Sylvain Cottin, journaliste a Sud-Ouest a rendu-compte dans son journal du Convent du Grand Orient de France à La Rochelle.
Ce quotidien, de par sa proximité géographique, est en effet aux premières loges pour suivre cet événement.
Voici son article :
1 200 « frères » participent jusqu'à demain au convent que le Grand
Orient délocalise à La Rochelle. Une société qui choisit ses membres au terme d'une vraie « Star Ac » spirituelle.
Vous êtes doté d'un solide appétit, disponible au moins deux soirs par mois, et vous adorez refaire le monde avec vos amis ? Alors, n'hésitez plus, et faites comme déjà 500 autres Rochelais en
rejoignant les rangs de la franc-maçonnerie. Puisque, désormais, les frères du Grand Orient de France (GODF) rivalisent de subtilité pour
s'ouvrir à la société tout en gardant leurs portes fermées, détaillons les quelques formalités qu'il vous sera nécessaire d'accomplir pour intégrer la plus grande obédience du pays.
Jean-Yves Cerfontaine, le Vénérable de la loge rochelaise, s'est prêté au jeu à l'occasion du congrès national. Une quinzaine de nouveaux frères rochelais ont d'ailleurs été
initiés l'an dernier.
1: À qui s'adresser pour participer au casting ?
Tout simplement au Vénérable en personne, à condition d'avoir au moins 18 ans révolus. Et, s'il refuse de jeter ses coordonnées en pâture, vous pouvez toujours entrouvrir l'un des nombreux
ouvrages consacrés au sujet pour noter les bonnes adresses. « Contrairement à ce que l'on pense cela ne fonctionne pas que par cooptation. Une lettre ou un simple coup de fil suffit parfois.
Ensuite, je rencontre une première fois le candidat afin d'évaluer sa motivation, souvent au Café de la Paix. Si je l'estime assez mûr, je lui demande alors d'écrire une demande en bonne et due
forme aux autres vénérables. Ce courrier sera examiné par ce qui correspond au conseil d'administration de la loge, avant que les membres des différents ateliers ne rencontrent successivement le
postulant. »
2: Combien ça coûte, et comment s'habiller ?
Félicitations, l'intensité de votre quête spirituelle a convaincu le jury. Après une longue procédure d'enquête « pas sournoise », vous vous apprêtez à pénétrer dans le saint des saints, ce
cabinet de réflexion de la rue Marius-Lacroix où l'on ne va plus tarder à vous élever au grade d'apprenti à la lumière d'une bougie, mais à l'ombre d'un tibia et d'une tête de mort. Vêtu d'un
costume sombre, il faut auparavant vous plier à une ultime épreuve, celle du bandeau. Ainsi plongé dans l'obscurité, vous répondrez du tac au tac à de rudes questions portant sur des thèmes aussi
éclectiques que la peine de mort, Dieu ou le racisme, et emporterez ainsi le vote de vos mystérieux pairs. « Nous procédons avec des boules blanches et des boules noires? D'où l'expression
blackbouler en cas d'échec. »
S'il refuse de décrire la cérémonie, Jean-Yves Cerfontaine précise en revanche qu'une tenue correcte sera ensuite exigée à chaque réunion. « Dans certains ateliers c'est codifié, mais rien de
très extravagant. »
Côté portefeuille enfin, la cotisation au Grand Orient oscille entre 250 et 300 euros par an, auxquels il vous faudra bien sûr rajouter quelques billets pour financer les agapes, « même si c'est
plutôt buffet froid pour les réunions en semaine ». Des réductions à la carte existent en cas de difficultés passagères.
3: Faut-il forcément être riche et de gauche ?
Il paraît que non. À ceux qui assurent, plein d'ironie, que le convent du Grand Orient prolonge l'Université d'été du PS afin d'éviter les allers-retours aux militants, le Vénérable (lui-même
ancien conseiller municipal) rétorque qu'à peine quatre ou cinq élus fréquentent la loge rochelaise. « Nous comptons aussi des sympathisants de droite parmi nous. Certes, la sensibilité du Grand
Orient est plutôt à gauche, mais nous veillons à la pluralité, au moins pour l'intérêt des débats.
Quant aux revenus, au-delà de l'incomparable patrimoine immobilier du GODF, aucun ticket d'entrée n'est imposé aux frères. Un ouvrier adhérent à l'UMP peut donc rejoindre le Grand Orient pour peu
qu'il sache nouer une cravate. « Pourquoi pas, oui, la diversité des provenances sociales est réelle. Je connais des gens qui sont rentrés en faisant une faute d'orthographe à chaque mot. Nous
jugeons en priorité leur capacité de réflexion, à condition toutefois qu'ils soient en phase avec nos valeurs, comme la République ou le rejet de la xénophobie. Il y a d'ailleurs de plus en plus
de jeunes de 30 à 40 ans qui se rapprochent de nous. »
4: Quelques pièges à éviter
À moins d'être un excellent comédien, les hommes d'affaires en mal de carnet d'adresses seront démasqués avant même le début du parcours
initiatique. « C'est vrai qu'il y a des notables au Grand Orient, mais assez peu d'entre eux viennent du monde des affaires. Celui qui veut nous rejoindre pour enrichir sa clientèle fera donc un
choix imbécile. » Dont acte.
5 : Mais, au fait, à quoi ça sert ?
« À beaucoup de choses », promet Jean-Yves Cerfontaine. « Notamment à entamer une réflexion spirituelle sur le monde qui nous entoure. Les politiques pillent d'ailleurs souvent notre besace.
Rappelons aussi que les Maçons ont contribué à l'avènement de la République, à faire aboutir le vote des femmes, la contraception ou encore l'avortement. »
Une révolution féministe que le Grand Orient n'a curieusement toujours pas réussi à provoquer en son sein. À l'inverse d'autres obédiences, l'appartenance au sexe faible demeure ainsi le seul
critère éliminatoire à l'entrée dans une loge.
Sylvain Cottin.
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