BERNARD DELATTREMis en ligne le 05/12/2005
Un procès retentissant s'ouvre, ce lundi, à Douai: celui de Lionel Dumont, le chef des «islamo-braqueurs». Il y a dix ans, ces gangsters-jihadistes avaient écumé le nord de la France.
Et donné du fil à retordre à la police belge.
CORRESPONDANT PERMANENT À PARIS
C'est un procès retentissant qui s'ouvre ce lundi et se tient pendant dix jours devant la cour d'assises de Douai (Nord) : celui du leader présumé du gang dit des «islamo-braqueurs». En 1996, ce gang d'une dizaine d'hommes originaires de la région de Roubaix avait décimé le nord de la France avec une demi-douzaine de braquages sanglants et d'attaques à main armée (contre des supermarchés, des banques et des fourgons de transport de fonds), au cours desquels un automobiliste fut tué et trois policiers ainsi qu'un convoyeur blessés, certains grièvement. On leur impute aussi une tentative d'attentat à la voiture piégée contre un commissariat de Lille à la veille d'un sommet du G 7.
Ce gang fut démantelé en mars 1996 à Roubaix, à la suite d'un assaut de l'escadron d'élite du Raid, dans lequel quatre des malfaiteurs trouvèrent la mort. Leur chef, Christophe Caze, qui était parvenu à prendre la fuite et à franchir la frontière, fut abattu le lendemain près de Courtrai par des gendarmes belges. En 2001, trois membres de ce gang furent jugés en France et condamnés à des peines de 18 à 28 ans de prison. L'un d'eux avait été arrêté en Belgique, où il avait aussi été condamné à dix ans de prison pour une fusillade et une prise d'otages.
A ce jour, le profil des «islamo-braqueurs» reste un sujet d'interrogation. S'agissait-il d'une poignée de paumés qui s'improvisèrent grand délinquants et étaient surtout guidés par de basses motivations financières? Ou de dangereux jihadistes à la solde de réseaux terroristes internationaux?
Gangsters ou islamistes?
Au procès de 2001, l'accusation opta pour la thèse d'une «entreprise criminelle» dans laquelle l'islam n'était «qu'un alibi culturel». Et dans leur défense, les accusés nièrent toute motivation jihadiste. Mais les policiers français, eux, sont persuadés que ce groupe était bel et bien «au coeur d'une nébuleuse terroriste». Ils utilisaient d'ailleurs des armes de guerre (lance-roquettes, grenades, bombes constituées de bouteilles de gaz, etc.), ouvraient le feu à bout portant sur ceux qu'ils trouvaient sur leur passage, et avaient un parcours clairement politique. La plupart d'entre eux, en effet, s'étaient connus en Bosnie dans les années 90, dans les rangs des moudjahidines combattant les Serbes. Leurs chefs, au demeurant, étaient liés à des islamistes soupçonnés d'être des cadres d'al Qaeda ainsi qu'au groupe de l'islamiste du GIA algérien Fateh Kamel: un réseau de trafiquants d'armes et de faux papiers situé dans la mouvance d'Oussama Ben Laden.
Lionel Dumont, dont le jugement s'ouvre donc ce lundi, a été extradé vers la France après son arrestation à Munich en décembre 2003, après des années de cavale, en Asie notamment. En 2001, il avait été jugé par contumace en France et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Ce trentenaire issu d'une famille ouvrière de huit enfants s'était converti à l'islam en 1993, après un service militaire à Djibouti et en Somalie. Il avait ensuite combattu en Bosnie, d'une prison de laquelle il s'était échappé après avoir été condamné à vingt ans de réclusion pour des braquages de stations-service. «Lionel Dumont avait besoin d'un engagement», dit de lui le journaliste français Jean Hatzfeld, qui le rencontra en Bosnie. «En d'autres temps, il aurait pu être anarchiste, maoïste ou trotskiste. L'islam n'a été que conjoncturel dans son itinéraire.» C'est un des points que les jurés devront trancher.
Source : La Libre Belgique
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