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Le Blog des Spiritualités

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Benoît & les musulmans.

Publié par Jean-Laurent Turbet sur 16 Septembre 2006, 10:26am

Catégories : #Religions

BENOIT XVI, s'exprimait mardi dernir devant les étudiants et les enseignants de l'université catholique de Ratisbonne où il enseigna lui même la théologie de 1969 à 1977.

Ses propos depuis ne cessent de créer des remous dans le monde musulman.

Qu'a dit exactement le pape ?  Il évoque le rapport entre foi, raison et violence dans la religion musulmane et cite à titre d'exemple un livre de l'empereur byzantin Manuel II Paléologue (1350-1425).

Dans cet ouvrage, « Entretiens avec un musulman, 7 e Controverse »,  l'empereur expose le dialogue qu'il a entretenu, probablement entre 1394 et 1402, avec un Persan musulman érudit.

 Benoît XVI  dit : « Dans la septième Controverse, l'empereur aborde le thème du Jihad (la Guerre sainte). L'empereur devait savoir que la sourate 2-256 dit : Il n'est nulle contrainte en matière de foi. Selon les spécialistes, c'est l'une des premières sourates, datant de l'époque où Mahomet était encore sans pouvoir et menacé. Mais l'empereur connaissait aussi naturellement les commandements sur la Guerre sainte contenus (...) dans le Coran. Sans s'attarder sur des détails, comme la différence de traitement entre les croyants et les infidèles, il pose à son interlocuteur, d'une manière étonnamment abrupte pour nous, la question centrale du rapport entre religion et violence. Il lui dit : Montre-moi donc ce que le prophète Mahomet a apporté de nouveau. Tu ne trouveras que des choses mauvaises et inhumaines, comme le droit de défendre par l'épée la foi qu'il prêchait . » « L'empereur, après avoir tenu des propos si forts, explique en détails pourquoi il est absurde de diffuser la foi par la violence. Une telle violence est contraire à la nature de Dieu et à la nature de l'âme... »

Ce texte laisse donc entendre un double langage du prophète Mahomet dans le Coran entre sa période initiale (où il se défend du recours à la violence) et sa directive, plus tard, de répandre l'Islam par l'épée.

Les propos du pape sont-ils dus à une simple maladresse ou à des convitions profondes ? Le mystère reste entier.

En tout cas une chose est sûre, c'est que son discours, a mis le feu aux poudres dans le monde musulman. Le  porte-parole du Vatican assurait jeudi soir « qu'à aucun moment le souverain pontife n'entendait offenser les musulmans »? Celà suffira-t'il ?

Comme le note J-B Venditti dans le Parisien d'aujourd'hui "de tels propos du pape ne peuvent que susciter l'étonnement, au point de se demander si, au risque de défaire des années d'efforts pour le dialogue entre les enfants d'Abraham, son intention n'est pas de faire sortir de l'ombre les ramifications de l'Islam les plus réticentes à condamner fermement la violence. Au risque de braquer les modérés en donnant le sentiment d'alimenter la logique d'un conflit des civilisations. "

Le directeur du Monde des Religions, Frédéric Lenoir, parle lui, toujours dans le Parisien, de "Gaffe monumentale". "Benoît XVI est fidèle à lui-même et à sa logique, qui va avec la mission de son pontificat : ce pape a l'obsession de rappeler à l'Europe ses racines chrétiennes. Il n'a de cesse de montrer les liens historiques entre le christianisme et la raison, pour démontrer sa compatibilité avec une modernité pacifique." dit-il (...) "Benoit XVI a choisi, dans l'ouvrage de ce fameux Manuel Paléologue, les phrases les plus critiques, dépeignant l'islam comme une religion guerrière."  (...) "Benoît XVI ne fait pas par hasard le choix de se situer dans une logique de conflit entre la civilisation chrétienne et la civilisation musulmane. Il faut relier son discours à celui de 2004 contre l'adhésion de la Turquie à l'Europe. Pour lui, les différences culturelles sont trop grandes. Et il n'a de cesse de rappeler que l'Europe, même laïque, est imprégnée du christianisme. Il est tout sauf oecuménique : son souci est de rappeler que la vérité ultime, ce sont les catholiques qui la détiennent." dit-il avant de conclure : "c'est d'abord un doctrinaire avant d'être un grand politique. Il est sincère, j'ai le sentiment que ses convictions profondes l'ont emporté. Mais quelle gaffe diplomatique monumentale ! On comprend que les « pompiers » du Vatican ont fort à faire pour rattraper le coup. Car c'est grave. C'est une attaque directe de l'islam qui ne peut que scandaliser le monde musulman."

