La situation semble, malheureusement, toujours empirer à la Grande Loge Nationale Française.
Samedi 3 décembre dernier avait lieu, au gymnase Marcel Cerdan de Levallois-Perret, la tenue de Grande Loge annuelle de la GLNF.
Au cours de cette tenue, le Grand Maître actuel et fortement contesté François Stifani, a été longuement conspué par un nombre important de participants. (Des vidéos circulent sur les blogs donc vous pouvez les trouver facilement, mais je ne diffuserais pas ici des images d'une tenue maçonnique). Des mots comme "démission" fusèrent.
Il y avait environ 2000 participants sur 4000 places disponibles. Aucune délégation d'obédiences maçonniques étrangères importantes n'était présente (c'est ce qui faisait la "force" de la GLNF).
Pour couronner le tout, les participants ont été accueillis par plusieurs centaines de frères de la GLNF "en rupture de ban".
En effet cela fait bientôt deux ans que la révolte puis la révolution gronde au sein de la GLNF et la situation devient totalement anarchique.
La situation a tellement dégénéré que cette dégénérescence même rejailli sur l'ensemble des francs-maçons français.
En effet, il est souvent titré "crise chez les francs-maçons" sans préciser qu'il s'agit de la seule GLNF. Et entre GLNF et GLDF par exemple , il faut être initié et spécialiste pour faire la différence.
Bref, la crise sans précédent qui secoue la Grande Loge Nationale Française retombe sur l'ensemble des obédiences, des frères (et des soeurs).
La Grande Loge Unie d'Angleterre (GLUA), en vertue de ses "basic principles" édictés en 1929, ne connait qu'une seule obédience maçonnique en France, la Grande Loge Nationale Fraçaise.
Compte-tenu des difficultés actuelles de la GLNF, la GLUA vient de lui retirer justement cette reconnaissance (à l'instar de ce qu'ont fait l'ensemble des Grandes Loges européennes). Or, la "force" de la GLNF était de donner accès à ses membres aux millions de frères anglais et américains qui sont dans l'orbite de la GLUA. Aujourd'hui s'en est terminé.
C'est pourquoi en leur noms propres, sans engager leurs obédiences respectives, ni la Franc-Maçonnerie en général, trois éminents frères ont pris leur plume pour écrire à Alan Englefield qui est le Grand Chancelier (le ministre des affaires étrangères) de la Grande Loge Unie d'Angleterre, la "maison mère" de la GLNF.
Ces trois personnes sont Alain Bauer, ancien Grand-Maître du Grand Orient de France, Michel Barat, ancien Grand-Maître de la Grande Loge de France et Roger Dachez, président de l'Institut Maçonnique de France.
Ils sont certainement ceux, parmi les rares français qui s'y intéressent, qui connaissent le mieux les frères anglais et notamment les responsables de la Grande Loge Unie d'Angleterre.
Roger Dachez tout d'abord parce qu'il est l'un des tous meilleurs historiens de la Franc-Maçonnerie et des origines de la Franc-Maçonnerie (donc les origines anglaises). Son oeuvre est reconnue en France, mais également au-delà de nos frontières et il est respecté des frères anglais et américains. Président de l'IMF il est également directeur de la publication de la revue Renaissance Traditionnelle et un membre éminent de la Loge Nationale Française, une petite obédience en terme d'effectifs, mais reconnue par la qualité de ses travaux. Il travaille notamment et fait connaître le rite anglais de style Emulation dont il est l'un des meilleurs spécialistes héxagonaux. Ses multiples contacts anglais au plus haut niveau en font un interlocuteur tout à fait incontournable lorsqu'il s'agit de maçonnerie anglo-saxonne.
Michel Barat fut par deux fois Grand Maître de la Grande Loge de France. Il fut notamment l'artisan, avec Alain Bauer, des cérémonies entourant les 275 ans de la Maçonnerie Française. La Grande Loge de France a en son sein l'Anglo-Saxon Loge qui fut la première loge française à travailler au rite anglais de style Emulation. Elle existe en effet depuis 1901, bien avant la création, en 1913, de ce qui allait devenir plus tard la GLNF.
