« Les deux plus anciennes loges de France pourraient être deux loges arrivées à Saint-Germain-en-Laye en 1689 dans les bagages, si je puis dire, des régiments de la garde de Jacques II, La Parfaite Egalité, loge du régiment de la Garde irlandaise du colonel Lord William Dorrington et La Bonne Foi, loge du Régiment écossais du colonel Dillon, mais les éléments décisifs de preuve manquent.
Le 24 octobre 1776, la loge La Parfaite Egalité, dont le régiment est alors sous les ordres du Colonel Comte de Walsh-Serrant et stationne à Bapaume demande au Grand Orient de France une régularisation de sa constitution. Le 13 mars 1777 le Grand Orient admet que ses constitutions primitives datent du 26 mars 1688, époque où le régiment se battait pour Jacques II Stuart (photo) en Irlande, et qu'elles ont été renouvelées par la Grande Loge de France le 9 octobre 1772.
Nous n'avons malheureusement pas les documents sur lesquels fut fondé cette décision, mais il y a là au minimum une forte présomption que La Parfaite Egalité soit la plus ancienne loge introduite sur le sol français, puisque son régiment débarqua à Brest le 9 octobre 1689 sous les ordres du Colonel Lord William Dorrington et tint garnison à Saint-Germain-en-Laye jusqu'en 1698 ».
C’est ce que nous dit Louis Trébuchet dans son ouvrage magistral et indispensable « De l'Ecosse à l'écossisme » (tome 1 page 116).
Ainsi donc, les premières loges maçonniques françaises seraient pré-andersonniennes, d’essence catholique (mâtinées de protestantisme), stuartistes et non pas issues de la Grande Loge de Londres et de Westminster créée en 1717, dont nous avons connaissance par James Anderson dans son livre des Constitutions écrit en 1723.
Cette Grande Loge se concevait clairement comme l’une des principales associations de soutien à la nouvelle monarchie hanovrienne mise en place après l’éviction des Stuarts. Son principal instigateur fut Jean-Théophile Désaguliers, membre de la Royal Society et principal collaborateur d’Isaac Newton.
Les francs-maçons français avaient déjà décidé de reconnaître dès 1728 un « grand maître des francs-maçons en France » en la personne de Philippe Duc de Wharton (1698-1731), qui séjourna à Paris et à Lyon de 1728 à 1729, et qui avait déjà été, en 1723, grand maître de la Grande Loge de Londres, celle de Désaguliers.
Après lui, et avant que ne soit fondée une obédience française, il y eut au moins deux autres grands-maîtres jacobites en France : James Hector MacLean (1703-1750) puis Charles Radcliffe, Comte de Derwentwater (Photo) (1693-1746), élu « grand-maître de l'Ordre des francs-maçons dans le royaume de France » le 27 décembre 1736.
L’abandon du soutien de la France à la cause stuartiste et le désir de Louis XV de ne pas avoir de problème avec le cabinet Saint-James feront que cette influence disparaîtra partiellement avec l’élection de Louis de Pardaillan de Gondrin, duc d'Antin, comme « grand maître général et perpétuel des maçons dans le royaume de France » en 1740 et surtout avec celle Louis de Bourbon-Condé, comte de Clermont, prince du sang qui est élu par une assemblée de seize maîtres « grand maître de toutes les loges régulières de France » le 11 décembre 1743.
Une maçonnerie française, différente de celle d’Angleterre est pourtant bien née grâce à eux.
Mais petit flash-back historique sur l’Angleterre pour mieux comprendre.
En 1649 Charles 1er Stuart, qui a succédé à son père Jacques 1er sur le trône d’Angleterre et d’Ecosse, est décapité par ordre du parlement anglais.
Son fils aîné, Charles II (photo) est couronné roi d’Ecosse par ses fidèles, à Scone le jour de l’an 1751, mais il devra s’exiler en Europe dès 1752 sous la pression militaire du Général Oliver Cromwell.
La monarchie est alors abolie en Angleterre et une république appelée Commonwealth d'Angleterre fut instaurée avec Oliver Cromwell à sa tête.
Après la mort de Cromwell, le Général Monck, gouverneur militaire de l’Écosse, organisera la restauration de Charles II Stuart sur le trône d’Angleterre et d’Écosse en 1660.
