Ancien ministre des Finances, André-Philippe Futa veut être Premier ministre
Par POLD KALOMBO, lesoftonline.net 08/03/2006
Il n’est pas candidat Président de la République. On l’attendait pourtant au sortir du congrès de son parti, le PANU, qui vient de l’élire le week-end au poste de président, après en avoir longtemps été l’initiateur. plonger dans la politique?
Mais André-Philippe Futa (en réalité Nfuta, précise-t-il, il est Kasaïen) se voit demain dans le costume de Premier ministre - ce ne sont pas les arguments qui lui manquent, nous affirme-t-il. plonger dans la politique?
Ce Maçon, grand officier de la Grande Loge Maçonnique de France, ne manque pas de réseau de solidarité dans le monde pour parvenir à ses fins.
Dans la vie d’un homme, il y a des étapes qui déterminent le cheminement de son destin. C’est vrai, j’ai mené une carrière internationale d’expert connu dans les milieux des Finances internationales. Et c’est ça qui était mon destin premier.
Bien sûr, cela ne m’empêchait de penser à mon pays. Chaque fois que je visitais d’autres pays, et que je faisais un tour par ici, cela m’interpellait. «Vous êtes fils de ce pays, vous avez eu la chance d’avoir un parcours universitaire brillant» - on me le répétait souvent.
«Et vous avez une expérience, votre pays avance à reculons. Quelle est votre contribution?»
Ce sont des questions qu’on me posait sans cesse. Alors qu’il me restait deux ans pour prendre ma retraite, le président Kabila a fait appel à moi. Je suis revenu au pays. Et cela m’a fait grand bonheur de travailler comme technocrate en m’occupant des questions liées aux rouages de l’État.
Peu à peu, je suis devenu un homme politique parce que je gérais des intérêts des groupes divers. Je crois qu’en cinq ans de pouvoir, j’ai joué un grand rôle aux côtés du président Kabila. J’ai vraiment nourri une certaine ambition, celle de servir mon pays. J’en suis ainsi arrivé à créer le parti politique dénommé Parti National de l’Unité, PANU.
Ce parti est là aujourd’hui. L’on ne peut être initiateur d’un parti politique sans être un homme politique.
C’est André-Philippe Futa qui parle ainsi au «Soft International» quand l’on veut savoir comment a-t-il sauté des Finances - où il était avant tout technocrate - pour plonger dans la politique? plonger dans la politique?
Votre parti vient de tenir congrès. On vous attendait logiquement candidat à la présidence de la République! C’est la mode!
Je veux répéter ce que j’ai toujours dit: il est vrai qu’un parti est créé pour la conquête du pouvoir. Mais ma conception du pouvoir ne se trouve pas dans le fauteuil. J’essaie d’obtenir un quantum d’influences dans les rouages de l’État pour influer sur les grandes décisions. C’est ça le pouvoir.
Or ce quantum, vous pouvez l’avoir du moment où vous avez réussi aux élections locales, en contrôlant les villes de ce pays. Si vous faites mieux et que vous avez trois ou quatre provinces pour votre parti, cela vous donne encore plus. Si votre mobilisation et votre parti sont organisés de manière à avoir une certaine efficacité et que vous avez le pouvoir au niveau de l’Assemblée, c’est encore un grand pouvoir. Ma démarche, c’est de ne pas nécessairement viser un fauteuil.
Le fauteuil vient avec le concours de circonstances. C’est ainsi que j’aime me laisser au destin, et travailler pour aller dans un sens d’affirmation de notre volonté et de nos ambitions. Exclure l’obsession d’un fauteuil.
Vous seriez plutôt Premier ministre!
Un candidat Premier ministre! Pourquoi pas? Le dire ne suffit pas. Il faut avoir les moyens de le devenir. On ne peut être Premier ministre dans une démocratie sans avoir rassemblé la majorité parlementaire. Si nous travaillons bien comme parti et que nous nous inscrivons dans une plate-forme qui gagne, là, c’est une ambition légitime pour devenir Premier ministre.
Je ne manque pas d’atouts: expertise, compétence, potentiel de réussite, etc., oui, je crois que nous avons tout cela pour ce poste. Mais politiquement, il faudrait que toutes ces pièces se mettent ensemble afin de rendre l’ambition possible. Je crois que je dois être sincère, c’est peut-être l’objectif politique que je peux viser.