Alain Bauer enfin. Ancien Grand Maître du Grand Orient de France. Certains l'appellent "le Grand Maître médiatique à vie" tant il est le référend naturel des journalistes lorsqu'il s'agit de Franc-Maçonnerie. Et ceci 10 ans après qu'il ait quitté ses fonctions de Grand Maître du GODF. Ce qui a le don d'irriter ses successeurs, mais moins ses prédecesseurs comme Philippe Guglielmi. Alain Bauer est certainement celui qui a le carnet d'adresses le mieux fourni de la place de Paris. Il noue lui aussi depuis de nombreuses années des relations très proches avec les hiérarques les plus éminents de la Grande Loge Unie d'Angleterre. Egalement fervent adepte du rite anglais de style Emulation il en est le principal promoteur au sein du Grand Orient de France. Auteur, avec Roger Dachez, du livre "les rites maçonniques anglo-saxons", Alain Bauer est Premier Grand Principal d’Honneur de l’Ancienne Maçonnerie d’York, de la Marque et de l’Arc Royal au Grand Orient de France.
Que demandent donc ces trois frères? Tout simplement que la Grande Loge Unie d'Angleterre prenne enfin ses responsabilités en enlevant définitivement sa reconnaissance à une obédience aujourd'hui discréditée du fait de ses dirigeants (et non pas d'une grande majorité des frères qui la composent) et qu'elle oeuvre à la reconstruction d'une obédience "régulière" si elle le veut, en tout cas dont les principes soient en accord avec l'action.
Demande salutaire car les spécialistes savent bien que la GLUA détient en grande partie la solution au problème. Après avoir fermé les yeux (on va dire que les dirigeants de la GLUA étaient mal informés sur ce qui se passait réellement à la GLNF...) pendant des années sur des dérives qui ont malheureusement entrainé petit à petit cette obédiences dans le gouffre où elle se trouve aujourd'hui, elle a le pouvoir de mettre un terme définitf à l'anarchie dans laquelle la GLNF est plongée du fait de l'incurie de ses dirigeants.
La situation est tellement dégradée que cela rejailli sur l'ensemble des obédiences. Cette situation ne concerne pas uniquement les frères de la GLNF ni les responsables de la UGLE. "Ce conflit navrant, dont quelques détails vous sont sans doute connus, dépasse à présent de très loin le seul monde de la « régularité maçonnique » et ne concerne pas seulement les relations entre la Grande Loge Unie d’Angleterre et la France. Les innombrables péripéties de cette querelle ont été reprises par la presse écrite, la radio et la télévision et sont aujourd’huiune cause de honte, de colère et de profonde affliction pour les 150 000 Francs-Maçons français, hommes et femmes de toutes Obédiences, tous également dignes et respectables, qu’ils soient « réguliers » ou non", écrivent les trois hommes dans leur courrier.
C'est d'ailleurs en amis de la maçonnerie anglaise (bien qu'aucun des trois ne soient "réguliers" au sens des principes de la UGLE de 1929) que Barat, Bauer et Dachez s'expriment. Et c'est en quelque sorte au nom de l'intérêt de la Franc-Maçonnerie en général qu'ils agisssent. C'est donc une action louable - et nécessaire.
Ils sont aujourd'hui les voix - à l'image de ce qu'ont pu être les Albert Lantoine, Jules Boucher, Marius Lepage ou François Collaveri dans les années 1930 - de la Franc-Maçonnerie traditionnelle, symbolique et Régulière (au sens de la tradition), mais ouverte sur le monde d'aujourd'hui.
Malgré quelques critiques de forme de Guy Arcizet, le Grand Maître du Grand Orient de France ("Pourquoi s’adressent-ils à la GLUA qui n’est rien pour nous ? Ce n’est pas le gendarme de la franc-maçonnerie régulière ! En la jugeant responsable de la situation de la GLNF, ils donnent à la GLUA trop d’importance" : lire l'interview complète sur le site de François Koch), le propos des trois hommes a porté.