A sa mort en 1685, son frère lui succède sous le titre de Jacques II Stuart. Jacques II a eu le tort de se convertir au catholicisme, et force est de constater qu’il n’a ni le charisme, ni l’habileté politique de son frère aîné. Il sera renversé par « la glorieuse révolution », initiée par les protestants anglais et les presbytériens écossais, qui porteront sur le trône sa fille Mary et son époux Guillaume d’Orange, invités à venir « sauver les lois et la religion d’Angleterre ».
Jacques II est contraint à l’exil, et Louis XIV met à sa disposition le château de Saint Germain en Laye, où il s’installera avec sa cour et les régiments de sa garde Irlandaise au début de 1689. Nombreux seront les fidèles écossais et irlandais qui le suivront en exil en France. Jacques II va rester à Saint Germain-en Laye treize ans...
Les partisans des Stuarts sont appelés « Jacobites » en référence à Jacques II, « Jacobus » en latin. Les jacobites sont les partisans de Jacques II Stuart.
Encore un flash back :
En 1670, sous le règne de Charles II, dans les colonies anglaises du Nouveau Monde, les amériques, est fondée Charles Towne dans la colonie de Caroline (qui se séparera ensuite entre Caroline du Nord et Caroline du Sud).
Charles Towne, qui deviendra vite Charleston est appelée ainsi par Charles II en hommage à son père Charles 1er Stuart, exécuté comme nous l’avons vu.
Il en est de même pour la colonie de Caroline (qui vient de Carolus, Charles).
Le 1er mai, le capitaine Jean Ribault, secondé par René de Goulaine de Laudonnière, remonte le cours de la rivière St. John peuplé de populations Timucuan. Il arrive avec plusieurs navires et 150 hommes pour établir une colonie huguenote. Charleston se nomme ainsi en mémoire des huguenots français qui fondèrent Charlesfort (en l'honneur du roi Charles IX de France) à partir du 15 mai 1562, date à laquelle débarquent Jean Ribault et René de Goulaine de Laudonnière qui pour fonder une colonie huguenote.
Français, anglais, écossais, américains, huguenots, catholiques : tout était en place pour être un terreau fertile à l’éclosion de la maçonnerie écossaise.
En effet c’est dans cette bonne ville de Charleston qu’est créé le 31 mai 1801 à la Shepheard's Tavern (dessin) le premier Suprême Conseil des Souverains Grands Inspecteurs du 33ème degré : avec les neuf premiers frères : John Mitchell, Frederic Dalcho, Barend Moses Spitzer, Alexandre de Grasse-Tilly (photo), Jean-Baptiste de La Hogue, Thomas Bartholomeus Bowen, Emmanuel de la Motta, Isaac Auld, Israël de Lieben, Moses Clara Levy et James Moultrie.
Certains se sont interrogés sur la date du 31 mai car c'était un dimanche, jour où les loges ne se réunissaint pas à l'époque et qui est un jour où l'on ne travaille pas.
De plus le Révérend Frédérick Dalcho, né en Angleterre, était Recteur Assistant de l'Eglise épiscopalienne Saint-Michel de Charleston.
Le 31 mai a peut-être été choisie comme date symbolique. C'est en effet le 31 mai que l'on célébrait l'accession au trône en 1740 de Frédéric II, Roi de Prusse (1712-1786). Nous savons le rôle de fugure tutélaire du Rite Ecossais Ancien et Accepté tenu par Frédéric II qui aurait signé les Grandes Constitutions de 1786 - dites de Berlin - fondatrices du rite.
Surtout qu’en 1799, Grasse-Tilly avait quitté la Loge La Candeur, de la Grande Loge des Modernes, pour rejoindre, avec Dalcho et Mitchell la Grande Loge des Antients York Maçons.
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Ce rite créé à Charleston est directement inspiré du génie français et doit tout à la Grande Loge de France.
A partir de 1750, la Grande Loge s’est trouvée de plus en plus dirigée de fait par des frères de la filière écossaise des Chevaliers de l’Orient, qui produira le Chevalier du Soleil et le Prince de Jérusalem, ce qui conduira d’ailleurs à des frictions à partir de 1760, puis à la crise de 1767, directement à l’origine de la scission de 1773.
