« A l'aube de la 6e année du nouveau millénaire, Adolf Hitler (…) s'est réincarné, après sa mort dans les ruines de Berlin, sous les traits d'un obscur terroriste iranien, petit et chétif comme lui, mais propulsé à la présidence de la République islamique d'Iran. »
Dans une tribune au Figaro, Pierre Lellouche, Député et conseiller de Paris et président de l'Assemblée parlementaire de l'Otan, met en garde contre les dérives nucléaires du régime iranien.
Il s’insurge contre l’absence de réaction du monde musulman mais aussi de l’Occident et surtout de l’Europe, « qui a vu naître la folie hitlérienne et sa conclusion : la Shoah. Réponse : les démocraties occidentales «condamnent» et «s'indignent» de propos «scandaleux» et naturellement «inacceptables»... mais au-delà des mots, elles ne font rien ».
Pourquoi il est urgent de répondre au défi iranien
Mais la différence entre Hitler et Ahmadinejad est que le premier a échoué, là où le second est en train de réussir : accéder à la bombe atomique. Selon les rapports de l'AIEA et de son directeur, le prix Nobel de la paix Mohammed ElBaradei, l'Iran se rapproche aujourd'hui dangereusement du «seuil» nucléaire. Et l'acquisition de l'arme nucléaire, qui constitue depuis des décennies l'objectif du programme clandestin iranien, en complète violation de ses engagements internationaux, transformerait cet Etat, qui s'est depuis longtemps affranchi des règles du monde civilisé – que l'on songe à la prise d'otages à l'ambassade américaine de Téhéran en 1979 ou à l'épisode du «diplomate» iranien Wahid Gordji en 1986, qui n'était qu'une illustration de sa pratique ordinaire du terrorisme, y compris sur notre sol –, en une menace autrement plus sérieuse pour la paix et la sécurité internationales.
Ainsi parle aujourd'hui le dirigeant d'un grand pays musulman. Et que dit le reste du monde musulman, un milliard d'hommes, lesquels ne sont pour l'essentiel ni chiites, ni persans ? Réponse : rien. Aucun président, aucun ministre des Affaires étrangères, aucun média arabe, y compris dans les Etats modérés amis de l'Occident, ne s'est élevé pour dénoncer cet appel au génocide des Juifs. Mieux, il s'est même trouvé quelques thuriféraires de la foi islamique pour se féliciter de la force de conviction du président iranien. Deuxième question : si le monde arabo-musulman ne réagit pas, que fait l'Occident et surtout que fait l'Europe, qui a vu naître la folie hitlérienne et sa conclusion : la Shoah. Réponse : les démocraties occidentales «condamnent» et «s'indignent» de propos «scandaleux» et naturellement «inacceptables»... mais au-delà des mots, elles ne font rien.
L'inexistence de l'Europe sur un sujet aussi fondamental n'a d'égale que son échec, aujourd'hui patent, dans le bras de fer qui oppose l'Iran et la Communauté internationale sur ses ambitions nucléaires. Il est clair aujourd'hui que les négociations conduites par les trois Européens avec l'Iran ont fait long feu. Des solutions de compromis raisonnables avaient pourtant été proposées, en vain, aux Iraniens. Ceux-ci viennent d'annoncer, il y a deux jours, la reprise de leurs activités de recherche et d'enrichissement.
Au train où vont les choses, l'Iran d'Ahmadinejad aura la bombe d'ici un an ou deux, tout au plus. Les équilibres régionaux s'en trouveront bouleversés. Outre Israël, les pays arabes modérés, mais aussi la Turquie, qui est notre alliée au sein de l'Otan, risquent de se voir directement soumis à son chantage. Nous-mêmes pourrons a contrario nous féliciter d'avoir eu la sagesse de conserver une force de dissuasion en cours de modernisation. Mais compte tenu des liens étroits entretenus par l'Iran et en particulier par les pasdarans – que M. Ahmadinejad dirigeait encore récemment – avec plusieurs mouvements terroristes djihadistes, dont le Hezbollah, le pire serait à craindre – c'est-à-dire l'emploi de l'arme nucléaire au coeur de nos villes par une nébuleuse d'acteurs terroristes non étatiques –, alors que le territoire iranien serait «sanctuarisé».
On objectera que le président iranien n'est pas aujourd'hui détenteur de la totalité du pouvoir et qu'il demeure soumis en théorie à l'autorité du guide de la révolution Ali Khamenei, sorte de Hindenburg en turban. Mais pour combien de temps encore ? On assurera aussi que ses positions seraient affaiblies par ses propres outrances et plus encore par l'alliance réalisée de facto entre Américains et chiites en Irak. Cela est peut-être vrai. Mais la fuite en avant qu'il a déclenchée est une sorte de quitte-ou-double : soit nous laissons Ahmadinejad poursuivre sur sa lancée programmatique, et c'est l'assurance d'un nouveau conflit majeur au Proche-Orient, dans lequel nous risquerions d'être impliqués ; soit il en est empêché, ce qu'il faut évidemment souhaiter. L'idéal serait qu'il le soit de l'intérieur, à la faveur d'un changement de régime en Iran. On peut malheureusement douter que les circonstances s'y prêtent.
A défaut, il conviendrait, avant que la situation échappe à tout contrôle, que le Conseil de sécurité soit saisi de cette affaire, en espérant qu'il ne fasse pas une nouvelle fois la preuve de son incapacité à agir. Car il ne faut pas se voiler la face : l'un des dommages collatéraux du débat sur les armes de destruction massive en Irak – alors que l'intervention de la coalition aurait très bien pu être justifiée, à mon sens, par la seule nécessité d'écarter un dictateur particulièrement sanguinaire – aura été d'affaiblir durablement toute capacité de mobilisation des opinions publiques occidentales sur les questions de prolifération, qui sont aujourd'hui pourtant le danger le plus pressant. Ahmadinejad le sait : aussi pousse-t-il ses feux. A nous de savoir relever ce défi, sans faiblesse. Plus nous attendrons, plus le coût sera élevé.
* Député et conseiller de Paris, président de l'Assemblée parlemen-taire de l'Otan.
Cette tribune est cosignée par les députés UMP Alfred Almont, Richard Dell'Agnola, Bernard Depierre, Claude Goasguen, Arlette Grosskost, Jean-Yves Hugon, Jean-Marc Lefranc, Pierre Lellouche, Lionnel Luca, Richard Mallié, Pierre Micaux, Marc Reymann, Jean-Marc Roubaud et Philippe Vitel.
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