Le Figaro consacre une page à l’orientation politique des Juifs de France. D’après l’analyse de Cécilia Gabizon, la communauté juive a eu tendance à se rapprocher des partis républicains de droite depuis la montée des actes antisémites dont elle a été victime. La journaliste constate en effet qu’« entre 1999, où l'on avait compté 9 actes antisémites, et la fin 2000, avec près de 200 attaques, la sérénité d'une communauté souvent citée en modèle a volé en éclats » et commente ainsi la politique du gouvernement Jospin qui, « à l'époque, tentait de minimiser la portée de ce nouvel antisémitisme porté par les enfants de l'immigration maghrébine. Gêné, le PS ne voulait voir dans ces agressions que de la banale délinquance. À l'extrême gauche, certains laissaient s'installer la confusion entre antisémitisme et antisionisme : la rage qui s'exprimait contre les juifs n'aurait été qu'une sorte de réplique des combats du Moyen-Orient. «Ce positionnement a pesé sur toute la gauche», analyse aujourd'hui Julien Dray. «D'autant que le PS n'a pas manifesté une position claire, ferme et lisible dès le départ», reconnaît encore le député de l'Essonne ».
Même si le discours socialiste s’est clarifié, «cela n'a pour l'instant pas entraîné une réadhésion», estime le Roger Cukierman, le président du CRIF qui ajoute : « Beaucoup de juifs éprouvent de la gratitude pour Nicolas Sarkozy», pour sa fermeté face aux actes antisémites et précise aussi que «C'est encore sous la droite que la politique extérieure de la France a changé». La mort de Yasser Arafat, le retrait de Gaza ou encore l'assassinat de Rafic Hariri ont, selon lui, modifié la position française vis-à-vis d'Israël. Pour autant, le président du CRIF ne prend pas pour argent comptant le sondage et insiste sur la pluralité des voix juives, soucieux de préserver les «bonnes relations» avec tous les partis, ajoute le Figaro.
Cécila Gabizon insiste sur le fait que la crainte croissante de l'insécurité explique l'évolution récente de cette orientation politique. Elle rappelle que les Juifs de France sont également 32,6% à soutenir le Parti socialiste, bien plus que la moyenne des Français (27,4%), davantage aussi que les catholiques et les protestants et que le Front national n'obtient que 4,9% de sympathisants, contre 10% pour l'ensemble des Français.
Le sondage montre que les juifs de France sont 76, 7% à voter pour des partis démocratiques (Extrême gauche/Parti communiste, parti socialiste, UDF, UMP) contre 64, 7 % de l’ensemble des Français.
La droite progresse au sein de l'électorat juif
Le nombre de responsables politiques présents la semaine dernière au dîner de radio J (de François Hollande à Philippe de Villiers) confirme l'enjeu du vote juif dans la perspective de 2007.
AU DÉBUT des années 2000, l'immense majorité des juifs de France se situaient à gauche ou au centre. Selon l'enquête du Fonds social unifié (1), 43% des juifs se disaient de gauche, 41% au centre et 14% seulement soutenaient la droite parlementaire. Tandis que 2% se revendiquaient d'extrême droite. Depuis, le curseur s'est nettement déplacé en direction de la droite parlementaire, en raison de l'inquiétude face à l'insécurité, des ratés de l'intégration ou encore des émeutes.
Mais au-delà de cette recomposition politique générale, les Français de confession juive ont de surcroît fait face à des agressions antisémites inédites depuis la Seconde Guerre mondiale. Entre 1999, où l'on avait compté 9 actes antisémites, et la fin 2000, avec près de 200 attaques, la sérénité d'une communauté souvent citée en modèle a volé en éclats. A l'époque, le gouvernement socialiste de Lionel Jospin tentait de minimiser la portée de ce nouvel antisémitisme porté par les enfants de l'immigration maghrébine. Gêné, le PS ne voulait voir dans ces agressions que de la banale délinquance. À l'extrême gauche, certains laissaient s'installer la confusion entre antisémitisme et antisionisme : la rage qui s'exprimait contre les juifs n'aurait été qu'une sorte de réplique des combats du Moyen-Orient. «Ce positionnement a pesé sur toute la gauche», analyse aujourd'hui Julien Dray. «D'autant que le PS n'a pas manifesté une position claire, ferme et lisible dès le départ», reconnaît encore le député de l'Essonne. «La gauche française considérait la communauté comme acquise, reprend-t-il, sans voir qu'elle s'était sentie abandonnée».
La désaffection aurait déjà pesé sur la présidentielle de 2002, assurent les socialistes. Des mots d'ordre en faveur d'Alain Madelin ou de François Bayrou ont effectivement circulé dans la communauté organisée qui réunit un tiers des 500 000 juifs de France. Les deux avaient participé au gigantesque défilé contre l'antisémitisme en avril 2002, ignoré du reste de la classe politique. Il faudra encore les manifestations contre la guerre en Irak et des dérapages antijuifs pour que les «principales figures du PS reprennent en main la question de l'antisémitisme», observe Patrick Klugman qui présidait alors l'Union des étudiants juifs. «Ils ont alors compris que des minorités discriminées pouvaient aussi être antisémites.» Par la suite, le discours s'est clarifié. Mais si les juifs ont pris acte du changement de ton, «cela n'a pour l'instant pas entraîné une réadhésion», estime celui qui siège aujourd'hui au Crif.