La patente accordée à Etienne Morin le 27 août 1761 est signée, « sous le bon plaisir de Son Altesse Sérénissime et Très Illustre Frère Louis Bourbon, comte de Clermont, (photo) prince du sang, Grand Maître et protecteur de toute les Loges régulières » par les officiers de la loge du Grand Maître et par les frères qui constituent l’état-major de la Grande Loge de France, les uns et les autres tous Chevaliers de l’Orient, avec en tête Chaillon de Jonville « Substitut Général de l’Ordre…, chef des grades éminents, Commandeur et Sublime Prince du Royal Secret ».
Lorsqu’il appareille de Bordeaux en mars 1762 « en qualité de Grand Inspecteur dans toutes les parties du Nouveau Monde » avec pouvoir « d’établir dans toutes les parties du monde la parfaite et sublime maçonnerie », 28 des 33 grades du futur Rite Ecossais Ancien et Accepté sont attestés en France.
Deux autres le seront en 1766, un autre en 1768, l’avant dernier en 1776, et le dernier, Grand Inspecteur Général, ne sera semble-t-il que la transformation en grade de la fonction attribuée à Etienne Morin.
Même si le terme de Rite Ecossais Ancien et Accepté n’apparait qu’en 1804, en même temps que l’unification de ses rituels symboliques autour du rituel des Anciens, la Grande Loge de France d’avant 1773 a vécu sous la prégnance de ces hauts grades et des frères de ces grades qui la dirigeaient de fait.
On comprend que les loges écossaises rétives au décret restrictif de 1802 pris par le Grand Orient de France - qui souhaitait imposer à toutes ses loges le Rite Français et qui souhaitait bannir de sa matricule les loges qui utilisaient encore les anciens rituels écossais - ont accueilli à bras ouverts (et dans leurs locaux!) le Comte Auguste de Grasse de Rouville, Marquis de Tilly (photo) venant réveiller en France cette prégnance en même temps que leur passé.
Un retour aux sources en quelque sorte !
Le Suprême Conseil de 1804 (qui cessera presque toute activité en 1815 après la chute de l’Empire) sera réinstallé en 1821 par sa fusion avec le Suprême Conseil des Iles du Vent et sous le Vent, créé en 1802 par de Grasse Tilly qui lui donne ses pouvoirs. Le Suprême Conseil de France, « gardien protecteur et conservateur du Rite », et second Suprême Conseil du monde, est le seul héritier en droite ligne en France du Suprême Conseil de Charleston de 1801.
Nous voyons bien là la filiation, non seulement historique mais spirituelle et conceptuelle entre les stuartistes jacobites, l’Irlande et l’Ecosse, l’Ecossisme, les Anciens, la France – hexagonale et extra hexagonale – le foisonnement des grades, la fusion dans le creuset du Rite Ecossais Ancien et Accepté de traditions souvent disparues – alchimie, cabale, gnose chrétienne, geste templière…
Quand aux loges symboliques écossaises elle furent successivement ou parallèlement sous l'obédience de mères loges écossaises, de la Grande Loge de France (1743-1799), de la Grande Loge Générale Ecossaise (1804), de la Grande Loge Centrale du SCDF (1821), de la Grande Loge Symbolique Ecossaise (1880- 1896-1911), de la Grande Loge de France (depuis 1894). Quelles que soient les appelations différentes au fil du temps et au gré des événements, il s'agit bien d'une même continuité.
Ce courant d’une maçonnerie originale (dans tous les sens du terme !), spiritualiste, qui a su puiser à de multiples sources traditionnelles, et qui se situe indéniablement à équidistance de la maçonnerie désagulienne moderne du GODF (une maçonnerie « inventée » par Désaguliers selon le mot – fort juste – de Roger Dachez, à vocation politique dès l’origine) que de la maçonnerie anglaise et anglo-saxonne qui n’a forgé que récemment des principes recteurs. Une Maçonnerie qui travaille à la Gloire du Grand Architecte de l'Univers, Principe Créateur, le Volume de la Loi Sacrée ouvert sur l'autel des Serments au prologue de l'Evangile de Jean; une maçonnerie qui n'a pas peur de la trancendance ni d'une certaine verticalité.
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Obédience (Grande Loge de France) et Juridiction (Suprême Conseil de France) ont chacun leur domaine de compétence et les deux structures sont totalement indépendantes et souveraines. Elles doivent agir de concert pour la bonne harmonie du Rite. Elles boivent à la même source traditionnelle. Le Suprême Conseil de France est la première juridiction de Hauts Grades du REAA en Europe continentale (avec 9000 frères) et la Grande Loge de France est la deuxième obédience maçonnique française (avec 33 000 frères).
