Que le président de la Fédération Protestante de France, le pasteur François Clavairoly a eu raison de répondre tout de suite aux propos tenus par la députée Marion Maréchal Le Pen :
« A l’occasion du discours tenu par Mme Marion Maréchal-Le Pen, dimanche 5 juillet à l’hippodrome du Pontet pour lancer sa campagne pour les élections régionales, je tiens à formuler sereinement mais fermement mon interrogation et ma réprobation.
Je m’interroge sur les intentions de Mme Maréchal-Le Pen qui, dans un discours public, en une même phrase, évoque la résistance de la Provence à l'invasion sarrasine, à la terreur révolutionnaire, à l'occupation allemande, et... à la Réforme protestante. Telle grossière association de la part d'une députée de la République française est non seulement scandaleuse mais irresponsable. Scandaleuse car elle crée de la confusion dans les esprits et irresponsable car elle divise et crée de la suspicion entre les citoyens.
Les propos de Mme Maréchal-Le Pen heurtent les protestants, notamment la mémoire de ceux qui ont contribué à la conquête de la liberté religieuse. En effet, la Réforme protestante participe en France comme en Europe et dans le monde entier à l'annonce de l'Évangile. Depuis cinq siècles elle prend part à la défense de la liberté, notamment religieuse, œuvre à l’exercice de la démocratie et soutient la laïcité, garante du pluralisme religieux.
La France fonde sa cohésion sociale sur les valeurs républicaines. Au nom de mes convictions protestantes et citoyennes, je dénonce la stratégie de division et de haine de l'autre mise en œuvre par le Front National.
Je souhaite donc que Mme la députée ne s'aventure pas dans une réécriture de l'histoire ni ne dévoie à ce point et dégrade les notions de résistance et d'identité par ses propos.
Les protestants de Provence et d'ailleurs attendent autre chose d'un représentant de la nation. »
Marion Marechal-Le Pen, député du Front national, au meeting de lancement de sa campagne pour les élections régionales, dimanche 5 juillet 2015. Le Pontet, Vaucluse. (BORIS HORVAT/AFP)
Qu’avait donc dit Marion Maréchal Le Pen députée du Vaucluse, le 5 juillet au Pontet dans son discours de lancement de campagne pour les élections régionales de décembre 2015 ?
« La Provence est une terre d’identité et de résistance. Résistance des princes provençaux face à l’invasion sarrasine, résistance face à la terreur révolutionnaire, face à la réforme protestante, face à l’occupant allemand, face au funeste projet de l’Union européenne en 2005 ». (Marion Maréchal-Le Pen, discours du Pontet, 5 juillet 2015).
Marion Maréchal Le Pen est par ces propos dans le droit fil de l’extrême-droite française au moins depuis l’affaire Dreyfus.
Ces « quatre états Confédérés », ces « quatre piliers de l’anti-France », définis par Charles Maurras dans son livre écrit en 1949 en prison (pour faits de collaboration avec les nazis) intitulé « Pour un jeune français » : Les protestants, les francs-maçons, les juifs et les métèques. Il s'agit là de la doctrine du Nationalisme intégral développée par Charles Maurras. Il est évident pour lui que ces "quatre états confédérés" ne peuvent en aucun cas faire partie de la nationa française.
L’anti-France ce sont d’abord des ennemis de l’intérieur et au premier chef les protestants, les « idées suisses » tant décriées par Maurras, celles qui mèlent les idées de Jean Calvin et de Jean-Jacques Rousseau dans une même détestation.
Pour l’extrême-droite maurrassienne, le début de la fin commence donc avec la Réforme. Après tout s’enchaîne…
La Franc-Maçonnerie en premier lieu, création des pasteurs protestants Désaguliers (anglican) et Anderson (presbytérien calviniste) en 1717 et l’entrée importante des juifs notamment dans la tradition écossaise.
Après Etienne Morin (qui a un certificat de baptême mais dont les spécialistes supposent une ascendance juive) créateur de l’Ordre du Royal Secret (ou rite de Perfection en 25 degrés), on trouve en ligne directe de délivrance des patentes Henri Andrew Francken (1764), Moses Hayes (1774), Barend Moses Spitzer (1785), Moses Cohen (1792) , Hyman Isaac Long (1794), sans compter Samuel Stringer (1769), Isaac da Costa (1783), Joseph Myers (1787), David Small (1783).