Comment pensez-vous y arriver, concrètement?
Dès que nous avons quitté le gouvernement, vous nous avez vu effectuer une tournée à travers tout le pays. Il s’agissait d’abord de me rendre compte de la santé de mon parti, au niveau de l’implantation et de la mobilisation, et aujourd’hui je suis très heureux de dire que notre parti présente un profil de parti émergeant.
Je ne peux parler en termes de grand parti, mais cela viendra à partir de la sanction du vote. Parti émergeant mais qui ne peut gagner tout seul aux élections parce que le paysage politique est assez atomisé. Dans notre pays, on compte plus de 238 partis politiques officiellement reconnus par le ministère de l’Intérieur. Dans un paysage aussi atomisé, aucun parti politique ne saurait gagner seul la majorité simple et se voir confier la majorité parlementaire. Il faut déployer le jeu d’alliances. Et nous nous travaillons dans ce sens.
Peut-on savoir dans quelle alliance allez-vous faire partie, et avec quels partis?
Je suis à l’aise. D’ailleurs, je ne crois pas que nous ayons assez de temps pour faire des faux-fuyants sur certaines questions stratégiques.
Nous voulons mettre en place une plate-forme qui va s’appeler «Lipanda»: Ligue des patriotes nationalistes pour la démocratie apaisée. C’est une plate-forme qui va compter au moins une dizaine de partis.
Nous avons d’ores et déjà produit un projet de charte qui déboucherait sur un programme commun. Dans une ou deux semaines, nous allons nous retrouver avec ces partis politiques pour lancer ensemble Lipanda, indépendance en Lingala.
Avec quels partis?
Je ne peux pour le moment vous répondre. Connaissant la classe politique de notre pays, je ne peux aller trop vite en besogne. Mais l’idée est là.
À votre Congrès, le parti de la majorité présidentielle française UMP était là. Comme il était là, à Kinshasa, lors du congrès du MLC et de celui du PPRD. Cela fait un peu désordre, non. L’UMP vous pousse-t-elle à vous mettre ensemble?
Le PANU est un parti centriste. Nos amis de l’UMP sont des Libéraux, comme nous. Nous avons quelques bases philosophiques communes. Je compte beaucoup d’amis dans les rangs de l’UMP par le fait de circonstances et de l’histoire. Nos chemins se sont croisés. Ils me connaissent. Ils apprécient ma pensée, mon approche politique.
Comment expliquez-vous la présence de l’UMP aux congrès du MLC, autant que du PPRD et du PANU?
Je me dis que ce sont des relations personnelles, d’homme à homme, qui agissent dans ce genre de questions. Je ne suis pas sûr que pour les autres, le lien porte sur une base idéologique, je ne crois pas. Si vous voyez bien l’UMP et le PPRD, je ne pense pas qu’il s’agisse d’un même filon idéologique. Par contre avec le MLC, il y a quelques similitudes. Le MLC a déclaré que sur le plan idéologique, ils se mettent au centre. Le MLC et le PANU se retrouvent un peu dans le même moule idéologique.
À ce que je sache, l’UMP n’est pas un parti centriste? Il est plutôt un parti de droite...
Mais c’est avant tout un parti libéral. Moi je dis toujours que le parti c’est comme l’homme. La main droite, c’est la main droite, c’est le capitalisme sauvage; le coude, c’est à peu près le libéralisme tout court. Vous venez à l’épaule, au centre, vous êtes effectivement centriste. De l’autre côté, c’est le communisme sauvage. Et au coude, ceux qui disent sociale démocratie aujourd’hui. Moi, je crois que le PPRD est un peu plus loin de l’UMP. Le PPRD est un parti de gauche. Il a proclamé qu’il fait de la sociale démocratie.
Il suffit de voir leur enracinement, c’est une œuvre de continuation du feu le président Laurent-Désiré Kabila. Lui-même, comme personne, vous savez dans quelle loge il était idéologiquement allié.
Pas de démocratie?
Qu’ils nous le disent! Ils le disent dans leur projet de société. Mais c’est vrai, sur le terrain, ils ont quand même subi l’influence des gens comme nous, les Libéraux.