D'autant qu'en 2002, le nouveau ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, prête, une attention particulière aux actes antisémites. Il multiplie les discours de fermeté, se rend auprès des victimes, reçoit les familles. «Beaucoup de juifs éprouvent de la gratitude pour Nicolas Sarkozy», concède Roger Cukierman, le président du Crif. «C'est encore sous la droite que la politique extérieure de la France a changé», poursuit-il. La mort de Yasser Arafat, le retrait de Gaza ou encore l'assassinat de Rafic Hariri ont, selon lui, modifié la position française vis-à-vis d'Israël.
Pour Villiers, «un enjeu symbolique»
Pour autant, le président du Crif ne prend pas pour argent comptant le sondage et insiste sur la pluralité des voix juives, soucieux de préserver les «bonnes relations» avec tous les partis. Le vote UDF reste d'ailleurs très important. «C'est une option antigaulliste traditionnelle dans les milieux séfarades qui n'ont pas pardonné l'abandon de l'Algérie», analyse Jean-Yves Camus. C'est aussi un choix centriste traditionnel. Mais pour la première fois depuis des décennies, une partie des juifs s'est tournée vers la droite avec une forte demande de sécurité et la crainte désormais affichée d'un affrontement avec les musulmans. Cela n'a pas échappé à Philippe de Villiers. Il assure avoir reçu le soutien spontané de nombreux juifs inquiets de «l'islamisation de la France».
A son tour, le président du MPF a multiplié les soutiens à la communauté juive : manifestation pour Ilan Halimi, intervention rue des Rosiers après la descente de gros bras de la Tribu KA, des «suprémacistes» noirs. Lundi dernier, il s'est fait applaudir chaleureusement au dîner de Radio J, où plusieurs ministres et des présidentiables s'étaient pressés. Plus qu'une quête de voix, Philippe de Villiers cherche une caution, estime le politologue Jean-Yves Camus. «La communauté est un enjeu symbolique, pour donner une légitimité à son discours contre l'islamisme.»
(1) Enquête menée en janvier 2002 auprès d'un échantillon représentatif au niveau national des ménages juifs de France (1 132 personnes).
La surreprésentation des professions libérales participe notamment au bon score de la droite chez les juifs de France.
LE VOTE juif n'existe pas. Un sondage vient de le confirmer. Cependant, si les Français qui se déclarent juifs se répartissent dans toutes les familles politiques, ils se montrent bien plus à droite que le reste de la population. Dans l'échantillon testé par l'Ifop, ils sont 39,3% à soutenir la droite parlementaire, contre 29,1% pour l'ensemble des Français, soit 10 points de plus. Cette différence repose en partie sur les caractéristiques socio-économiques de la communauté juive. Presque la moitié des chefs de ménage juif ont fait des études supérieures.
«Les cadres, les commerçants et les professions libérales sont surreprésentées, explique Jérôme Fourquet, de l'Ifop. Mais cela n'explique pas entièrement l'écart constaté. La droitisation d'une partie de la communauté reflète aussi une demande de sécurité accrue dans une période de troubles.» Ainsi, la droite domine parmi les plus âgés, mais fait également jeu égal avec la gauche chez les moins de 35 ans. «Auparavant la gauche était ultra dominante. Mais confronté à l'antisémitisme, une partie des jeunes s'est tournée vers la droite», poursuit Jérôme Fourquet. Les Français se déclarant juifs se trouvent ainsi les plus à droite par rapport à toutes les autres religions. À l'inverse des musulmans qui s'affichent très majoritairement à gauche. Une équation que les partis connaissent.
Pour autant, il ne faudrait pas conclure que tous les juifs sont désormais à droite. Ils sont également 32,6% à soutenir le Parti socialiste, bien plus que la moyenne des Français (27,4%), davantage aussi que les catholiques et les protestants. Les femmes se montent beaucoup plus à gauche que les hommes.
Sarkozy, «la limite à droite à ne pas franchir»
Par ailleurs, le vote à droite n'est pas monolithique. L'UDF conserve de solides appuis et réuni 14% des Français se déclarant juifs. «C'est un parti perçu comme chrétien démocrate, ce qui pour certains juifs incarne une forme d'humanisme. Il faut aussi noter le poids de certains grands élus UDF», avance l'Ifop. Ainsi, si «on constate un effet Sarkozy», celui-ci était jusqu'à présent perçu comme «la limite à droite à ne pas franchir».
Même si une petite minorité se radicalise sur «la question de l'immigration» et la crainte d'une «islamisation», le Front national n'obtient que 4,9% de sympathisants, contre 10% pour l'ensemble des Français. «Les dérapages de Jean-Marie Le Pen aux forts relents antisémites rendent les juifs très réticents» poursuit Jérôme Fourquet. C'est en province que le Front national séduit un peu plus, tandis qu'en Île-de-France il fait 2,8%. L'extrême droite attire surtout des hommes, tandis que les femmes rejettent cette option. Enfin, l'Ifop a bien noté la montée en puissance de Philippe de Villiers ces derniers mois qui pourrait tenter une partie de l'électorat de confession juive sur les thèmes de l'insécurité et de l'immigration. Mais le MPF n'apparaît pas dans le sondage.
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