Rappelons aussi la liste des Gentlemen de Charleston, les fondateurs du 1er Suprême Conseil créé le 31 mai 1801 : John Mitchell, Barend Moses Spitzer, Frederic Dalcho, Alexandre de Grasse-Tilly, Jean-Baptiste de La Hogue, Thomas Bartholomeus Bowen, Emmanuel de la Motta, Isaac Auld, Israël de Lieben, Moses Clara Levy et James Moultrie. Les frères de confession israélite furent dès l'origine une composante importante de la franc-maçonnerie de Rite Ecossais Ancien et Accepté.
Et en France la figure tutélaire d’Adolphe Crémieux domine le 19ème siècle. Signataire du « décret Crémieux » de 1870 donnant la citoyenneté française aux juifs d’Algérie, il fut Souverain Grand Commandeur du Suprême Conseil de France, président de l’Alliance Israélite Universelle, ami de l’abbé Grégoire et avocat de talent.
Nous connaissons aussi l'action du Pasteur Frédéric Desmons au Grand Orient de France. Citons également les pasteurs Antoine Court de Gébelin, Jean-Paul Rabaut-Saint Etienne, et son frère Rabaut-Pommier, Jeanbon Saint André ; également les députés protestants francs-maçons comme Boissy d'Anglas ou Jean-Paul Marat. Citons aussi Jules Steeg, Eugène Réveillaud, Henry Pyt. En Belgique aussi des protestants ont été des maçons engagés, à l'image d'Eugène Goblet d’Alviella.
Nous voyons bien que nous sommes là au cœur du nœud de détestation de l’extrême-droite traditionnelle dont se réfère Marion Maréchal Le Pen et ses amis.
Nostalgiques de l'Etat Français du Maréchal Pétain, de la loi du 13 aout 1940 portant dissolution des « sociétés secrètes » (il est précisé peu après : « les associations dites Grand Orient de France et Grande Loge de France »), nostalgiques de la loi du 11 août 1941, une deuxième loi anti-maçonnique plus radicale encore, qui décrétait la publication au Journal officiel des noms des francs-maçons identifiés par le Service des sociétés secrètes et leur appliquait le Statut des Juifs.
Les lois anti-maçonniques publiées avant le statut des juifs. Le Maréchal Pétain ne disait-il pas : « Un juif n’est jamais responsable de sa naissance, un franc-maçon est toujours responsable de ses choix ».
Je pense moi à Michel Dumesnil de Gramont, Grand-Maître de la Grande Loge de France, socialiste, résistant de la première heure qui arrive à rejoindre Alger en 1943 pour soutenir le Général de Gaulle. C’est lui qui obtient l’annulation des décrets de Vichy contre la Franc-Maçonnerie.
Voici ce qu’il déclare devant le Convent de la Grande Loge de France en 1945 :
« ... Lorsque je débarquai à Alger à l'automne 1943, j'appris avec stupéfaction que les lois et mesures anti-maçonniques de Vichy n'avaient pas été abrogées. Ainsi à s'en tenir à la lettre des textes, la reconstitution des Loges et des Obédiences demeurait interdite... Je manifestai au Commissaire de l'Intérieur mon étonnement, pour ne pas dire mon indignation. Le Commissaire me répondit que les Maçons pouvaient se réunir comme il leur plaisait et que personne ne viendrait troubler ni incriminer leur Assemblée.
D'accord avec nos Frères les plus expérimentés de nos Loges d'Afrique du Nord, je rejetai catégoriquement cette solution hypocrite... Il ne s'agissait pas de rentrer dans la cité reconquise par une porte dérobée... au contraire, c'était au grand jour et avec la consécration des textes officiels que nos Loges devaient reprendre leurs travaux.
Je n'entrerai pas ici dans le détail des démarches qu'il me fallut faire pour arriver à ce résultat. Qu'il me suffise de rappeler que le 15 décembre 1943, une Ordonnance conforme en sa rédaction à tout ce que nous avions demandé, annulait la Loi de Vichy sur les Sociétés dites secrètes et prescrivait la restitution de leurs biens... ».