Vous vous êtes-vous senti très vite mal à l’aise?
Tout au début, oui. Je me suis senti mal à l’aise par rapport aux programmations des uns et des autres. Je suis de ceux qui pensent que le Chef de l’État vit un parricide culturel.
Parricide culturel! On vous sait plus proche du fils que du père. Comment expliquer cela?
Je lui ai trouvé un sens d’écoute le jour de notre premier contact. J’ai trouvé dans le fils, la patience qui est une énergie pour la reconstruction. Si vous n’avez pas la patience, vous ne parviendrez pas à construire. J’ai trouvé aussi en lui un sens de l’essentiel, il ne s’éparpille pas dans beaucoup d’autres activités et des tâches qui épuisent l’énergie et éloigne de l’objectif stratégique.
Cela m’a beaucoup impressionné chez lui. Quand j’ai vu cela, je me suis dit étant donné son âge et le mien, il me fallait jouer un peu le rôle de protecteur intellectuel en quelque sorte. Pas du tout de protecteur politique. J’ai voulu d’abord que mon rôle autour de lui soit celui de l’élévation intellectuelle.
Et soudain, vous avez été évincé. Cela fut tout de même une surprise?
Moi, je n’étais pas surpris.
Vous le protégez, il vous protégeait...
C’est cela en quelque sorte.
Le Chef de l’État a fini par lâcher son protecteur. Comment expliquer cela?
Je n’appelle pas ça lâcher. Parce que beaucoup d’événements qui se déroulaient depuis je suis revenu au pays montraient bien qu’il m’a toujours protégé contre d’autres velléités qui s’exprimaient autour de lui en termes des réseaux d’influence. Il fut un temps où il me faisait jouer des rôles très importants et cela faisait monter en puissance l’animosité des uns, la jalousie des autres. Et moi aussi par mon esprit d’indépendance, j’avoue ne pas lui avoir facilité la tâche. La décision de créer mon propre parti politique n’était pas pour faciliter les choses.
Comment en êtes-vous arrivé à cela - créer un parti politique - alors que vous étiez à un poste stratégique au sein de l’alliance PPRD!
Je le savais. Mais sincèrement, je dois avouer aujourd’hui que je ne suis ni audacieux, ni trop téméraire. En quelque sorte l’idée était là. J’ai dit à tous que je n’étais pas d’accord quant à la façon dont le PPRD a été monté. On m’a appelé à plusieurs reprises pour signer l’acte fondateur du PPRD - j’ai refusé.
Et puis, il y a des gens qui disaient au Président: «Votre ministre ne peut pas nous faire ça»! Un jour, lui-même m’a posé la question. J’ai répondu que si j’entrais dans le PPRD ce serait sans aucun doute faire montre d’hypocrisie. Parce que ni sur le plan de l’idéologie ni sur le plan de personnalités qui engagent ce parti, je ne me sentais à l’aise. Alors fallait-il dire que j’étais PPRD parce que j’étais ministre des Finances? C’était me renier. Je gênais peut-être mais je tenais bon.
Vous acceptez d’occuper un poste qui appartient à une composante dont idéologiquement vous ne vous sentez pas proche!
Rappelez-vous que j’étais appelé au gouvernement avant le 30 juin 2003. Je suis entré au gouvernement en 2001. À l’époque, il n’y avait pas encore de notion de composante. Même en 2003, on parlait plutôt de la composante ex-Gouvernement, non du PPRD.
Le Chef de l’État a fait venir autour de lui des personnalités qui n’étaient pas nécessairement PPRD. C’est une erreur d’assimiler tout le temps le PPRD à l’ancien gouvernement. Mais entre 2001 et 2003, l’appareillage et le rouage de décisions politiques incluaient des gens qui n’étaient même pas au sein du gouvernement mais qui avaient une grande influence dans les décisions de l’État. C’est effectivement après 2003 que le PPRD est devenu une sorte de machine parce implantée un peu partout.
Ils ont prétendu que le poste de ministre des Finances appartenait au PPRD. Dès qu’ils m’ont dit cela, j’ai voulu le libérer séance tenante, lors d’une réunion mémorable où tous les caciques de ce parti étaient là, en présence du Chef de l’État. Le Président avait peut-être convoqué cette réunion expressément. Il voulait débattre de cette question. Alors j’ai dit: «si vous me dites que j’occupe un poste qui revient au PPRD, je le libère pour m’occuper de mon parti». J’ai remis ma démission.