Alain Bauer a d'ailleurs répondu "Si la GLUA n’a « pas d’importante », quel est donc le sujet de cette désespérante « course à la régularité » qui anime nombre de nos partenaires ? Il aura fallu les mandats de Philippe Guglielmi et le mien pour que notre propre régularité naturelle (celle du GODF) soit enfin réaffirmée dans nos propres documents internes (rituels et brefs) alors que nous avions honteusement intériorisé que nous ne le serions pas. La GLUA est une référence historique. C’est une évidente référence maçonnique pour la grande majorité des FF.’. dans le monde. Elle n’est pas la mienne. Mais elle a droit, comme toutes les obédiences qui s’y réfèrent, à notre respect. Elle a donc évidemment une responsabilité particulière dans son univers spécifique. Je crois me rappeler que les organisations internationales auxquelles participent le Grand Orient ont elles mêmes, au niveau Européen ou International, défini des règles d’appartenance et des valeurs communes. Le Grand Orient ne se comporte heureusement plus comme la GLUA. Faut il pour autant ignorer cette dernière ?"
La Grande Loge Unie d'Angleterre doit siffler la fin de la récréation.
Après, quelles seront les conséquences? Elles seront sans doute multiples... Création d'une nouvelle obédience "régulière" (c'est à dire reconnue par la GLUA)? Reconnaissance par la GLUA d'une obédience existante? Retour au bercail (c'est à dire à la Grande Loge de France) de frères qui travaillent au Rite Ecossais Ancien & Accepté et qui sont issus du schisme de 1965 (voir le livre d'Alain Berheim "Le rite en 33 grades")? Ce peut être aussi un mix de ces hypothèses.
Tous espèrent en tout cas plus de sérénité et le retour de la vraie fraternité initiatique.
Jean-Laurent Turbet
° Pour aller plus loin :
° La lettre de Michel Barat, Alain Bauer et Roger Dachez à la Grande Loge Unie d'Angleterre.
° Le livre "Les rites maçonniques anglo-saxons", de Alain Bauer & Roger Dachez., sur ce site.
° Cinq Grandes Loges Régulières ne reconnaissent plus la GLNF., sur ce site.
° Grande Loge Nationale Française : Vers la fin de la régularité?, sur ce site.
° "Francs-Maçons le grand déballage", dans le Nouvel Observateur, janvier 2011. , sur ce site.
° Conférence de presse des 9 responsables des principales obédiences maçonniques françaises. , sur ce site.
° L'heure de vérité approche pour la Grande Loge Nationale Française. , sur ce site.
° L'Elysée, la Droite et les Francs-Maçons, dans l'Express cette semaine. , sur ce site.
° Crise sans précédent à la Grande Loge Nationale Française., sur ce site.
Attention ! Cet article, comme tous les articles du "Bloc-Notes de Jean-Laurent sur les Spiritualités", (http://www.jlturbet.net/) est écrit en mon nom personnel.
Je ne parle ni au nom d'une association, ni d'un parti, ni d'une loge, ni d'une obédience maçonnique.
Mes propos n'engagent que moi et non pas l'une ou l'autre de ces associations.
Je ne suis en aucune façon habilité à écrire au nom d'une association, d'un parti, d'une loge, d'une obédience maçonnique. Tout ceci pour que cela soit bien clair, qu'il n'y ait aucune ambiguïté de quelque nature que ce soit.
Quelles que soient mes responsabilités - ou non - présentes ou futures dans une organisation, les propos tenus dans cet article comme dans tous les articles de ce Bloc-Notes, sont exclusivement des opinions personnelles qui n'engagent que moi.
Je rappelle simplement que la liberté d’expression est en France un droit Constitutionnel, quelle que soit notre appartenance à une association de quelque nature que ce soit.
Dans son article 10, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »
Dans l'article 11, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose aussi que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »
Ces deux articles ont valeur constitutionnelle car le préambule de la Constitution de la Ve République renvoie à la Déclaration de 1789.
La Constitution et les Lois de la République Française s'appliquent sur l'ensemble du territoire national et s'imposent à tout règlement associatif particulier qui restreindrait cette liberté fondamentale et Constitutionnelle de quelque façon que ce soit.
Jean-Laurent Turbet
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