Le Parti Socialiste est en crise. Une crise grave, durable, profonde.
Car les vraies lignes de clivages sont apparues lors de ce Congrès. Sur la conception même du Parti, sur la stratégie, sur le positionnement, sur les alliances.
D'un côté une ligne certes plus traditionnelle d'une parti ancré à gauche, d'un parti de militants, d'un parti où la question sociale est et reste au cœur du projet socialiste.
De l'autre un ligne d'ouverture au centre-droit, d'un parti de supporters au service d'un(e) che(ffe), d'un parti qui a renoncé à lutter contre la présidentialisation de nos institutions.
Cette ligne présentée comme une ligne de « rénovation » ou de « modernisation » du Parti étant soutenue en fait (et en voix) par nombres de caciques du Parti (François Rebsamen est actuellement N°2 du PS) et des barons des féodalités locales (Frèche dans l'Hérault, Guérini et Mennucci dans les Bouches-du-Rhône...).
Ségolène Royal est elle-même l'exemple vivant de ces contradictions, elle qui ne vit, depuis son entrée à l'Elysées en 1982 que par le Parti Socialiste, qui est une enfant du sérail, un pur produit labellisé PS. Elle nous rejoue maintenant avec un certain aplomb la querelle des anciens et des modernes. Ses appels d'un poujadisme toujours de mauvais aloi du «peuple» contre les «élites», des «adhérents» contre les «élus», du referendum (sur les alliances) contre la représentation, des «citoyens» contre les «experts», du chef contre le collectif sont autant de postures qui vont à l'encontre à la fois de l'Histoire du Parti Socialiste que de ce qui fait son socle de valeurs et de références.
Ségolène Royal pause aujourd'hui un ultimatum : c'est moi ou le chaos. Un prétexte : il y a eu de la triche partout (ce qui est faux), il y a des milliers de voix contestables (ce qui est faux). Elle oublie (mais c'est normal) de dire que la fraude institutionnalisée, et bien insuffisamment combattue précédemment, vient directement des fédérations qui la soutiennent.
D'ailleurs qu'on ne s'y trompe pas, il y a déjà eu récemment plusieurs votes avec un corps électoral équivalent. Sur le vote des motions : pas de contestation. Sur le vote du 1er tour : Pas de contestation. Il n'y a de contestation que lorsque le vote n'est pas favorable à Ségolène Royal.
C'est une situation qui n'est évidemment pas acceptable. La motion de Ségolène Royal dont le 1er signataire était Gérard Collomb (qui a mystérieusement disparu de la scène depuis...) a réunie 29% des voix. Il n'y a pas eu de synthèse lors du Congrès de Reims.
Le fait politique - et la ligne politique du Parti est là : Il n'y a pas eu de rassemblement car il ne pouvait y en avoir sur une telle orientation et 71% des militants ne veulent pas de cette orientation. Le Conseil National actuel est fondé sur ce rapport de force issu du vote (pour le coup incontesté) des militants.
Après les contestations (du vote, de la légitimité du Conseil National, des instances du Parti), après les procès programmés, après les appels au referendum, nous voyons apparaître aujourd'hui un appel à manifestation devant la rue de Solférino pour faire pression sur le Conseil National. Bref après la négation du parti, l'appel au putch.
C'est tout bonnement intolérable. Nous donnons déjà une bien triste image du PS devant la France entière. Ségolène Royal n'en à cure (si je puis m'exprimer ainsi). De toute manière, comme je l'ai dit, pour Ségolène Royal c'est elle ou le chaos, peu importe que le Parti ne soit plus qu'un champ de ruine. Le PS est bien en effet le cadet de ses soucis.
Cet épisode bien triste me rappelle non pas le congrès de Rennes, ni même le Congrès de Metz, mais bien le Congrès de Tours.
Lors de ce 18ème Congrès du Parti Socialiste SFIO qui eu lieu les 25, 26, 27, 28, 29 et 30 décembre 1920 à Tours, 3208 socialistes (donc la majorité) contre 1022, emmenés par les jeunes cadres du Parti (les «modernes» d'alors), qui voulaient fonder le «socialisme du 20ème siècle» décidèrent de rejoindre la IIIème Internationale (ce qui deviendra le PCF).
Là encore les arguments étaient les mêmes : rénovation, refondation, dénigrement des cadres et du fonctionnement du Parti, instrumentalisation de la «base» contre «les élites». Nous savons ce qu'il en est advenu.
Léon Blum, qui était dans la minorité au Congrès de Tours, a choisit alors de « garder la vieille maison ». Ses paroles résonnent aujourd'hui avec une acuité particulière : «Nous sommes convaincus, jusqu'au fond de nous-mêmes, que, pendant que vous irez courir l'aventure, il faut que quelqu'un reste garder la vieille maison.
Nous sommes convaincus qu'en ce moment, il y a une question plus pressante que de savoir si le socialisme sera uni ou ne le sera pas. C'est la question de savoir si le socialisme sera, ou s'il ne sera pas.
C'est la vie même du socialisme que nous avons la conscience profonde de préserver en ce moment dans la mesure de toutes nos forces.»
Le risque est grand en cette période de crise intense de savoir si le socialisme survivra ou non.
S'il s'agit aujourd'hui de «garder la vieille maison» du socialisme contre l'aventure, je serai de ceux là.
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