Six obédiences maçonniques françaises qui se définissent elles-mêmes comme obédiences de la Franc-maçonnerie libérale et adogmatique, avaient donné rendez-vous à la presse le mercredi 23 janvier 2013.
Il s’agit du Grand Orient de France (GODF), de la Fédération Française du Droit Humain (DH), de la Grande Loge Féminine de France (GLFF), de la Grande Loge Mixte Universelle (GLMU), de la Grande Loge Mixte de France (GLMF) et de laGrande Loge Féminine de Memphis-Misraïm (GLFMM).
Ces obédiences étaient représentées au plus haut niveau par leurs Grands-Maîtres, Grandes-Maîtresses ou Présidents. José Gulino (GODF), Jacques Samouelian (DH), Catherine Jeannin-Naltet (GLFF), Guy Roman (GLMU), François Padovani (GLMF) et Nicole François (GLFMM).
C’est logiquement José Gulino (GODF) qui a ouvert les débats. Tout d’abord en indiquant aux journalistes présents que ce sera l’occasion pour eux de connaître le programme des obédiences présentes pour les mois à venir.
Il a immédiatement après lancer un appel à l’unité de la Franc-Maçonnerie Française (FMF). En rappelant que la Franc-Maçonnerie Française est unie. Qu’elle l’est dans cette salle avec les six obédiences présentes mais même au-delà avec les obédiences qui ne sont pas présentes.
José Gulino a poursuivi en disant que l’unité doit prévaloir même s’il sait que certaines obédiences ont des spécificités par rapport aux engagements sociétaux. Il souligne que la démarche des six obédiences aujourd’hui est une démarche d’union et qu’il n’est pas question de rejet des autres, des obédiences qui ne sont pas présentes. Il souligne également que la Franc-Maçonnerie Française compte plus d’obédiences que les six présentes aujourd'hui.
Il précise d’emblée pour les journalistes qui vont lui poser ensuite des questions d’actualité qu’il y a le temps médiatique, le temps politique et le temps maçonnique : pour celui-ci cela signifie le temps du recul et de la réflexion qui est un temps absolument nécessaire en Franc-Maçonnerie.
.De gauche à droite : Catherine Jeannin-Naltet (GLFF), Jacques Samouelian (DH), José Gulino (GODF), François Padovani (GLMF), Guy Roman (GLMU) et Nicole François (GLFMM).
Jacques Samouelian (DH) souscrit à ce que vient de dire le Grand-Maître du GODF en insistant sur le fait qu’il faut resserrer les liens entre toutes les obédiences maçonniques françaises. Il se réjouit que toutes les obédiences françaises (GODF, GLDF, GLFF, GLTSO, GLFMM, LNF, GLMU, OITAR et GLMF) qu’elles soient traditionnelles et régulières ou libérales et adogmatiques aient accepté de participer au grand Colloque sur la Fraternité que le DH organise le samedi 2 mars 2013 dans les salons d’honneur de la Mairie de Paris.
Jacques Samouelian rappelle que le DH souhaite l’union des franc-maçonnes et des francs-maçons et que celle-ci continue d’être une réalité dans le paysage maçonnique français.
Catherine Jeannin-Naltet (GLFF) indique qu’elle fait de nombreux déplacements en province et que ce qui la marque c’est l’union des frères et sœurs en régions loin des querelles des états-majors parisiens. Les frères et sœurs du GODF, de la GLDF, du DH et de la GLFF vivent en harmonie en province. Les frères et sœurs continuent de travailler ensemble et les frères de toutes obédiences sont nombreux sur les colonnes lors de tenues des loges de la GLFF en Province.
Elle souligne que le vœu le plus cher des 6 obédiences réunies aujourd’hui est de ne pas perdre une partie de ce qui constitue la Franc-Maçonnerie Française (en clair la GLDF, la GLTSO et la LNF). Elle souligne que l’originalité de la FMF depuis le 19ème siècle a été l’initiation des femmes.
Jacques Samouelian en vient au projet de confédération des Grandes Loges Régulières et Traditionnelles. Pour lui, si cette confédération permet une ouverture, sans perdre les relations avec la FM française alors ce sera une avancée considérable. « Leur initiative de Régularité, nous ne la rejetons pas » souligne-il avec force, mais « nous n’imaginons pas qu’il puisse y avoir une ruprure des liens entre nous sur le terrain ». Pour Jacques Samouelian, le DH prône « le maintien des liens sacrés » entre les obédiences de la Franc-Maçonnerie Française.
