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Le Blog des Spiritualités

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Gnose, Esotérisme, Franc-maçonnerie, Hermétisme, Illuminisme, Initiation, Kabbale, Martinisme, Occultisme, Religions, Rose-Croix, Spiritualités, Symbolisme, Théosophie, et toutes ces sortes de choses...


A lire. Théolib N° 36. Violence & Religion.

Publié par Jean-Laurent Turbet sur 24 Février 2007, 00:22am

Catégories : #Protestantisme

A lire le N° 36 de Théolib, la revue du protestantisme libéral.


Éditorial. Une écriture interrompue

“Le soleil ne fait qu’illuminer le regard de l’homme, mais il rayonne dans le regard et le cœur de l’enfant.” (Emerson).

Avec son thème — violence et religion —ce numéro de Théolib est à la fois étrangement intemporel et tout à fait d’actualité. trois approches, distinctes mais toujours en résonance, tracent leur voie, entre constat de la violence et désir d’une moindre violence, et même rêve de bienveillance.
Un texte ancien, dédié au Sermon sur la montagne, trouve sa place ici, y prend place, et à un double titre. Souvent visé par nos travaux comme un impossible et nécessaire idéal, le texte était resté errant, menant sa vie sur des supports immatériels. Mais il était aussi un signe, celui d’une amitié et d’un rêve, par-delà les générations. L’ami, c’était Théodore. Quant au projet, peut-être enfin voit-il le jour, avec la Fraternelle ­unitarienne, signe de fraternité et de partage, au-delà de la violence, au-delà de la religion.
Lassé de son errance sur des supports immatériels, le texte aura peut-être ainsi voulu marquer, de façon discrète et sereine, qu’une page, longtemps restée en attente et en appel d’écriture, continuait à présent de s’écrire.
PYR

