Ariel Sharon a d'ores et déjà gagné son pari. En quittant le Likoud et en créant son propre parti, Kadima, le premier ministre israélien s'est placé dans des conditions idéales pour se succéder à lui-même au soir des élections anticipées du 28 mars 2006.
M. Sharon avait quitté, le 21 novembre, la formation qu'il avait contribué à forger il y a près de trente ans avec un petit groupe de fidèles, dont le ministre des finances, Ehoud Olmert, et la ministre de la justice, Tzipi Livni.
Après avoir reçu le renfort de dissidents du Parti travailliste, dont Shimon Pérès, candidat malheureux à la direction de la formation de gauche, M. Sharon a élargi son mouvement sur la droite en enregistrant de nouvelles adhésions de "likoudniks".
Le responsable du comité central de ce parti, Tzahi Hanegbi, a sauté le pas le 7 décembre, en dépit de ses positions idéologiques nationalistes. Il s'était ainsi opposé au plan de retrait de Gaza défendu par M. Sharon, tout en restant au gouvernement, contrairement au grand rival du premier ministre, Benyamin Nétanyahou, qui avait préféré démissionner à la veille de l'évacuation forcée des colons. M. Hanegbi a été suivi, dimanche 11 décembre, par le ministre de la défense, Shaul Mofaz. Ancien chef d'état-major de l'armée israélienne, ce dernier entendait récemment conduire la liste du Likoud aux législatives.
Régulièrement devancé par M. Nétanyahou dans les intentions de vote mesurées par les instituts de sondage israéliens, M. Mofaz a tourné casaque. Il a indiqué qu'il avait reçu l'assurance de M. Sharon qu'il continuerait à occuper les fonctions de ministre de la défense après les élections du 28 mars, en cas de victoire de Kadima. "La combinaison que nous constituons, le premier ministre et moi, a fait ses preuves de manière convaincante et constitue une bonne combinaison pour gouverner le pays à l'avenir", a assuré, dimanche, M. Mofaz, lors d'une conférence de presse.
Ces ralliements ont été accompagnés par ceux de personnalités israéliennes. Président du Centre interdisciplinaire de Herzliya, considéré comme l'inspirateur de la formation ultralaïque Shinouï, Uriel Reichmann a rompu avec ce parti d'inspiration libérale qui était devenu, à la surprise générale, le troisième parti de la Knesset aux élections de 2003 et qui devrait singulièrement pâtir de la popularité naissante de Kadima. Avi Dichter, qui occupait jusqu'en mai les fonctions de directeur du service de sécurité intérieure israélien, a également décidé de rejoindre M. Sharon. M. Dichter était réputé pour son intransigeance dans la répression de l'Intifada palestinienne.
Dans les sondages, Kadima a pris un net ascendant sur le Parti travailliste dirigé par Amir Peretz. Les intentions de vote font état d'un écart allant quasiment du simple au double (22 sièges pour les travaillistes contre 39 pour le parti de M. Sharon), alors que le Likoud pourrait, si la tendance se confirme, enregistrer, avec moins de 15 sièges, le plus mauvais résultat de son histoire.
L'attentat-suicide survenu à Netanya le 5 décembre, qui a causé la mort de cinq Israéliens, a renforcé M. Sharon, jugé plus crédible sur les questions de défense que M. Peretz. Elu à la tête du Parti travailliste sur un programme social, ce dernier aura du mal à imposer ses thèmes de prédilection pendant la campagne si la situation sécuritaire se détériore.
Source : Le Monde
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