Monsieur le Ministre, on vous dit Franc-maçon...
Je vais vous dire: ce n’est pas une honte aujourd’hui. Je suis Franc-maçon et pas le moindre. Je suis Grand officier de la Grande loge nationale française.
C’est ce qui vous rapproche de la France?
Pas seulement de la France. Ceux qui connaissent notre obédience vous diront que nous devrons être beaucoup plus proches de l’Angleterre. En réalité, j’ai des amis partout dans le monde.
C’est la première fois que vous le dites?
C’est la première fois que moi-même j’en parle à la presse. Parce vous m’avez posé directement la question, alors je réponds directement.
Vous n’étiez pas obligé de répondre…
Moi je n’ai pas peur d’en parler. Le secret n’est plus ce qu’il était hier. Les choses ont évolué.
Qu’est ce que cela représente pour vous être Franc-maçon, Grand Officier de la Grande Loge nationale Française, en R-dCongo?
Tous les Grands maçons de l’obédience à laquelle j’appartiens sont fiers de l’être. Les grands savants de ce monde ont tous été presque maçons. J’ai atteint le dernier degré de la Maçonnerie. J’ai initié beaucoup de chefs d’État.
La Franc-maçonnerie, c’est l’école de l’excellence. Elle m’a beaucoup apporté en termes d’exigence morale et intellectuelle. Il y a des contrevérités qui circulent autour de la Franc-maçonnerie. L’obédience à laquelle j’appartiens nous oblige à croire à Dieu et à le servir.
Votre loge était-elle intervenue lors de l’élection de Z’ahidi Arthur Ngoma à la Vice-présidence de la République?
Vous me dites des choses.
Que peut-on retenir de votre passage comme gouverneur de la Banque mondiale?
Je savais que j’avais la responsabilité de la politique économique de mon pays, un État en situation post-conflit, avec une économie déséquilibrée et désarticulée. J’ai largement contribué à la mise en place du programme économique actuel, depuis le temps où j’étais ministre de l’Agriculture.
J’étais bien outillé pour défendre la politique économique de mon pays et aussi celle de nombreux pays africains. C’est ainsi que lorsqu’il s’est agi de désigner un gouverneur africain, la plupart de mes collègues africains, même européens et américains ont pensé à moi. Ils ont écrit au Chef de l’État pour ce faire. Celui-ci a présenté mon dossier.
La corruption, une malade endémique qui ronge le secteur de l’économie et des finances en R-dCongo. Vous le saviez quand vous étiez aux affaires. Qu’avez-vous fait pour y remédier?
La corruption, j’ai peur de le dire, mais c’est devenu un simple fait de société. Alors, ce n’est pas seulement sous l’angle économique et financier qu’il faut le traiter. Cela nécessite une intervention sur différents angles politiques en vue d’arrêter le fléau. Il y a d’autres voies de solutions purement juridiques et judiciaires. Un ministre, quelque soit sa compétence, ne peut faire grand’chose en cette matière. Il n’ira jamais loin. Il faut faire des innovations pour arrêter le fléau. Il faut un effort collectif.
Que voulez-vous dire? Avez-vous rencontré des obstacles dans vos fonctions en rapport avec une ambition d’innovations?
Le dire ainsi serait malhonnête. Le programme dont j’avais la responsabilité avait des éléments innovateurs de lutte contre la corruption. C’est le cas de la chaîne de la dépense. Croyez-moi ce n’était pas facile de mettre ce système en place! Le ministre que j’étais était l’ordonnateur du Trésor. Je pouvais engager les dépenses et les ordonnancer, la loi me le permettait.
Mais j’ai dit non. C’est ce pouvoir exorbitant qui a rendu folles certaines personnes. Moi, je décidais de ne pas autoriser des dépenses que je n’avais pas engagées. J’ai voulu que l’engagement ne soit pas seulement une procédure du Trésor mais également une procédure budgétaire. Donc, j’ai fait une concession de taille. Tout ça était dans l’intention d’innover. Je n’aime pas travailler dans les urgences. J’ai toujours refusé d’être surpris par des urgences.