Merci à Michel Dumesnil de Gramont d’avoir « libéré » la Maçonnerie Française tout entière et de lui avoir rendu son honneur et sa dignité.
Je pense à Félix Eboué, franc-maçon de la Grande Loge de France qui donnera son premier territoire à la France libre, l’Afrique Equatoriale Française.
Je pense à Pierre Brossolette (GLDF), à Jean Zay (GODF) entrés ensemble au Panthéon…
Je pense au Chambon-sur-Lignon. À partir de 1940, le pasteur en titre de la paroisse André Trocmé et sa femme Magda (photo ci-contre), s'attachent à sauver des citoyens juifs, menacés par le régime du maréchal Pétain d'être envoyés dans les camps de concentration. Tous deux poussèrent les villageois (essentiellement des protestants dont la mémoire de leur propre persécution est encore vive) à les accueillir dans leurs maisons et dans les fermes des alentours, ainsi que dans des institutions publiques. Un autre pasteur, Édouard Theis, directeur du collège Cévenol, accueille aussi bien des professeurs que des enfants juifs. À l'approche des patrouilles nazies, les personnes hébergées partaient se cacher dans la campagne en dehors du village. Après leur départ, les habitants allaient dans les bois en chantant une certaine chanson pour prévenir les Juifs que le danger était écarté.
Plusieurs milliers de juifs, essentiellement des enfants, eurent la vie sauve grâce à l’action des pasteurs et de la population, essentiellement protestante. En 1990, le gouvernement israélien reconnut toute la région et ses habitants comme « Justes parmi les nations » pour leur action humanitaire et leur bravoure face au danger. Un jardin et une stèle honorent la région du Chambon au mémorial de Yad Vashem. C'est la seule collectivité, avec le village néerlandais de Nieuwlande, à avoir reçu cet honneur.
Alors oui les paroles précises et pensées de Marion Maréchal Le Pen, « Nationaliste intégrale », résonnent de façons claires en nous.
Le Front National est bien aujourd’hui – et par la voix de l’une de ses plus jeunes dirigeantes – conforme à ce qu’il a toujours été.
C’est pourquoi ceux qui sont à la fois spiritualistes et humanistes, protestants, juifs, francs-maçons, les métèques - ces fameux « états confédérés de l’Anti-France » en premier lieu - ne sont pas dupes et savent bien ce qu’il faut faire devant ces idées nauséabondes issues sur fond des âges de l’extrême-droite d’aujourd’hui et de toujours : les combattre.
Jean-Laurent Turbet
Attention ! Cet article, comme tous les articles du "Bloc-Notes de Jean-Laurent sur les Spiritualités", (http://www.jlturbet.net/) est écrit en mon nom personnel.
Je ne parle ni au nom d'une association, ni d'un parti, ni d'une loge, ni d'une obédience maçonnique.
Mes propos n'engagent que moi et non pas l'une ou l'autre de ces associations.
Je ne suis en aucune façon habilité à écrire au nom d'une association, d'un parti, d'une loge, d'une obédience maçonnique. Tout ceci pour que cela soit bien clair, qu'il n'y ait aucune ambiguïté de quelque nature que ce soit.
Quelles que soient mes responsabilités - ou non - présentes ou futures dans une organisation, les propos tenus dans cet article comme dans tous les articles de ce Bloc-Notes, sont exclusivement des opinions personnelles qui n'engagent que moi.
Je rappelle simplement que la liberté d’expression est en France un droit Constitutionnel, quelle que soit notre appartenance à une association de quelque nature que ce soit.
Dans son article 10, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »
Dans l'article 11, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose aussi que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »
Ces deux articles ont valeur constitutionnelle car le préambule de la Constitution de la Ve République renvoie à la Déclaration de 1789.
La Constitution et les Lois de la République Française s'appliquent sur l'ensemble du territoire national et s'imposent à tout règlement associatif particulier qui restreindrait cette liberté fondamentale et Constitutionnelle de quelque façon que ce soit.
Jean-Laurent Turbet
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