Francis Bardot est membre de la Grande Loge de l’Alliance Maçonnique Française (GL-AMF), et également 33ème degré du Rite Ecossais Ancien et Accepté au sein de la juridiction du Suprême Conseil pour la France.
Il va fêter cette année ses 41 ans de Maçonnerie.
Il fut durant de nombreuses années Vénérable Maître de la loge de recherche de la Grande Loge Nationale Française (GLNF), la loge Villard de Honnecourt.
Il a été le chef d’Orchestre (si l’on peut dire) du grand colloque organisé par la GL-AMF à La Défense le 22 novembre 2014 sur le thème du « Sens de la Vie », colloque qui a connu un très beau succès.
Francis Bardot est également responsable des « Rencontres Ecossaises » qui réunissent chaque année des frères sur Suprême Conseil de France, du Suprême Conseil pour la France et du Suprême Conseil Féminin de France.
Francis n’a plus de responsabilité obédientielle au sein de la GL-AMF. Mais c’est de son perchoir « intellectualo – spirituel » qu’il s’exprime, et sa parole en est d’autant plus forte.
Il est une voix écoutée et respectée de la Franc-Maçonnerie Française aujourd'hui.
Je suis très heureux qu’il ai choisi mon bloc-notes pour publier son texte que vous pouvez lire ci-dessous.
Jean-Laurent Turbet
DE LA FM FRANÇAISE COMME DE L’EMPIRE BYZANTIN
LETTRE OUVERTE SUR LA POLITIQUE DES OBÉDIENCES FRANÇAISES
Et si la plupart de nos responsables et dignitaires d’obédiences ne valaient pas mieux que de vulgaires hommes politiques, uniquement préoccupés d’occuper des postes, d’y accéder et de s’y maintenir ?
Si leur souci premier, exclusif, n’était pas de servir le projet d’une maçonnerie utile au bonheur de l’humanité, soucieuse de fraternité universelle, éprise de spiritualité, préoccupée de n’utiliser ses forces et son énergie que pour établir, défendre et célébrer cette transcendance universelle qu’est la conscience de la dignité humaine, présente en chacun et unissant le genre tout entier ?
Vous avez dit fraternité ? Lisez les blogs ! L’agressivité qui s’y déchaîne, le mépris qui s’y exprime, les condamnations qui s’y multiplient sans la moindre retenue de vocabulaire (ni tenue grammaticale…..) fleurent bon l’esprit de tribu, chaque clocher s’auto célébrant dans sa certitude de pratiquer la vraie maçonnerie et stigmatisant les erreurs, les égarements et les turpitudes supposées des uns et des autres.
La franc-maçonnerie française est à l’image des guerres gothiques mises en scène par les albums d’Uderzo et Goscinny, et beaucoup de nos grands maîtres pourraient y être reconnus dans les personnages de Téléféric, Passemoilcric ou autres !
À cette différence près qu’ils ne s’affrontent que par blogs téléguidés, tenus par leurs “Chloridric“ respectifs, eux-mêmes faisant entre eux assaut de bises fraternelles et grimaces rituelles.
Et les Frères sont conviés à suivre ! Tandis qu’à la GLNF on continue de proclamer dans les ateliers que la seule maçonnerie régulière est celle que reconnaît l’Angleterre, professant un mépris souverain des obédiences sociétales, le grand maître d’icelle joue embrassons-nous, Folleville avec celui du GO dans l’enthousiasme nouveau d’un Yalta obédientiel destiné à se partager la clientèle des FF de France, et d’étouffer les copains !
Tandis que nos épouses, amies et compagnes sont reléguées dans l’irrégularité sociétale (ainsi considérée par la GLNF) et privées du choix d’une maçonnerie résolument spirituelle, la loge de recherche de la même GLNF programme une conférence sur l’initiation féminine !.....
Tandis que tente de se créer dans le pays un regroupement large et ouvert des obédiences régulières qui n’entendent pas continuer de subir le dictat d’une maçonnerie anglo-saxonne, depuis longtemps vidée d’elle-même et réduite à un désuet gala des emplumés, à qui ne reste que le discutable privilège de
décerner aux autres les certificats d’une authenticité qu’elle a elle-même perdue, le pourtant brillant GM de la GLDF se laisse impressionner par des considérations purement électorales.
