Libération revient aujourd'hui dans deux articles intéressants sur les déclarations parfaitement insupportables du président iranien sur Israël et sur le silence du monde arabo-musulman à ses déclarations.
Avec comme paradoxe que l'état hébreu entretenait - du moins jusqu'à maintenant - des relations sinon privilégiées du moins quelque peu suivies avec l'état perse....
Quid d'ailleurs des réactions des autorités musulmanes de France ? Je ne dit pas qu'elles n'existent pas... je dis simplement que je ne les ai pas lues ou entendues. J'aurais aimé des réactions de condamnations fermes et hautement médiatisées. Avec le temps.... ?
L'article sur la diplomatie israélienne : http://www.liberation.fr/page.php?Article=345168
L'article sur le silence du monde arabo-musulman : http://www.liberation.fr/page.php?Article=345167
Iran
L'Etat hébreu privilégie la diplomatie
Israël a longtemps considéré la puissance perse comme une alliée.
Par Didier FRANCOIS jeudi 15 décembre 2005
Jérusalem de notre correspondant rois fois réitérées, en moins d'un mois, les exhortations du président iranien Mahmoud Ahmadinejad à extirper du Proche-Orient «la tumeur sioniste» ne peuvent guère passer pour de simples dérapages et inquiètent grandement les stratèges israéliens. «Jusqu'où seriez-vous prêt à aller pour arrêter le programme nucléaire iranien?» La question a été posée, il y a juste dix jours, au chef d'état-major de Tsahal. «Environ 2 000 kilomètres», a rétorqué le général Dan Haloutz. Soit la portée utile d'une salve contre Téhéran. «Dieu soit loué, Israël dispose des moyens pour faire échec au régime extrémiste de l'Iran, a renchéri hier Raanan Gissin, porte-parole du gouvernement Sharon. Il n'y aura pas de seconde solution finale.» Coopération discrète. Les relations entre l'Etat d'Israël et la République islamique d'Iran sont donc au plus bas. Et la perspective d'une accession du régime des mollahs à la bombe atomique fait craindre une course régionale aux armes nucléaires, jusque dans les Emirats sunnites du Golfe, qui se vivent comme les cibles principales des ayatollahs chiites. Nombre de responsables israéliens pensent d'ailleurs que l'Etat juif n'est pas forcément le premier visé par l'Iran, malgré la rhétorique de son président. «C'est une des raisons pour lesquelles le consensus, aujourd'hui, en Israël, reste que la priorité doit être donnée aux efforts diplomatiques sur l'option militaire, et que c'est aux Etats-Unis, plus qu'à nous, de prendre l'initiative sur ce dossier», explique Ephraïm Kam, professeur à l'institut Jafee d'études stratégiques et auteur d'un ouvrage sur les rapports anciens entre Israël et l'Iran. Sous le règne du shah d'Iran, et jusqu'à sa chute en 1979, l'empire perse comptait au nombre des alliés stratégiques d'Israël. A l'apogée de cette idylle, en 1977, les deux pays étaient même engagés dans une coopération discrète pour l'élaboration d'un missile balistique de moyenne portée. La révolution islamiste de l'ayatollah Khomeiny (à l'origine du concept de «tumeur cancéreuse» pour définir Israël) n'a pas tué l'espoir d'une «alliance périphérique» avec les Perses pour contrebalancer l'hégémonie arabe dans la région. L'ex-ministre des Affaires étrangères Shimon Pérès était un des porte-drapeaux de cette approche, et a usé de tout son poids pour convaincre les Etats-Unis de la nécessité de «ramener les Iraniens vers l'Occident» en ne les lâchant pas totalement durant leur guerre contre Saddam Hussein. Contorsions idéologiques. Dans les années 80, les Israéliens ont organisé la fourniture limitée d'armes américaines à l'armée iranienne. Un détournement de l'embargo international assumé publiquement en 1982 par Ariel Sharon, alors ministre de la Défense. La guerre contre l'Irak (`1980-1988) justifiait bien des contorsions idéologiques d'autant qu'à cette période les Iraniens avaient arrêté de financer le Fatah de Yasser Arafat, jugé trop proche de Bagdad, pour financer les islamistes du Hamas, alors très faibles dans les Territoires occupés...