Est-ce le régime d’austérité que vous avez engagé qui vous a coûté votre poste?
Non ce n’est pas dans les dépenses que j’ai eu des problèmes. C’est dans les recettes. Rappelez-vous la lutte que j’ai menée pour que nombre de recettes de l’État éparpillées ça et là soient canalisées vers le seul Trésor.
Je n’ai pas hésité à écrire au Chef de l’État et à lui dire que la remise en cause de la loi budgétaire qui visait à récupérer des recettes et à les canaliser ailleurs était de nature à nous créer des problèmes. Ce sont des personnes qui sont dans l’ombre qui m’ont créé le plus de problèmes.
Quelle chance donnez-vous au PÉG et, par conséquent, au point d’achèvement?
Il y a des signaux qui montrent que nous n’allons pas atteindre le point d’achèvement prévu normalement fin 2006 dans le calendrier initial. On l’a vu avec la dernière mission du FMI, chacun avait son rapport. Le point d’achèvement ne saurait certainement arriver qu’en 2007 ou en 2008.
Avec quelles conséquences?
Des conséquences énormes. Nous risquons de revisiter le PÉG, de lui donner des nouveaux objectifs - ce qui serait vraiment dommage parce que là, nous ne donnerions pas l’impression que nous sommes dans une dynamique évolutive. Nous traînons quelque part les pieds.
S’il vous est demandé de juger votre successeur aux Finances, les mesures qu’il a prises. Est-il dans le droit chemin de la politique que vous avez initiée ou a-t-il changé? Va-t-il dans la bonne direction?
Je ne peux répondre à cette question. J’ai ici le devoir de réserve en tant qu’ancien ministre des Finances. Toute déclaration de ma part, dans un sens ou dans l’autre, risquerait de poser des problèmes de gestion et d’orientation politique à mon successeur.
Deux ONGs britanniques et belges attestent que c’est la Banque mondiale qui couvrent des opérations maffieuses en R-dCongo, particulièrement dans le secteur minier. Qu’en dites-vous?
Les ONGs dans le monde sont connues pour leur activisme. La Banque mondiale est une institution qui a une grande expérience de développement, une expérience de soixante ans. Certes, ils ont commis des erreurs ça et là, je les reconnais. Ils les reconnaissent aussi. En ce qui concerne notre pays, avant même que la Banque mondiale ne vienne, le désordre était total, une sorte d’El dorado, de Far West.
Je me suis personnellement rendu dans des provinces minières. J’ai trouvé une sorte d’exploitation sauvage qui se faisait n’importe où et de n’importe quelle manière. Des arrangements maffieux. Avec la Banque mondiale, nous nous sommes dit que les choses doivent se dérouler selon des normes. Nous avons mis en place le code minier, le Cadastre minier.
En faisant cela, vous ne pouvez dire que la Banque mondiale soit en train d’encourager de la mauvaise gouvernance, non. Le problème, c’est la mentalité de nos compatriotes eux-mêmes. Il y a des opérateurs indélicats dans tous les domaines économiques de notre pays. Particulièrement dans les secteurs miniers. Quand on essaie de coincer, de mettre de l’ordre, certains intérêts se sentent visés. Ils ont les moyens d’activer des ONGs qui semblent faire l’avocat des intérêts menacés.
Avez-vous un commentaire à faire sur l’affaire Olivier Kamitatu qui fait actuellement rage?
Nous parlons beaucoup au nom du droit et de l’État de droit. Et quelques fois au nom de la politique. Il y a un domaine où nous ne faisons aucun effort. Il s’agit du domaine de morale, de conscience. Je dis avoir de l’admiration pour mon ami Vincent de Paul Lunda- Bululu. Quand il a quitté le MLC, il a rendu le mandat. Il n’est pas question de dire que je suis tel ou tel, que je suis couvert par telle ou telle loi. Votre conscience doit vous guider, sachant que vous avez causé du tort à un groupe. C’est regrettable.
À l’occasion du congrès de votre partie, de votre nomination comme président du PANU, qu’avez-vous à dire alors que le pays se trouve à la veille des élections générales?