Catherine Jeannin-Naltet, pour appuyer ces propos, rappelle que le 8 décembre dernier elle était avec Jacques Samouelian pour le DH et avec Marc Henry pour la GLDF aux 200 ans de la Loge La Jérusalem Ecossaise et que cette loge est à l’origine de la naissance de leurs trois obédiences, même si la Jérusalem Ecossaise est une loge de la GLDF. Elle souligne avec force que la GLDF, la GLFF et le DH ont leur origine commune.
Guy Roman (GLMU) intervient pour rappeler que le 23 octobre dernier les déjeuners des grands maîtres des 9 obédiences de la FM française avaient repris après quelques mois de battements. Ils souhaitent que les Grands-Maîtres de toutes les obédiences puissent continuer à se retrouver.
François Padovani (GLMF) qui vient juste d’être élu, souhaite que les 6 obédiences réunies ce jour travaillent encore plus ensemble qu’auparavant
Michel Padovani (GLMF) et Nicole François (GLFMM).
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Catherine Jeannin-Naltet indique aux journalistes présents que ce qui unit les 6 obédiences présentes c’est la présence des femmes parmi elles. A la question posée de la place des femmes dans les diverses obédience chaque responsable avance ses chiffres.
- A la GLMF il y a 4200 membres avec 52% de femmes.
- A la GLMU il y a 1600 membres avec 52% de femmes également.
- Au DH toutes les loges sont mixtes : il y a près de 17000 membres (16800) avec 2/3 de femmes et 1/3 d’hommes, proportion qui reste stable depuis des années.
- A la GLFF il y a 14 000 membres qui sont toutes des femmes.
- A la GLFMM, créée en 1965, il y a 1400 membres qui sont toutes des femmes.
- Au GODF il y a 52 000 membres dont 1200 sœurs. Un tiers des loges du GODF ne souhaitent pas encore initier de femmes. Le Grand-Maître fait remarquer que c’est un peu plus de 2% de l’effectif seulement.
Il n’en reste pas moins que 1200 femmes initiées ou intégrées (en provenance d’une autre obédience mixte ou féminine) en 2 ans c’est un chiffre extrêmement important.
Cela ne semble pas inquiéter les responsables des 5 autres obédiences présentes. Jacques Samouelian comme Catherine Jeannin-Naltet affirment en chœur que l’ouverture aux femmes du GODF n’a rien changé et que les départs de sœurs de leurs obédiences respectives vers le GODF ne concernent qu’environ 30 à 40 sœurs par an.
François Padovani (GLMF) surenchérit même. Il reconnait que 56 sœurs ont migré vers le GODF mais, dit-il « le GODF est un grand frère qui nous aide et ne veut pas nous manger » (des observateurs taquins ont pu remarquer la moustache frémissante et l’œil brillant de José Gulino à cet instant…).
Jacques Samouelian (DH), Catherine Jeannin-Naltet (GLFF), José Gulino (GODF), Guy Roman (GLMU), Michel Padovani (GLMF).
A une question d’une journaliste, Catherine Jeannin-Naltet souligne que pour la GLFF le travail entre femmes exclusivement est « un choix de pure liberté ». Si les sœurs de la GLFF reçoivent parfois les frères et si des travaux communs sont faits, « la partie purement initiatique se vit entre femmes »
Jacques Samouelian quant à lui réaffirme qu'en France il doit continuer à y avoir trois pôles : Des obédiences où il y a la mixité, des obédiences où les femmes travaillent entre elles et des obédiences où les hommes travaillent entre eux. "Même si cela paraît paradoxal dans la bouche du président du DH, 1ère obédience mixte depuis 1893, cette liberté de choix est essentielle et doit demeurer".
José Gulino explique également que l’arrivée des femmes n’a pas changé et ne changera pas les fondamentaux, les bases et les pratiques du Grand Orient de France. Au GODF aussi le principe est la liberté. Les frères choisissent librement d’initier, ou non, les femmes. Il y a 5 rites différents au GODF ce qui permet la pluralité des démarches.
