferdinand de GRAMMONT, lieutenant colonel, et de Suzanne Gaudin. Il était né le 5 janvier 1812 dans l’île de Jersey.  

Au moment de son mariage, âgé de 41 ans alors que son épouse en avait 24, il demeurait 22, rue Royale dans le VIIIe arrondissement. 
 

Marie Cécile Joséphine CORNEMUSE était née le 20 mai 1829 à Lamballe (22), fille de Louis Antoine Ange CORNEMUSE, Général de division et de Joséphine COLINY. 
Conclusions de première étape.


Michel DUMESNIL n’a pas connu son père, divorcé de sa mère quand il avait 4 ans. Élevé par sa mère, 
il n’a pas connu sa grand‐ère maternelle décédé quand il avait 3 ans, ni son grand‐père mort quand il avait 9 ans. 


On voit un immense contraste social entre les branches paternelle et maternelle de son ascendance. 

Encore merci à Pierre-Valéry Archassal pour ces recherches généalogiques.

 

L'ascendance de Michel Dumesnil de Gramont, établie par Pierre-Valéry Archassal.

L'ascendance de Michel Dumesnil de Gramont, établie par Pierre-Valéry Archassal.

"Un ancien Grand Maître de la Grande Loge de France, Michel Dumesnil de Gramont", article anonyme dans PVI N°33, 2ème trimestre 1979

La Franc-Maçonnerie Écossaise de Antonio Cohen et Michel Dumesnil de Gramont.

 

 

 

Attention ! Cet article, comme tous les articles du "Bloc-Notes de Jean-Laurent sur les Spiritualités", (http://www.jlturbet.net/) est écrit en mon nom personnel.

Je ne parle ni au nom d'une association, ni d'un parti, ni d'une loge, ni d'une obédience maçonnique.

Mes propos n'engagent que moi et non pas
l'une ou l'autre de ces associations.

Je ne suis en aucune façon habilité à écrire au nom d'une association, d'un parti, d'une loge, d'une obédience maçonniqueTout ceci pour que cela soit bien clair, qu'il n'y ait aucune ambiguïté de quelque nature que ce soit.

Quelles que soient mes responsabilités - ou non -  présentes ou futures dans une organisation, les propos tenus dans cet article comme dans tous les articles de ce Bloc-Notes, sont exclusivement des opinions personnelles qui n'engagent que moi.

Je rappelle simplement que la liberté d’expression est en France un droit Constitutionnel, quelle que soit notre appartenance à une association de quelque nature que ce soit.

Dans son article 10, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen pose que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »

Dans l'article 11, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen pose aussi que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

Ces deux articles ont valeur constitutionnelle car le préambule de la Constitution de la Ve République renvoie à la Déclaration de 1789.

La Constitution et les Lois de la République Française s'appliquent sur l'ensemble du territoire national et s'imposent à tout règlement associatif particulier qui restreindrait cette liberté fondamentale et Constitutionnelle de quelque façon que ce soit.

Jean-Laurent Turbet

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