Le Sermont sur la Montagne
Les Béatitudes, par Pierre-Yves Ruff
Le Sermon sur la Montagne représente l'un des sommets de la vie spirituelle. Même en contexte non-chrétien, on en admire le lyrisme. Il est porteur de ce souffle inouï qui nous laisse presque sans voix. Il est si dense et si bouleversant qu'il faudrait une vie entière, et même davantage, pour s'efforcer de le comprendre, de l'intégrer, d'en découvrir tous les aspects. Comment pourrions-nous vivre pleinement ce qu'il apporte ?
On y trouve l'exhortation à vivre de justice et ne pas se soucier du lendemain. On y rencontre le don d'une loi irréalisable, prémices et promesse d'un monde à venir. On y savoure des métaphores destinées à accompagner, à soutenir, à nourrir notre foi. Il nous offre le résumé du message de notre Maître et la prière du Notre Père. Et nous y découvrons le trésor dans le ciel, le lys des champs et la maison construite sur le roc.
Tout le Sermon est un devenir annoncé, entrelacé de métaphores. Il accompagne nos chemins. Ils nous appelle à vivre dans une espérance inouïe - et je dirai, pour commencer : à vivre l'impossible. Car la loi qu'il enseigne n'est pas une loi qui opprime. Elle n'est pas, non plus, constituée de prescriptions qu'il nous reviendrait d'observer. Elle est plutôt la description d'un idéal jamais atteint. Elle est à la fois un appel, une promesse, un horizon ouvert à nos sentiers. Le Sermon de Jésus est une exhortation à vivre l'impossible. Mais il nous dit que nous pouvons le vivre.
Jadis, bien des prédicateurs ont commenté l'un après l'autre les 111 versets qui le composent. Tous ou presque nous permettraient d'écrire un livre. On peut aussi le méditer. Il en est, parmi nous, qui chaque jour en lisent certains extraits. Ils ont raison. Car le Sermon sur la Montagne est un puissant support. Il nous permet d'aller au-delà de nous-mêmes. Il ouvre le chemin de l'espérance.
Aujourd'hui, j'évoquerai surtout les deux textes qui l'encadrent. J'aborderai, malgré tout ce qui m'empêche de véritablement les comprendre, les paroles qui l'introduisent, et celles qui le concluent.
Dans les textes anciens, les premières paroles sont là pour guider le lecteur. Elles éclairent ce qui va suivre. Elles nous disent l'objectif d'un écrit. Elles indiquent l'horizon vers lequel il se déploie. L'évangile de Marc, par exemple, affirme pour commencer Jésus est le Christ, et qu'en lui nous pouvons reconnaître le Fils de Dieu. Le récit aidera à le comprendre. Le Prologue de Jean éclaire également l'ensemble d'un évangile. Il parle du logos, du Verbe de Dieu. L'évangile décrira Celui qui fut rejeté par le monde. Et nous pouvons, par une lecture reçue dans la foi, le rencontrer.
Quant au Sermon sur la Montagne, il ouvre un autre aspect de ce même horizon. Il commence par les Béatitudes. Il appelle au bonheur. Il exhorte à l'allégresse. Il invite à vivre l'expérience d'une joie que rien ni personne ne saurait enlever. Il appelle à partager l'espérance d'une impossible et invincible foi.
Mettons-nous à l'écoute de ces paroles. La première des Béatitudes est la plus mystérieuse. Elle a alimenté la réflexion de tous ceux qui choisirent la voie de la sagesse. Elle a forgé l'idéal de très nombreux chrétiens. Nos traductions disent parfois : "Heureux les pauvres en esprit". Les Hébreux connaissaient leurs ébionites, ceux qui avaient choisi d'être des pauvres pour la foi. Il fut un temps, où au nom de cet idéal, bien des théologiens marchaient pieds nus, allant de ville en ville annoncer le Royaume de Dieu. Les Vaudois, qui s'appelaient Pauvres de Lyon, vécurent cette aventure de la foi. Et les Églises sous la Croix, dans le Désert, renouèrent avec cette expérience.
La pauvreté, dans l'évangile, ce n'est pas forcément la misère. Le Grec nous aide à le comprendre. "Heureux les mendiants de l'esprit". "Oi ptôkoi". C'est-à-dire, littéralement, ceux qui se blottissent dans l'esprit, ceux qui, par dénuement, viennent trouver refuge dans l'esprit. Ceux qui n'ont que l'Esprit... "Heureux les mendiants de l'esprit, car le Royaume des cieux est à eux". La pauvreté, c'est la capacité, ou peut-être l'obligation de se placer entièrement sous la protection de l'Esprit.
Mais qui sont ces mendiants ? Les versets suivants les décrivent : ceux qui pleurent, qui sont doux et ont faim et soif de justice ; ceux qui sont tendres, ceux qui ont le coeur pur, qui procurent la paix et sont persécutés pour la justice. Et puis, ajoute le dernier verset comme en dernier écho, ceux qui sont insultés, persécutés ou calomniés, à cause de leur attachement au Maître de l'évangile, à cause de leur foi.
Nous avons là, bien entendu, la racine d'un refus religieux de la violence. Nous avons là l'appel à la douceur et la sérénité, en vue de la justice. Nous avons là l'origine d'un nouvel héroïsme. Des disciples en vécurent. Ils eurent la volonté de répondre par la douceur, y compris à la persécution.
Mais le texte est alors paradoxal. Car le bonheur et l'allégresse ne sont pas forcément les marques évidentes de ceux qui pleurent, de ceux qui sont persécutés ou calomniés. Malgré tout, dit Jésus, qu'ils soient heureux. Car le royaume des cieux est à eux. Toutes les Béatitudes disent en quoi. Nous pouvons lire, en les égrenant une à une : ils seront consolés, ils habiteront la terre, ils seront rassasiés de justice. Ils obtiendront miséricorde, ils verront Dieu, ils seront appelés fils de Dieu. Le royaume des cieux est à eux. Et puis, confirme le dernier verset, leur récompense sera grande dans les cieux.
À deux reprises, dans la première et la huitième des Béatitudes, nous retrouvons la même formule : le royaume des cieux est à eux. Et la dernière des Béatitudes parle de récompense dans les cieux. Mais ce n'est pas, comme on l'a cru souvent, la récompense dans l'au-delà. Le texte dit aussi : ils habiteront la terre, et ils verront Dieu.
Voilà l'inouï de la promesse. Habiter la terre, sans cesse Dieu dans la Torah le promet à son peuple. Voir Dieu, voilà la promesse nouvelle. Même Moïse ne l'a pas vu. Dans l'ensemble de l'Ancien testament, seul Job aura vécu une telle expérience. Du fond de sa détresse, au moment où soudain ses yeux se tournent vers le monde, Job a vu Dieu. Après l'épreuve, après le temps de la révolte et de l'indignation, Job a vu Dieu. Il l'a vu quand enfin il a songé à autre chose qu'à lui-même. Il l'a vu en contemplant le monde.
"Heureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu". Voilà l'inédite promesse adressée à ceux qui parviendraient à l'impossible pureté. Car qui peut dire : mon coeur est pur ? Qui peut prétendre vivre l'idéal que décrivent les Béatitudes ? Qui pourrait affirmer qu'il a atteint la sainteté ? Nul d'entre nous.
Mais, nous dit l'Évangile, si votre arme unique est l'esprit, alors s'ouvrira devant vous l'horizon du bonheur et de la joie. Car, malgré tout, vous avez en vous-mêmes la ressource d'un coeur pur. Malgré tout, vous pouvez procurer la paix. Malgré tout, vous pouvez devenir des doux, retrouver le chemin de la tendresse et de votre idéal. Oui, le Sermon sur la Montagne est une impossible promesse. Mais il est toujours possible de s'en approcher. C'est en cela qu'il nous concerne. Il est un idéal jamais atteint mais toujours à poursuivre.
À la fin Sermon sur la Montagne, un autre texte en est comme l'aboutissement. Il parle de la maison construite sur le roc. Dans les églises, nous le lisons lors de mariages. Et pourquoi pas ? Mais nous oublions trop souvent qu'il est l'horizon d'un parcours qui commence par les Béatitudes.
"Quiconque entend les paroles que je dis et les met en pratique, sera semblable à un homme prudent qui a bâti sa maison sur le roc. La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont jetés contre cette maison : elle n'est pas tombée, parce qu'elle était fondée sur le roc."

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