Rétablir l'ordre et la justice sur tout le territoire de la République
Face à la violence qui revient, car en matière de crime ce qui est nouveau est souvent ce qu'on a oublié, la réponse publique ne peut être qu'équilibrée. Entre le besoin, l'envie et le plaisir, les trois pulsions qui génèrent la violence, il est nécessaire de répondre avec du sur-mesure et pas du prêt-à-porter. La réponse policière est dans la présence, la visibilité et la proximité : unités locales, qui patrouillent et dialoguent, unités anticriminalité, qui agissent, notamment la nuit, pour garantir la paix publique, unités de renseignements, qui démantèlent le crime organisé, même de basse intensité, unités mobiles pour gérer l'ordre public. Il est difficile de demander à une même police de pratiquer des missions aussi différentes dans le contenu ou la durée. La place des unités mobiles est essentielle pour répondre à l'émeute. Mais la sédentarisation n'est qu'une réponse utile limitée dans le temps. C'est par la réaffectation d'une partie des effectifs que le ministère de l'Intérieur gagnera son pari de reconquête républicaine des quartiers «sensibles».
Reconnaissons donc au ministre de l'Intérieur le courage de sa mission, mais interrogeons-nous aussi sur la place des autres intervenants, fort silencieux à l'exception d'Azouz Begag, dans la gestion d'une crise qui n'est pas limitée à la Seine-Saint-Denis. Curieusement, les violences urbaines au quotidien ou le meurtre d'un photographe quinquagénaire ne connaissent pas le même intérêt des médias audiovisuels. Pas plus que les règlements de comptes entre bandes qui font une trentaine de morts et plusieurs centaines de blessés par an. Il est encore temps de commencer le travail par un diagnostic clair de la situation et la mise en place de mesures adaptées. Sortons de la guerre des thérapeutiques idéologiques confrontant spécialistes de l'homéopathie (tout va bien et un peu de social réglera la question), de la chimie (c'est un peu plus grave, mais avec des antibiotiques on guérit tout) et de la chirurgie (amputons rapidement le membre infecté, miradors et unités d'intervention y pourvoiront), pour entrer dans le chemin, certes plus difficile, de la complexité et des trithérapies.
Le temps des excuses absolutoires et de la répression aveugle doit se terminer pour qu'on entre dans l'équilibre nécessaire entre une véritable prévention, coordonnée au niveau national – qui n'existe toujours pas –, des politiques de dissuasion et des sanctions adaptées intégrant la lutte contre l'absentéisme scolaire. Victor Hugo expliquait qu'ouvrir une école permettait de fermer une prison. Ramener une grande partie des mineurs dans les établissements, en supprimant par exemple l'ultime sanction du système qui prévoit l'exclusion, devrait permettre d'éviter de les envoyer dans un système pénitentiaire jamais adapté à la situation. Les principales victimes de la violence sont les pauvres, les femmes et les immigrés ou les personnes issues de l'immigration. Autant de personnes qui sont confrontées le plus souvent à des agresseurs qui leur ressemblent d'un point de vue social. Il va falloir lutter contre cette autre injustice sociale qu'est la violence.
Voilà pourquoi la deuxième jambe, celle qui porte la prévention, qui traîne depuis vingt ans derrière la première, doit devenir un objectif majeur du gouvernement. Il faut rétablir l'ordre et la justice sur tout le territoire de la République. L'ordre est visiblement en marche. A quand l'autre pas ?
Source : Le Figaro
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