Sur la Confédération des Grandes Loges Régulières, José Gulino indique que les obédiences ont parfaitement le droit de s’organiser comme elles le souhaitent. A ce titre il ne commentera pas ce qui est en train de se passer. « Si cette confédération doit voir le jour elle le verra » dit-il sobrement. Tout en précisant immédiatement qu’il veillera à ce que cette Confédération « n’ait pas d’impact sur la vie de tous les frères et de toutes les sœurs sur le terrain ». Il souhaite en effet garder l’unité des frères et des sœurs à la base.
Vient ensuite la question brulante d’actualité et la position des obédiences sur la manifestation prévue dimanche 27 janvier 2013 en faveur du mariage pour tous.
Guy Roman prend immédiatement la parole pour dire que la GLMU est pour l’instant la seule obédience a avoir appelé clairement en tant que telle a aller manifester dimanche. Il donne d’ailleurs le tract de la GLMU qui sera distribué pendant la manifestation (le lire ici).
José Gulino indique que le GODF prendra position officiellement vendredi après la réunion du Conseil de l’Ordre. José Gulino, admet toutefois que les relations du GODF avec l'actuel gouvernement socialiste sont meilleures que sous l'ère Sarkozy. Guy Roman de la GLMU approuve. .
Catherine Jennanin-Naltet répond que le choix de manifester ou non relève de la conscience de chacune. L’obédience en tant que telle n’appellera donc pas à manifester. Si des sœurs de la GLFF sont présentes dans le cortège dimanche, elles le seront à titre individuel – même si elles portent leurs décors – et n’engagent pas la GLFF.
François Padovani indique que la GLMF laisse chaune et chacun libre de manifester mais que l’obédience ne donne pas de mot d’ordre.
Jacques Samouelian rappelle aussi que le DH laisse les sœurs et les frères libres de manifester ou non, sans que l’obédience en tant que telle ne se prononce. Il rappelle que la FM a besoin de temps pour se prononcer sur des sujets aussi importants. Le temps de la réflexion sur le projet lui-même comme sur ses conséquences. Car, que les conséquences soient positives ou négatives, elles existeront. Et le rôle des maçonnes et des maçons est de travailler sur le fond des sujets, en prenant le temps de la réflexion et que le travail sur un tel sujet, avant d’arriver à une position majoritaire voire unanime et à des propositions constructives prendra certainement plusieurs années.
Jacques Samouelian demande que ce débat sur le mariage pour tous, l’adoption comme sur la PMA et la GMA ne soit pas pollué par les déclarations des religions. Il s’agit ici du mariage civil.
Aux journalistes qui font remarquer que même sur ce sujet les 6 obédiences présentes n’ont pas de position commune José Gulino répond que « l’on pourrait imaginer que le monde maçonnique ait une vision unique. Je n’y suis pas favorable ». Chacun doit agir avec sa sensibilité et son histoire.
Par contre il souhaite en effet moderniser les relations entre les 6 obédiences présentes pour parfois harmoniser les positions et réagir plus rapidement lorsque l’actualité l’exige.
Catherine Jeannin-Naltet (GLFF) et José Gulino (GODF).
A une journaliste qui lui demande d’expliquer le paysage maçonnique français, José Gulino répond en expliquant que tout vient de la crise puis de la perte de reconnaissance de la Grande Loge Nationale Française par la Grande Loge Unie d’Angleterre. Après l’appel de Bâle des 5 grandes loges régulières européennes, 5 obédiences françaises travaillent sur les concepts de la régularité. La mise en place de la future Confédération des Obédiences Régulières françaises aura peut-être un impact entre les 5 obédiences régulières et les 6 obédiences libérales. Il ne le souhaite pas. Mais il pense aussi qu’il faut prendre du temps : qu’en sera-t-il dans 3 ou 4 ans ? La GLNF pacifiée peut se remettre et retrouver la reconnaissance anglaise. « Il faut garder de la sérénité et une certaine forme de recul », dit-il.
Avant de se séparer, chaque obédience donne les programmes de leurs futures conférences et travaux (nous en reparlerons en temps et en heure sur ce bloc-notes).
Juste avant de partir Jacques Samouelian annonce que le DH accueillera rue Pinel les vœux communs des neuf obédiences françaises (GODF, GLDF, DH, GLFF, GLTSO, GLMF, GLMU, GLFMM) mardi 29 janvier prochain.
A suivre donc.
Jean-Laurent Turbet
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