Qu’ils s’appellent Robert Moray, Elias Ashmole, James Hector MacLean, Charles Radcliffe, André-Michel de Ramsay, Laurence Dermott, Etienne Morin, Henry Andrew Franken, Frédéric II de Prusse, Abraham Alexander, John Mitchell, Frederic Dalcho, Alexandre de Grasse-Tilly, Jean-Baptiste de La Hogue, François Kellermann, Gilbert de Lafayette, Bernard Lacépède, Albert Mackey, Albert Pike, Comte Cyrus de Valence, Comte Louis-Philippe de Ségur, Duc Elie Decazes, Comte Louis-Joseph de Fernig, Jean-Emile Daruty, Horace Vernet, Jean-Pons Viennet, Jules Simon, Adolphe Crémieux, Jean-Marie Raymond, Gustave Mesureur, Louis Proal, Elie May, Emile Thirifocq, Oswald Wirth, Jules Boucher, Albert Lantoine, René Guénon, Louis Doignon, Pierre Brossolette, Michel Dumesnil de Gramont, Yves Marsaudon, Edouard E. Plantagenêt, René Raymond, Antonio Coen, Georges Chadirat, François Collaveri, Paul Naudon, Richard Dupuy, Pierre Simon, Michel de Just, Henri Tort-Nouguès, Albert Chevrillon, Guy Piau, Jean-Louis Mandinaud, Claude Gagne, Jean-Claude Bousquet, Michel Piquet, Georges Komar, Alain Bernheim, Alain Pozarnik, Alain Graesel, Louis Trébuchet, Alain-Noël Dubart, Paul Veysset, Hubert Greven, Marc Henry, Claude Collin et tant d’autres procèdent – quelle que soient leurs options personnelles - de la même tradition initiatique, de ce même flux spirituel et symbolique qui a su transcender les époques et les contingences historiques pour nous parvenir aujourd’hui dans la plénitude de son pouvoir de vie.
Cette formidable aventure de la maçonnerie écossaise, qui fut avant tout une formidable aventure humaine.
Et qui s’adresse donc évidemment à l’homme du 21ème siècle qui cherche à trouver un sens dans sa quête spirituelle et dans son chemin personnel, auprès d’un Ordre Initiatique Traditionnel, fondé sur la Fraternité.
Jean-Laurent Turbet
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La Grande Loge de France de Alain Graesel
Evolution historique et philosophique du Rite Ecossais Ancien et Accepté, par Michel Piquet.
Le Rite Écossais Ancien et Accepté par Albert Chevrillon.
La Tradition du Rite Écossais Ancien et Accepté par Hubert Greven.
Attention ! Cet article, comme tous les articles du "Bloc-Notes de Jean-Laurent sur les Spiritualités", (http://www.jlturbet.net/) est écrit en mon nom personnel.
Je ne parle ni au nom d'une association, ni d'un parti, ni d'une loge, ni d'une obédience maçonnique.
Mes propos n'engagent que moi et non pas l'une ou l'autre de ces associations.
Je ne suis en aucune façon habilité à écrire au nom d'une association, d'un parti, d'une loge, d'une obédience maçonnique. Tout ceci pour que cela soit bien clair, qu'il n'y ait aucune ambiguïté de quelque nature que ce soit.
Quelles que soient mes responsabilités - ou non - présentes ou futures dans une organisation, les propos tenus dans cet article comme dans tous les articles de ce Bloc-Notes, sont exclusivement des opinions personnelles qui n'engagent que moi.
Je rappelle simplement que la liberté d’expression est en France un droit Constitutionnel, quelle que soit notre appartenance à une association de quelque nature que ce soit.
Dans son article 10, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »
Dans l'article 11, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose aussi que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »
Ces deux articles ont valeur constitutionnelle car le préambule de la Constitution de la Ve République renvoie à la Déclaration de 1789.
La Constitution et les Lois de la République Française s'appliquent sur l'ensemble du territoire national et s'imposent à tout règlement associatif particulier qui restreindrait cette liberté fondamentale et Constitutionnelle de quelque façon que ce soit.
Jean-Laurent Turbet
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