Je formule le vœu, celui de voir d’abord les militantes et militants prendre conscience de la grandeur de la lutte que nous menons, d’être convaincus de ce que nous faisons parce que ils étaient si loin de nous. Ils n’entendaient nos propos que de loin.
Et maintenant qu’ensemble nous nous retrouvons, je suis sûr que ce congrès va leur donner un esprit de corps. Et ils vont pouvoir rentrer dans leurs bases respectives avec une nouvelle vigueur pour mobiliser davantage afin de remporter des élections futures. En ce qui concerne le sort de notre pays qui ne peut qu’être défendu par des partis comme le nôtre, nous souhaitons que le PANU se mette ensemble avec d’autres partis qui ont sans doute reconnu sa puissance lors de ce congrès.
Nous créerons cette plate-forme dont je parlais, Lipanda, de telle manière que nous puissions ensemble gagner des élections. Pas seulement pour notre triomphe, mais les gagner pour qu’au moins le pays puisse avoir pas seulement des dirigeants compétents mais également moralement engagés avec un sens de civisme et de patriotisme afin de changer tout ce qui ne va pas dans notre pays. Je prie Dieu pour qu’il nous aide dans cette entreprise-là.
Que son inspiration soit avec nous afin que les choses évoluent bien autant pour nous que pour notre pays, parce des petits incidents peuvent nous conduire à des crises inutiles. J’en appelle au patriotisme, à la conscience de tous les acteurs politiques, les leaders d’opinion afin que nous regardions tous dans la même direction pour faire avancer le processus électoral. Et que nous ayons nos élections.
Vous avez dit élections?
On voit bien que nous n’allons pas respecter le délai constitutionnel. Mais je crois fermement à la tenue à des élections. Nous ne devons pas nous perdre parce que nous n’avons pas respecté le calendrier. Nous pouvons ajouter deux ou trois mois, mais il faut que nous soyons rassurés après cette prolongation, nous aurons effectivement des élections, des nouvelles institutions.
Pour ce faire, ne faudrait-il pas une redéfinition du jeu politique?
Je suis de ceux qui pensent que puisque le délai du 30 juin ne sera pas respecté, il faudrait nécessairement revisiter le consensus. Car ce que nous avons fait n’était pas toujours parfait, il y a encore du chemin à faire. Comment nous pouvons le réussir? Qui peut venir encore renforcer notre élan? Cela doit se discuter dans un consensus. Avec quelle feuille de route? Dans le cas où la prolongation dépasse les trois mois, si nous pouvons avoir de nouvelles institutions qu’en octobre, il nous faut trouver un nouveau consensus.
On vous a vu entamer votre première tournée à travers le pays par Kikwit, quelle signification donner à cela?
Kikwit, c’est ma deuxième ville d’adoption. J’ai fait mes études secondaires à l’institut Saint François Xavier. Mais je suis arrivé là par hasard. En 1910, ma famille qui était une famille cheffale du clan Diishi a été reléguée dans la province de Léopoldville d’alors, à la suite d’une dispute avec un autre clan. Les colons ont estimé que ma famille était une famille trouble-fête. Et le site qui a été trouvé était Idiofa. Mon père a grandi là-bas. Il y fera des études et trouvera du travail. Il était le premier cadre de la Compagnie de l’Équateur et du Kasaï, CKE.
Quand il a eu sa retraite en 1955, il a regagné le Kasaï. Mais il a tenu à ce que je poursuive mes études dans la province de Léopoldville qui réunissait à l’époque l’actuel Bandundu et le Bas-Congo, où je suis allé poursuivre mes études. Suite à l’acculturation, mon nom qui commençait par la lettre «m», Mfuta avait son initial pour devenir Futa. Mais mes expériences d’enfance, mes amis les plus proches, ceux qui m’ont connu sont tous de Bandundu. Et ils sont nombreux.
Et vous en parlez aussi la langue?
J’ai longtemps parlé. Mais les 30 ans que j’ai passés à l’extérieur m’ont fait perdre les langues du pays. Aujourd’hui, j’essaie de reparler les quatre langues du pays. On ne peut pas me critiquer. Dans une conservation, je chercherais quelques mots. Je peux donner des discours en quatre langues en lisant bien. Bientôt je veux davantage me retrouver, aussitôt que je retombe dans le bain à Kikwit ou ailleurs.
Source : lesoftonline.net
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