Voici un article d' Alain Bauer, ancien Grand Maitre du Grand Orient de France, publié dans la rubrique "Opinions" du journal Le Monde :
Comme toujours, la période des "marronniers" hebdomadaires s'est ouverte. Entre "mal de dos, mal du siècle", "le salaire des cadres", "les loyers à....", "les francs-maçons" font ou doivent faire vendre. Au-delà de l'anecdote, toujours amusante, c'est la qualité de la participation des francs-maçonnes et des francs-maçons au débat public qui devrait interpeller.
Depuis toujours, ils ont construit dans leurs loges un espace libre de dialogue et de confrontation des idées qui a permis, depuis la création de la République, d'en accompagner les progrès pour le meilleur, et le reflux provisoire dans ses malheurs.
Contrairement aux idées reçues et aux ignorances cultivées, la franc-maçonnerie n'ignore rien de la politique. Par ses réflexions, ses propositions, l'engagement individuel ou collectif de ses membres, elle a été de tous les combats pour les libertés, l'abolition de l'esclavage, le suffrage universel, le droit de vivre et de mourir dans la dignité...
La franc-maçonnerie n'a jamais été frileuse. Elle a simplement choisi des options différentes pour agir, et le plus souvent au grand jour. Il aura fallu les persécutions de l'Occupation pour qu'elle s'impose, au-delà du silence qui favorise l'écoute, une pseudo-culture du secret au nom de la protection naturelle de ses adhérents, qui pensaient devoir cacher leur appartenance, et de ses débats, qui évitent le brouhaha et la confusion engendrés par la culture du spectacle.
Le temps de l'élection présidentielle vient, comme toujours, troubler un ordonnancement traditionnellement marqué par les invitations des principaux responsables politiques devant les loges avant la période de campagne puis, sauf catastrophe comme celle d'avril 2002, le silence face au libre choix des électeurs, chacun étant jugé suffisamment informé. Les cultures des grandes organisations maçonniques (Grand Orient, Grande Loge de France, Grande Loge Féminine de France, Droit humain, Grande Loge nationale Française, Grande Loge traditionnelle et Symbolique Opéra, etc.) sont suffisamment diverses pour éviter toute intervention dans le scrutin.
DES CITOYENS LIBRES
A titre personnel, les francs-maçonnes et les francs-maçons sont des citoyens libres qui choisissent qui ils veulent. Ils se doivent simplement de ne jamais dépasser ces choix personnels pour tenter d'instrumentaliser leur association. Il doit en être de même à l'occasion de ce scrutin.
Mais encore faudrait-il que la première phase, celle de l'audition et du questionnement, ait pu se dérouler normalement au sein des organisations maçonniques qui ont la culture de la rencontre publique avec l'opinion. Cette absence, en grande partie involontaire, crée les conditions d'une demande qu'il faut satisfaire dans le respect de règles qui interdisent le soutien public des institutions maçonniques et autorisent, sans usage de titres ou de fonctions anciennes ou présentes, la participation naturelle au débat démocratique.
Le problème ne réside pas tant dans la direction des obédiences que dans leur - pas si nouvelle mais de plus en plus pesante - incapacité à porter le message des loges qui, imperturbablement, travaillent et proposent, mais sans relais national.
Certains se font des illusions sur le pouvoir supposé des Frères et des Soeurs, ou s'inquiètent du vide des propositions qui auraient pu nourrir le débat. Les loges fourmillent de ces idées fortes qui ont construit tous les progrès de la République. Mais il manque ce formidable haut-parleur que sont la mise en forme et la publication des meilleurs débats, des meilleures propositions.
Il est encore temps de contribuer, à tous les niveaux, à l'affirmation d'un socle républicain, enraciné sur les valeurs traditionnelles qui sont communes à la franc-maçonnerie et à la République. Il faut plus de liberté, plus d'égalité, beaucoup plus de fraternité, pour vivre ensemble dans notre diversité.
Et il faut donc participer au débat, proposer, réfléchir ensemble, dialoguer pour enfin traiter des crises subies ou à venir, qu'elles investissent les banlieues, l'environnement, la famille.
Plus que d'un appel à voter pour ou contre qui que ce soit, les francs-maçons et les francs-maçonnes doivent renouveler la boîte à outils de la République pour que celle-ci trouve toujours des républicains, ou des républicaines, pour la diriger démocratiquement.
Alain Bauer est ancien grand maître du Grand Orient de France.
Les plus du blog de Jean-Laurent :
- Voir l'article que j'avais consacré sur ce bloc au numéro du Point consacré aux présidentiables et les francs-maçons.
- Exclusif : Le prochain livre coécrit par Alain Bauer et Roger Dachez (président de l'Institut maçonique de France, rédacteur en chef de Renaissance traditionnelle) sortia dans toutes les bonnes librairies le 4 avril prochain. Il s'agira d'un polar maçonnique où ... tout le contexte est vrai, mais écrit sous forme de roman policier. Je ne manquerai pas de le chroniquer sur ce site.
- Humour : Rendons le Karcher à Bauer : A l'époque où il était Grand Maître du Grand Orient de France, Alain Bauer parlait de "passer les obédiences au Karcher" afin d'éradiquer les Francs-Maçons véreux. Bien avant que Nicolas Sarkozy ne parle de passer... les banlieues aux Karcher. Nul doute que - devenu un soutien et proche conseiller du ministre de l'Intérieur - il ne lui ai soufflé cette expression à l'oreille. Rendons donc le Karcher à Bauer.
- Lire l'interview d'Alain Bauer donnée à l'Express en 2005 à l'occasion de la sortie de son livre Le crépuscule des Frères.
- Le site de Renaissance Traditionnelle.
Commenter cet article