Iran
Le mutisme du monde arabo-musulman
Le négationnisme et la création d'un Etat sioniste en Europe y sont deux thèmes populaires.
Par Jean-Luc ALLOUCHE jeudi 15 décembre 2005
i les propos négationnistes du président iranien Mahmoud Ahmadinejad ont provoqué l'indignation d'une bonne partie des responsables politiques dans le monde, les dirigeants arabes et musulmans devant lesquels il a dénoncé, la semaine dernière, la «tumeur» israélienne sont restés cois.
Echanges honteux. Certes, la plupart des Etats arabes et musulmans n'en sont plus désormais au triple refus d'Israël lancé à Khartoum en 1967 (1). L'Egypte et la Jordanie entretiennent une paix, fût-elle glacée, avec l'Etat juif. Mieux, les exportations israéliennes vers les pays arabes ont augmenté de 26 % au cours de cette année, y compris vers l'Irak. Mais ces échanges demeurent protocolaires, soupçonneux. Voire honteux. A Amman et au Caire, les ambassades israéliennes sont «bunkérisées», leur personnel ostracisé par la bonne société. Des universitaires israéliens spécialistes de l'islam en visite en Egypte se sont heurtés plus d'une fois au refus de leurs pairs de les rencontrer, tandis qu'avocats, universitaires, journalistes sont souvent au premier rang de la dénonciation d'Israël. Mais ce sont surtout les médias qui, au gré des péripéties politiques, excitent ou calment l'opinion. En particulier, par le biais de caricatures (2), souvent repoussantes, d'analyses pseudo-historiques et, sur les chaînes satellites arabes, de prêches et de débats religieux. Le site du Middle East Media Research Institute (Memri), basé à Washington, tient un compte presque vétilleux de tous ces dérapages. La dénégation du génocide nazi par le président Ahmadinejad ne tombe donc pas dans l'oreille de sourds. Le thème est populaire un peu partout dans l'opinion au Proche-Orient et, en particulier, la solution du problème : créer un Etat sioniste en Europe, puisque c'est elle qui en est responsable. Une conférence négationniste planifiée à Beyrouth en mars 2001 n'avait-elle pas été annulée qu'au tout dernier moment, après les protestations d'intellectuels arabes comme Edward Saïd, Mahmoud Darwich, Adonis, et de fortes pressions occidentales. En fait, les thèmes mêmes de l'antisémitisme européen ont été enrôlés au Proche-Orient. Surtout les Protocoles des Sages de Sion, disponibles dans la plupart des pays arabes et popularisés à la télévision égyptienne en 2003. Ce qui a suscité la protestation d'Oussama al-Baz, proche conseiller du président Moubarak, dans Al Ahram : «Ceux qui critiquent Israël n'ont pas besoin d'avoir recours à des propos antisémites pour dénoncer sa politique.» Autres dérapages récents : la diffusion, en plein ramadan 2003, d'un feuilleton syrien, Al-Shatat (la Diaspora) sur Al-Manar, la chaîne de télévision du Hezbollah, au scénario fondé sur les mêmes Protocoles, et repris sur une télévision iranienne puis jordanienne. Bien inaliénable. Toutefois, le noeud des polémiques se noue plus que jamais à Jérusalem. Aux yeux des islamistes les plus intransigeants, toute la Palestine est considérée comme un waqf, un bien de mainmorte inaliénable, donc interdit à une souveraineté autre que musulmane. L'Esplanade des mosquées de l'islam, mont du Temple du judaïsme, est devenue le champ clos des théologiens, des politiciens et des... archéologues. Là, la négation se fait théologique : les Juifs n'auraient jamais eu de Temple sur le lieu disputé. «Mon cher, vous ne croyez tout de même pas à ces bêtises de Temple sur le mont...» Propos récents d'un intellectuel modéré palestinien à un intellectuel israélien non moins modéré. Qui, lui, a le malheur d'y croire un peu...
(1) Lors de ce sommet arabe, les Etats présents avaient proclamé un «triple non» : non à la paix, non à la reconnaissance de l'Etat d'Israël et non à la négociation.
(2) Au nom de l'antisionisme. L'image des juifs et d'Israël dans la caricature depuis la seconde Intifada, Joël et Dan Kotek, éd. Complexe
Commenter cet article