Parmi les très nombreuses réactions dans le monde musulman, Le cheikh d'al-Azahr, plus haute autorité de l'islam sunnite dans le monde, Mohammed Sayyed Tantaoui a estimé samedi que les propos du pape Benoît XVI traduisaient "une ignorance de l'islam".et Abdullah Ahmad Badawi, Premier ministre de la Malaisie, a exigé des excuses du pape Benoît XVI .

Le porte-parole des Affaires étrangères iraniennes, Mohammad Ali Hosseini, a déclaré : "Ses commentaires contredisent sa position de leader religieux d'une des religions divines et nous estimons qu'il s'agit d'une grande erreur", en invitant le pape à "reconsidérer rapidement ses propos et à les corriger pour pouvoir consolider les rapports entre les religions".

L'Association des oulémas musulmans algériens  :  "Nous avons été choqués par les propos du pape Benoît XVI qui laisse entendre l'existence de relations entre l'Islam, la violence et l'absence de recours à la raison". Ces déclarations du pape "vont à l'encontre de la ligne tracée par son prédécesseur qui a toujours appelé au rapprochement et au dialogue entre les religions et les civilisations", dit-t-elle.

Dalil Boubakeur, Recteur de la Grande Mosquée de Paris, a réclamé jeudi "une clarification" du Vatican après des propos du pape Benoît XVI sur l'islam tenus lors de son voyage en Allemagne: "Nous souhaitons que l'Eglise nous donne très rapidement son opinion et clarifie sa position, afin qu'elle ne confonde pas l'islam, qui est une religion révélée, et l'islamisme qui n'est plus de la religion mais une idéologie politique."

Une réaction discordante mais somme toute logique, celle du recteur de la mosquée de la porte d'Aix à Marseille Mohand Alili : "Le musulman ne doit pas attendre du pape qu'il va les glorifier. Aujourd'hui, le pape n'a fait que son devoir de pape" a t'il déclaré. Le souverain pontife "n'a jamais été musulman. Alors comment voulez-vous qu'il glorifie l'islam au contraire de la chrétienté. Ca serait paradoxal que les gens puissent penser comme ça". "Benoît XVI "défend ce qu'il est. Alors c'est aux musulmans de dire: 'voilà ce que nous sommes'. Je ne vois pas pourquoi on va créer un système de polémique", "je ne vois pas pourquoi les musulmans s'en prennent au pape au lieu de s'en prendre aux leurs, à ceux qui ont décrédibilisé l'islam", a poursuivi le recteur de la mosquée de la Porte d'Aix. "Je ne vois pas pourquoi je vais m'emporter contre le pape".

Le chef de l'église copte Chénouda III a estimé que les déclarations de Benoît XVI étaient "contraires aux enseignements du Christ".

Le New York Times a qualifié samedi 16 septembre de "tragiques et dangereux" les propos du pape Benoît XVI sur l'Islam, l'appellant à s'excuser : "Le monde écoute attentivement les paroles de tout pape. Et c'est tragique et dangereux quand l'un sème la douleur, délibérément ou négligemment. Il doit présenter des excuses profondes et convaincantes, montrant que les mots peuvent aussi apaiser"

Les réactions des extrémistes ne se sont pas fait attendre : deux églises de Naplouse, en Cisjordanie, ont été la cible de cocktails Molotov tôt samedi. Un groupe jusqu'alors inconnu, les "Lions du monothéisme", a revendiqué ces attentats en affirmant vouloir protester contre les propos du pape sur l'Islam.

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