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Critique du livre Encyclopédie du protestantisme, sous la direction de Pierre Gisel. Éditions Quadrige-PUF, Labor et Fides, 2006. 1 632 pages, 49 euros.
Religion minoritaire, longuement opprimée, souvent persécutée, le protestantisme a paradoxalement développé une influence culturelle inversement proportionnelle à des effectifs confessionnels relativement limités. L’heureuse réédition, complétée et augmentée, de l’Encyclopédie du protestantisme, sous la direction de Pierre Gisel, permet de décrypter les raisons de ce décalage entre, d’un côté, croyance et pratiques et, de l’autre, sociologie des comportements individuels et collectifs. Et parallèlement, de prendre la mesure de la multidimensionnalité de la Réforme au regard du sens et des valeurs dans les controverses idéologiques contemporaines. Ce que d’aucuns nomment la « protestantisation » de la société.
Bien moins théologique qu’historique et sociétale, la somme que voici confirme que l’apport original du protestantisme à l’univers des religions comme à la sphère laïque est inséparable de la rupture fondatrice de sa naissance.
Et que le triptyque « la Foi seule - l’Écriture seule - la Grâce seule », en quoi consiste le majeur des Pères fondateurs, a nourri le rejet des aliénations, le refus des oppressions, l’esprit de résistance, la lutte pour l’émancipation humaine.
On lira donc avec profit les entrées très actuelles (et souvent actualisées) : Laïcité, Violence, Raison, Europe, Politique, Islam, ainsi que Migrations et CIMADE... Mais aussi, point de passage obligé, les notices Capitalisme et Max Weber, pour s’éviter les facilités d’une explication mécaniste du rapport entre Économie et Religion. Cette Encyclopédie répond finalement à sa vocation étymologique de panorama méthodique des connaissances, en focalisant le regard sur les figures, les lieux et les évènements du protestantisme, éclairés par une vison humaniste fondée, dès le XVIe siècle, sur l’autonomie du Je, la finalité du Tu, l’universalité des Ils (Tzvetan Todorov).
Vision perceptible dans les rubriques Littérature, Musique, Architecture aussi bien que dans celles consacrées à la bioéthique, la morale ou à la conception du rôle de la femme. Faisant ainsi écho à l’intuition de Jaurès qui, dans les origines du socialisme allemand, dit à propos de Luther : « Celui qui renouvelle le ciel rénove la terre. »
Michel Boissard, historien
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