Ainsi s’écroula l’Empire Byzantin ! Tandis qu’attaquaient les Wisigoths, Huns, Ostrogoths (voyez que mon rapprochement avec Astérix n’était pas si incongru), mais aussi les Bulgares et le naissant empire musulman, ou encore les Avars et Lombards, les hiérarques se disputaient et partageaient eux aussi le pouvoir. Ils s’empêtraient eux aussi dans des querelles obédientielles qui s’appelaient alors monophysisme, iconoclasme, monothélisme (si !) et bien d’autres encore.
Et tout cela, déjà, en mettant de côté les hommes de spiritualité ; sans la déportation de Jean Chrysostome, le cours des choses eût été changé, lui qui disait : « Toi, le pur, ne vaudrait-il pas mieux devenir moins vigoureux, mais gagner les autres, que de rester sur tes sommets à contempler avec indifférence tes frères qui se perdent?»
Ainsi enfin s’exprimait le Roi Ferrante s’adressant à son fils Don Pedro : “Vous êtes petit, et vous rapetissez tout à votre mesure“, “Vous êtes vide de tout, et d’abord de vous-même“, terminant sa diatribe par un solennel “En prison, en prison pour médiocrité“.
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Comme l’Empire Byzantin, ou comme nos hommes politiques, allons-nous continuer de nous préoccuper de nos petites affaires obédientielles quand montent l’égoïsme, le communautarisme, le matérialisme consumériste, et quand le monde se fait écho des violences et fanatismes, nous envoyant tant d’images de détresse humaines. Peut-on parler d’obédiences à Lampedusa, Marseille Nord ou Hénin Beaumont ?
Les métaux les plus encombrants sont pour nous nos attachements maçonniques de type tribal, et nos rivalités de clubs de foot ! Nous occuper de nos guéguerres et concurrences au lieu de notre commun idéal de fraternité est une indignité.
En février 2011, vilipendant les errances stifaniennes au sommet de la GLNF, je proposais un projet où figuraient les lignes suivantes :
“Pour être bref, disons ceci : l’humanité ne se partage pas entre croyants et athées mais en
spiritualistes-humanistes, d’une part, et matérialistes de l’autre.
L’avenir de l’humanité dépend de la réunion de tous ceux qui mettent au centre de leurs préoccupations la Dignité Humaine.
Les spiritualistes modérés et non dogmatiques, que sont les maçons réguliers, et les adeptes non intégristes des religions révélées le font en référence à un Créateur transcendant, qui fit l’homme à son image.
Mais les humanistes agnostiques ou athées ont la même préoccupation, et ils font de cette dignité une véritable transcendance. Rechercher ce qui est commun à tous sous les apparentes diversités, trouver l’Homme sous les individus, voilà le but commun à l’Humanisme et à la Franc-Maçonnerie de toutes obédiences……
Ensemble, et à la suite de Pic de la Mirandole, nous pouvons et devons promouvoir une morale universelle dont la base soit la reconnaissance et la défense de cette dignité.
Pour le maçon comme pour l’humaniste en effet, la morale n’est pas acceptation d’une loi comme telle, mais accès à un niveau de conscience qui les fait contribuer à ce qui sert la dignité humaine.
Comme le dit Luc Ferry, dans L'Homme-Dieu ou le Sens de la vie : « Parler d'humanisme transcendantal, c'est affirmer le mystère au cœur de l'être humain, sa capacité à s'affranchir du mécanisme qui règne sans partage dans le monde non humain et permet à la science de le prévoir et de le connaître sans fin...
Si le Bien et le Mal ont un sens, s'ils doivent en avoir un, il faut que je suppose l'homme capable de choisir entre eux...
Le sacré nous semble se situer au cœur de l'humain lui-même.
Et c'est en quoi l'humanisme transcendantal est un humanisme de l'homme-Dieu.
Si les hommes n'étaient pas en quelque façon des dieux, ils ne seraient pas des hommes.
Il faut supposer en eux quelque chose de sacré ou bien accepter de les réduire à l'animalité. »
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Être au pouvoir, dans les obédiences comme pour les hommes politiques, c’est trop souvent attiser ce qui divise. C’est flatter le sentiment d’appartenir à la bonne “obédience-parti“, c’est pratiquer le velléitarisme incantatoire de stade de foot, par lequel on répète à l’envi “c’est nous qu’on est les plus forts parce que les plus nombreux, les vrais maçons parce que les plus influents“.
