Profitant des pressions pesant sur le régime de Hosni Moubarak, des manifestations incessantes et des critiques de l'administration américaine, les "Frères" sont sortis de la position attentiste qui les caractérisait depuis longtemps. Si le nombre limité de leurs candidats — environ 170 — ne menaçait pas vraiment le Parti national démocrate (PND, au pouvoir), il était néanmoins deux fois plus élevé que lors des élections législatives de 2000. Autre signe d'une volonté de sortir de l'ombre, le slogan "L'islam est la solution !" s'affichait sur tous les murs, alors que la Confrérie est interdite en raison de son caractère confessionnel. A travers le pays, des Egyptiens, sympathisants ou non des "Frères", ont témoigné de l'organisation remarquable de la Confrérie sur le terrain. Durant le mois électoral, leur présence a été massive pour contrôler, compter ou dénoncer le remplissage des urnes.
En parvenant à faire élire près de 60 % de leurs candidats, ils ont réussi à prouver leur efficacité à mobiliser leurs partisans. Ce faisant, ils ont affolé le gouvernement, qui a réagi en interdisant l'accès de nombreux bureaux de vote par des cordons policiers. Professant un retour à la charia, c'est-à-dire à la loi révélée par le Coran, tout en s'affirmant représentatif d'un "islam modéré", le discours des "Frères" reste ambigu.
VOTES CONTESTATAIRES
Malgré l'affirmation selon laquelle toutes les décisions de la Confrérie sont prises de manière démocratique, celle-ci est traversée par différents courants plus ou moins dogmatiques. A cet égard, il a été intéressant de constater, lors du dernier tour des élections législatives, que les jeunes de l'organisation répondaient aux violences des partisans du PND par la violence, alors que les consignes étaient, jusqu'à présent, de répondre par la prière ou par la résistance passive.
Pourquoi les "Frères" font-ils si peur au gouvernement égyptien ? A cette question, Abdel Monem Aboul-Fotouh, cadre populaire de la Confrérie, esquive toute référence à la religion en répondant que "ce régime despotique a peur de n'importe quel parti ou mouvement activiste, qu'il soit islamiste, communiste ou libéral, par crainte de perdre le monopole du pouvoir". Le "frère" Ahmed Chaboun, premier imam à entrer au Parlement, interdit de prêche depuis 2002, estime en revanche que "le nom de "Frères musulmans" affole. Mais si le régime écoutait nos propos, il nous encouragerait au lieu de nous emprisonner".
Enfin, le vice-guide de la Confrérie, Mohammed Habib, remet à leur place tous ceux qui, en Egypte ou ailleurs, redouteraient la montée en puissance de l'organisation islamique en soulignant que "les peuples et les nations qui respectent la démocratie doivent respecter la volonté du peuple égyptien. Les Frères musulmans tirent leur légitimité du peuple égyptien et de leur choix électoral". Au-delà de l'aspect religieux, les "Frères", réputés "intègres" par opposition à la "corruption" du régime et des partis en général, ont aussi profité du désenchantement affiché par les Egyptiens à l'égard de la politique. De ce point de vue, la victoire de la Confrérie s'explique aussi en grande partie par l'importance des votes contestataires.
Cécile Hennion
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