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Le Blog des Spiritualités

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Un biographie du Rabbin Jacob Kaplan

Publié par Jean-Laurent Turbet sur 15 Juin 2006, 11:34am

Catégories : #Judaïsme

Vu sur le site de Marianne

Religion. Jacob Kaplan : un rabbin tricolore
Le 14/06/2006 à 7 h 00 - par Patrick Girard

Haïm Korsia consacre une excellente biographie à celui qui fut grand rabbin de France de 1955 à 1980 et dont l’action, après la Shoah, permit la reconstruction d’une communauté forte et solide, attachée aux idéaux de la République.

Né à Paris en 1895 de parents d’origine lituanienne, Jacob Kaplan avait, par certains aspects, tout d’un « titi » parisien. En hébreu, son inimitable accent « parigot » faisait la joie de ses interlocuteurs israéliens.

Français, il l’était comme tous ces Juifs originaires d’Europe centrale et orientale qui avaient choisi de s’installer dans le pays de la Révolution française, de l’émancipation des Juifs et de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Un pays où l’adage yiddish disait : « Azoï wie Gott in Frankreich (Heureux comme Dieu en France) ».

Issu d’une famille dont la foi ardente et la pratique religieuse contrastaient avec la tiédeur des Israélites français de vieille souche, il choisit la carrière rabbinique et entra au séminaire de la rue Vauquelin à Paris.

Mobilisé lors de la Première guerre mondiale, il refusa d’exercer la charge d’aumônier israélite auprès du corps expéditionnaire français à Salonique, un corps expéditionnaire qui comptait de nombreuses recrues juives originaires d’Afrique du Nord. Il préféra rester dans les tranchées. Il ne voulait pas passer pour un planqué aux yeux de ses compagnons de combat et de certains officiers qui, imbus de préjugés antisémites, n’avaient pas adhéré au mythe de l’Union sacrée propagée par Maurice Barrès.

Son patriotisme et son passé d’ancien combattant lui valurent d’être nommé rabbin de Mulhouse, dans une Alsace redevenue française et dont les Juifs, à de rares exceptions près, n’avaient jamais renoncé au rêve du retour à la mère-patrie. Il fit merveille dans ses fonctions, parvenant même à convaincre les industriels juifs locaux du textile à fermer leurs usines le jour du Grand Pardon. A l’époque, c’était une véritable révolution !

Après l’élection de Julien Weill comme Grand Rabbin de Paris, Jacob Kaplan le remplaça comme rabbin de la synagogue de la Victoire, le principal temple israélite parisien. C’est durant cette période qu’il défraya la chronique en acceptant de participer à des cérémonies religieuses organisées dans ce lieu de culte par la section israélite des Croix-de-feu du colonel de la Rocque. Celui-ci, qui mourra des suites de sa déportation en Allemagne, n’était pas, contrairement aux autres dirigeants de ligues factieuses ou de mouvements d’extrême droite, antisémite. Ces cérémonies cessèrent après 1936 et la dissolution des Croix-de-Feu et elles alimentent encore aujourd’hui, chez certains historiens du judaïsme français, plus militants qu’observateurs attentifs de la réalité et du contexte, de furieuses polémiques.

Pour Jacob Kaplan, l’intermède de Vichy fut une épreuve indicible. Il s’estima trahi non par la France mais par une certaine France. Ne ménageant pas sa peine pour venir en aide aux persécutés, il intervint auprès des autorités religieuses catholiques et protestantes, ces dernières étant de loin les plus réceptives, et participa à la résistance, échappant de peu, dans les jours précédant la libération de Lyon, à un sort tragique.

Jacob Kaplan dut attendre 1955 pour devenir Grand Rabbin de France, puisqu’on lui avait préféré Iaïe Schwartz, d’origine alsacienne. C’est donc à partir de cette date qu’il prendra la direction spirituelle d’une communauté en voie d’étiolement, profondément revigorée par l’arrivée, suite à la décolonisation, de dizaines de milliers Juifs tunisiens, marocains et algériens.

C’est au sein de cette communauté rénovée que Jacob Kaplan exercera un magistère moral dépassant de très loin le simple cadre du judaïsme comme le rappelle,dans sa préface, Jacques Chirac. Elu à l’académie des Sciences morales et politiques, au fauteuil de Georges Duhamel, il fit entendre à l’Institut la voie du judaïsme. Son désir de promouvoir et de renforcer l’amitié judéo-chrétienne ne l’avait pas empêché de faire preuve d’une grande fermeté dans la tragique affaire Finaly, deux orphelins juifs baptisés durant la guerre que leur protectrice ne voulait pas rendre à leur famille installée en Israël. Sur cette affaire, Haïm Korsia apporte d’utiles précisions et des informations inédites.

En 1967, après la guerre des Six Jours, il n’hésita pas à protester publiquement contre la déclaration du général de Gaulle qualifiant les Juifs de « peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur ». Il eut l’occasion de s’en expliquer de vive voix avec le chef de l’Etat lors de la cérémonie des vœux en janvier 1968 à l’Elysée. Pour de Gaulle, et c’est vraisemblable, ce jugement était plutôt flatteur. Il n’en blessa pas moins beaucoup de Français.

Renonçant à ses fonctions de Grand Rabbin de France en 1980, poste auquel lui succéda René-Samuel Sirat, il fut nommé Grand Rabbin du Consistoire central et demeura très actif jusqu’à sa mort le 5 décembre 1994.

L’excellent portrait que trace Haïm Korsia de Jacob Kaplan n’est pas uniquement un simple exercice biographique. C’est aussi une réflexion en profondeur sur la fonction rabbinique, sur les rapports entre les Juifs et la République et sur les relations entre le génie juif et le génie français.

Haïm Korsia n’a pas tort d’écrire : « Toute la force de l’action de notre grand-rabbin repose sur le modèle de franco-judaïsme attaché au modèle républicain mais également au judaïsme, à leurs vocations communes et à leur intégration dans une identité commune. Tout son génie a été d’atteindre le point d’équilibre où se situent l’idéal du judaïsme et l’idéal de la France ». Une leçon à méditer par certains.

Haïm Korsia, Etre Juif et Français. Jacob Kaplan, le rabbin de la République, préface de Jacques Chirac, Privé, 414 p., 21 euros.

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