En l’absence de vrai projet d’envergure, de réelle profondeur de pensée (croire en Dieu ou défendre la laïcité ne fait pas en soi un projet, pas même un programme), il ne reste à nos élites et dignitaires qu’à se maintenir en flattant le tribalisme, comme un vulgaire propagateur du FN : “vive nous, les consciences républicaines“, ou “merci mon Dieu de n’être pas un de ces maçons mécréants“ !
En fait, il y a bien longtemps que les Frères ont, dans leur quasi totalité, un point de vue de fraternité et de tolérance qui conduit à des pratiques maçonniques civilisées faisant fi des hypocrisies obédientielles :
- les inter-visites sont pratiquées librement et sans mauvaise conscience dans les grandes villes parce qu’elles passent inaperçues et en province parce que les ami(e)s sont dispersé(e)s dans les obédiences,
- les frères ont pris l’habitude de diriger les profanes qu’ils parrainent vers les obédiences qui semblent convenir à la recherche de leurs amis
- les colloques et conférences – voir par exemple les Rencontres Écossaises – sont ouvertes à toutes et tous, tant du côté des conférenciers que de celui de l’audience
- les frères et sœurs plus “spiritualistes“ s’intéressent aux préoccupations des obédiences “sociétales“ qui leur paraissent authentiquement soucieuses de dignité humaine, et réciproquement
- les obédiences “régulières“ sont depuis longtemps remplies de FF qui sont, au plus, agnostiques, et l’on rencontre des mystiques au GO, et c’est heureux dans les deux cas.
Alors ? Tout est-il dans tout et réciproquement ?
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Si nous voulons diriger les profanes que nous parrainons vers les obédiences qui leur conviennent assumons collectivement un patrimoine maçonnique français et pluriel qui nous soit commun dans sa diversité, et complétons-le.
Très schématiquement, on peut dire que sont occupées les 3 postures suivantes :
1 - Croyance en Dieu (en gros celui des religions révélées), credo quia obligatus sum = GLNF
Les FF sont supposés croire tous en “Dieu“, même si on ne sait pas trop ce que ce nom veut dire (ce n’est pas moi, c’est Maître Eckhart qui l’affirmait).
2 - Référence à un GADLU - concept/symbole, indispensable au fonctionnement de la symbolique maçonnique = GLDF. Les FF croient ou non, c’est l’affaire de chacun, la transcendance étant ici une sorte de “centrale à inertie“, l’existence d’un véritable pôle nord n’étant pas énoncée.
3 - Pas de référence à un GADLU, la transcendance étant exclue de la pratique maçonnique = GODF. Cette laïcité maçonnique n’interdit pas à un F de pratiquer une religion, ni même à certaines loges d’avoir une pratique très spirituelle.
A regarder de près ce trop schématique résumé, (car chaque position est en fait représentée au sein de chaque obédience), on voit bien qu’il y manque une position, qui serait deuxième selon l’ordre de décroissance transcendantale choisie :
4 Reconnaissance d’une transcendance effective, mais de l’ordre du mystère, et que chacun peut appréhender comme il veut : Dieu, Déité, Principe néo-platonicien, etc
C’est personnellement la position que je souhaiterais voir tenue par la GL-AMF…….
La tolérance demeure un mot déplaisant, qui sous-entend toujours que l’on se fait violence pour accepter l’autre et ses idées. Je lui préfère celui de bienveillance, et, en FM, d’hospitalité de l’esprit.
Visitons !
Hospitalité. Recevoir chez soi, accueillir dans sa maison. Une maison que l’on fait alors belle pour les autres autant que pour soi. Accueillir chez soi, c’est ouvrir son âme à l’autre en la mettant poétiquement et musicalement en scène par le reflet qu’en propose la décoration de son cadre de vie.
À cet égard, on peut affirmer
- Que seuls les gens de profondes et calmes convictions sont tolérants.
- Qu’on ne peut dialoguer qu’à partir de ce que l’on est, et non de ce que l’on veut paraître.
- Qu’il n’existe de transcendance perceptible que par et dans le dialogue : cela commence par la Fraternité savourée entre maçons et peut se terminer comme pour Augustin et Monique au Ch. 9 des Confessions !
