La plupart des grandes religions ont instauré des normes alimentaires. Un colloque organisé par l’Association française de sciences sociales des religions (AFSR) au CNRS, au début de la semaine du 6 au 12 février, a permis de faire le point sur ces dispositions, qui vont de l’interdit sur certains aliments aux périodes d’abstinence et de jeûne, en passant par la manière d’abattre et de consommer les animaux.
Dans le christianisme, à la différence du judaïsme et de l’islam, on ne fait pas de distinction entre aliments purs et impurs, et il n’existe pas d’interdits alimentaires absolus. Ainsi, la consommation de porc ne pose pas de problème pour un chrétien.
Quant aux prescriptions de jeûne, le concile Vatican II (1962-65) les a assouplies : l’abstinence de viande du vendredi a été supprimée, sauf pendant le Carême. Aujourd’hui, l’Église catholique demande aux fidèles de «faire pénitence» chaque vendredi, ainsi que de jeûner et de s’abstenir de viande le Mercredi des Cendres (marquant l’entrée en Carême) et le Vendredi saint. L’orthodoxie, elle, a des dispositions plus contraignantes, notamment pour les temps de l’Avent et du Carême.
Malgré la sécularisation des sociétés, la nourriture demeure l’un des principaux marqueurs de l’identité religieuse, de la mémoire familiale et du lien social. Certes, nombre de ces prescriptions bénéficient de petits aménagements, voire de transgressions. Certaines ont bénéficié depuis longtemps de dérogations.
Reconfiguration de la religion chinoise
Or, «d’après les tenants de la diététique traditionnelle, seules la graisse et la viande sont capables de couvrir ce besoin de récupération énergétique exceptionnel». La fête de Pâques se clôt le dimanche avec une corrida au cours de laquelle six taureaux sacrifiés fournissent de la viande en abondance.
En Chine populaire et à Taïwan, l’alimentation remplit une fonction éminente dans l’identité religieuse. «Les pratiques végétariennes occupent un rôle très important lié à la reconfiguration actuelle de la religion chinoise, sorte de cohabitation entre le bouddhisme, le taoïsme et le culte des ancêtres», explique Vincent Goossaert, historien au Groupe sociétés, religions, laïcités. Suivant le calendrier traditionnel, les Chinois pratiquent un jeûne lié à la purification rituelle, avec abstinence de viande mais aussi parfois d’œufs, de lait, de plantes alliacées et d’alcool.
Les pratiques alimentaires se substituent à la pratique religieuse
Enfin, dans le judaïsme, même dans certaines familles non croyantes et sans grande culture religieuse vivant en France, on constate que les pratiques alimentaires restent significatives. «Elles se substituent à une culture religieuse et deviennent le symbole d’une identité juive, au cœur d’une mémoire familiale, d’un groupe», analyse Séverine Mathieu, sociologue des religions à l’Ephe. La préparation de plats – pour laquelle les jeunes gens mettent dorénavant la main à la pâte – permet de transmettre un judaïsme sécularisé.
Ainsi, dans des contextes de pluralité religieuse et de mobilité, l’alimentation représente un marqueur d’identité, un lien persistant au religieux dans les processus de sécularisation.
Denis SERGENT
Source : La Croix
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