Enfin, il faut préciser, dans la version européenne de Time Magazine. Comme si, pour les Américains ou les Asiatiques, c'est une question bien trop subalterne pour qu'elle les intéresse que la "mort de la culture française".
Ce simple fait en dit long sur le chemin qu'il nous reste à parcourir pour retouver une certaine crédibilité internationale ....
Cet article qui a mis le feu au poudre dans le landernau culturel français. Bien entendu à juste titre.
Il faut dire que depuis quelques mois l'exemple vient de haut. A force de fréquenter Chimène Badi, Didier Barbelivien et Johnny Hallyday, Nicolas Sarkozy est arrivé en peu de temps à hisser la fonction présidentielle au niveau d'un technico-commercial VRP-multicartes. Son inculture revendiquée et assumée (à peine réhaussée parfois de citations historiques d'Henri Guaino) devrait pourtant nous servir de modèle... Et je ne parle pas de la lamentable pipolisation de sa vie sentimentale affichée...
Ah qu'il semble loin le termps où François Mitterrand pouvait parler de Lamartine, de Paul Morand, d'Albert Cohen en récitant sans note des passages entiers de leurs oeuvres... Sarkozy sait-il seulement qui est Paul Morand (pourtant écrivain "de droite")? Il est vrai que Sarkozy préfère le Fouquet's et le yacht Bolloré à la roche de Solutré et à Vélezay. Ô tempora, ô mores...
Don Morrison donne parfois des exemples limites dans son article. Et il est de bon ton dans une certaine partie de l'intelligentia américaine de se moquer de la gloire - passée - de la France. Mais comment aussi ne pas voir dans son article quelque chose comme un amour déçu... ? La France n'est plus à la hauteur de ses espérances, voire de son amour pour elle.
Il veut bien que la France bassine le monde entier à coups "d'exception culturelle" à chaque sommet international... Encore faut-il que la culture française mérite encore cette exception !
Je ne partage qu'à moitié son argumentation sur le fait que se sont les aides de l'Etat et le protectionnisme de l'industrie cinématographique qui font que les créateurs ne travaillent pas pour le public.
Pourtant, un certain nombrilisme guette et risque de laisser la création en vase clos. Il ne faut plus avoir peur du succès et de la création comprise pour le plus grand nombre. Après tout "Les Enfants du paradis" a bien été un grand succès populaire ! Et je pourrais multiplier les exemples!
Question plus grave et pourtant plus pertinente et surtout qui fait plus mal... Le déclin de la culture française ne correspond t'elle pas tout simplement au déclin de la France dans le monde ?
J'ai été surpris un jour par une question de mon fils et il n'en a pas moins été surpris par ma réponse. Il me demandait combien de langues parlait Voltaire pour être compris par le roi d'Angleterre, le Tsar (ou la Tsarine de Russie), l'Empereur d'Autriche ou le roi de Prusse. Je lui ai répondu : une seule, le français. Ce n'est pas Voltaire qui parlait plusieurs langues, mais les rois et empereurs qui parlaient la sienne, le français.
Mais le siècle de Sarkozy n'est ni celui de Louis XIV ni celui des Lumières. Ce grand siècle où la pensée française éclairait le monde : Celui de Voltaire et de Rousseau, de Montesquieu, de d'Alembert et de Diderot, mais aussi de tant de "français d'adoptions et de coeur" à l'image d'un Benjamin Franklin ou d'un Goldoni...
La France se perd d'abord par rapport à elle-même, par rapport à son génie et à son Histoire. Comment peut-elle être fidèle à elle-même lorsque notre président déploie le tapis touge devant le terroriste Khadafi, félicite le dictateur Poutine après des élections truquées et courbe l'échine devant les exploiteurs chinois? Avec Sarkozy ce n'est plus les droits de l'Homme, c'est le droit des affaires. "La politique de la France ne se fait pas à la corbeille" disait de Gaulle. Comme quoi, même le gaullisme est bien mort.
C'est le replis sur soi qui est mortel : Lorsque les écrivains écrivent hexagonal, les penseurs pensent hexagonal, les cinéastes filment hexagonal. La France n'est vraiment le France que lorsqu'elle est plus grande qu'elle même, lorsqu'elle porte des espérances qui la transcende. Lorsque l'hexagonal est porté hors de ses frontières.
Lorsque la France ne se dilue pas dans une Europe de technocrates et de marchands. La France n'a pas vocation a avoir une âme de boutiquier servile. Ce n'est pas son destin historique. Ou alors, à force de renier son histoire, elle n'aura plus de destin.
Nos législateurs en 1789 n'ont pas écrit une déclaration des droits des français, mais une déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen à vocation universelle. Certes avec immodestie, mais c'est en cela que le génie français est grand. C'est en cela qu'il est si particulier et si universel.
Je me souviens encore de François Mitterrand descendant en voiture la grande avenue de Buenos Aires après la chute de la dictature argentine. Le peuple argentin, sur son passage, chantait La Marseillaise en français. Quelle belle image et quelle fierté ! Ce peuple n'aurait pas chanté un autre hymne national au passage d'un autre chef d'Etat étranger. L'hymne national français est aussi (pour combien de temps encore avec Sarkozy?) l'hymne universel des peuples opprimés. N'en déplaise aux esprits chagrins, ces peuples ne chantent ni l'hymne allemand, ni l'hymne britannique, ni l'hymne espagnol... ni même l'hymne européen!
C'est cela aussi la culture française.
Et pour faire rayonner cette culture française, encore faut-il la faire connaître. Au lieu de faire cette ridicule politique de restriction des visas pour les étrangers, la France devrait au contraire accueillir massivement et former les élites des pays émergeants. Comme le font des pays comme le Canada ou les Etats-Unis. De retour chez eux, ces élites seraient alors les premières à promouvoir la culture française.
Alors à nos écrivains, historiens, chercheurs, poètes, musiciens, professeurs, hommes politiques à se retrousser les manches et à ne plus avoir peur d'être ce qu'ils sont, à écrire, à penser et à agir pour la France et au delà de la France.
C'est un effort énorme. Certains pensent - et surtout en France - qu'il est déjà trop tard et qu'il faut se résigner. Ce n'est pas mon avis. Encore faut-il en avoir la volonté. La méthode Coué (encore une invention française) ça marche. Avec de l'énergie, des moyens... et du talent. Sans arrogance, sans suffisance, sans vouloir donner des leçons au monde entier.
C'est cela aussi, l'esprit français.
Pour aller plus loin :
° Time magazine : "The death of french culture".
Commenter cet article