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Pour ces raisons, au niveau des obédiences, qui ne sont pas, comme les juridictions, des ordres, instaurons sans tarder :
1 - LE DROIT UNIVERSEL D’INTER VISITE, et ce pour quatre raisons :
- Le sentiment d’être des frères en maçonnerie est une évidence pour tous les maçons français
- Chaque frère doit pouvoir partager ce qui fait la vérité de son frère, condition de la tolérance
- La maison sera plus belle si elle doit accueillir : le mur de la régularité est le cache misère de bien des médiocrités, de pensée et même de qualité rituélique (je peux en témoigner !)
- Il est ridicule et dangereux de donner des ordres dont on sait pertinemment qu’ils ne seront pas suivis !!!
2 – La multiplication de RENCONTRES ET COLLOQUES INTER-OBEDIENTIELLES propres à développer, hors du champ politicien, notre réflexion humaniste face à la barbarie et à l’irresponsabilité.
3 – UNE OBEDIENCE FEMININE RESOLUMENT “REGULIERE“ ET SPIRITUALISTE, enrichissant ainsi le choix proposé à nos compagnes. Pourquoi priver les femmes d’une authentique obédience spirituelle, et, tout autant, pourquoi nous priver de la richesse spirituelle des femmes !
4 – Une CONFEDERATION DES OBEDIENCES de notre pays la plus large possible, propre à changer le paysage maçonnique français, et donc bientôt européen, jusqu’à ce que nous examinions avec bienveillance la demande de reconnaissance de la Grande Loge Unie d’Angleterre, épuisée par la consanguinité et en recherche de Force et Vigueur renouvelées !
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J’espère dans la sagesse de nos Grands-Maîtres, qui sauront, je le souhaite, quitter le modèle politique pour choisir le seul service des frères et de l’idéal maçonnique.
Parmi les principaux, l’un d’eux a déjà commencé, et je le dis d’autant plus volontiers que des divergences de méthode et des agacements de calendrier des priorités m’ont amené à signifier à son égard un virulent désaccord qui aurait dû rester privé et s’est retrouvé sur le web, ce que je regrette profondément.
L’humilité, l’honnêteté et les profondes convictions maçonniques de Claude Beau font en effet que je vois en lui l’un des acteurs de ce renouveau, à qui je fais confiance pour mener la jeune barque d’une obédience née dans les tempêtes et exposée aux “torpilles fraternelles“ des collègues, dans les eaux françaises et internationales… On se refait une “virginité reconnue“ comme on peut !
Encore une fois, de toutes parts, et sur toutes les questions abordées ici, ne confondons pas les obédiences, appelées à constituer un terreau commun garantissant union, échanges, compréhension et largeur de vues, et les voies très spécifiques des juridictions, propres à répondre aux aspirations les plus exigeantes, qui pourront s’y développer.
Francis BARDOT, 29 avril 2015
Le texte de Francis Bardot au format pdf
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Le colloque organisé par Francis Bardot.
Attention ! Cet article, comme tous les articles du "Bloc-Notes de Jean-Laurent sur les Spiritualités", (http://www.jlturbet.net/) est écrit en mon nom personnel.
Je ne parle ni au nom d'une association, ni d'un parti, ni d'une loge, ni d'une obédience maçonnique.
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Je ne suis en aucune façon habilité à écrire au nom d'une association, d'un parti, d'une loge, d'une obédience maçonnique. Tout ceci pour que cela soit bien clair, qu'il n'y ait aucune ambiguïté de quelque nature que ce soit.
Quelles que soient mes responsabilités - ou non - présentes ou futures dans une organisation, les propos tenus dans cet article comme dans tous les articles de ce Bloc-Notes, sont exclusivement des opinions personnelles qui n'engagent que moi.
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Dans son article 10, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »
Dans l'article 11, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose aussi que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »
Ces deux articles ont valeur constitutionnelle car le préambule de la Constitution de la Ve République renvoie à la Déclaration de 1789.
La Constitution et les Lois de la République Française s'appliquent sur l'ensemble du territoire national et s'imposent à tout règlement associatif particulier qui restreindrait cette liberté fondamentale et Constitutionnelle de quelque façon que ce soit.
Jean-Laurent Turbet
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