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Le Blog des Spiritualités

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Gnose, Esotérisme, Franc-maçonnerie, Hermétisme, Illuminisme, Initiation, Kabbale, Martinisme, Occultisme, Religions, Rose-Croix, Spiritualités, Symbolisme, Théosophie, et toutes ces sortes de choses...


Les "Oeuvres" de Joseph de Maistre, par Philippe Sollers.

Publié par Jean-Laurent Turbet sur 25 Juin 2007, 14:21pm

Catégories : #Chroniques de livres., #Franc-Maçonnerie, #DeMaistre, #Sollers

Philippe-Sollers.jpgDans un article du Nouvel Observateur intitulé "éloge d'un maudit", Philippe Sollers apporte son point de vue sur l'édition des "Oeuvres" de Joseph de Maistre, qui viennent de paraître :

Les « Œuvres » de Joseph de Maistre

 

Eloge d'un maudit

Il condamna la Révolution française, la démocratie et les idées nouvelles. Difficile de trouver plus réac et moins fréquentable que Joseph de Maistre. Et pourtant les raisons ne manquent pas de le lire. Explications

Connaissez-vous Joseph de Maistre ( 1753-1821 ) ? Non, bien sûr, puisqu'il n'y a pas  aujourd'hui d'auteur plus maudit. Oh, sans doute, vous en avez vaguement entendu parler comme du monstre le plus réactionnaire que la terre ait porté, comme un fanatique du trône et de l'autel, comme un ultra au style fulgurant, sans doute, mais tellement à contre-courant de ce qui vous paraît naturel, démocratique, sacré, et même tout simplement humain, qu'il est urgent d'effacer son nom de l'histoire normale. Maistre ? Le diable lui-même. Baudelaire, un de ses rares admirateurs inconditionnels, a peut-être pensé à lui en écrivant que personne n'était plus catholique que le diable. Ouvrez un volume de Maistre, vous serez servis. Maudit, donc, mais pas à l'ancienne, comme Sade ou d'autres, qui sont désormais sortis de l'enfer pour devenir des classiques de la subversion. Non, maudit de façon plus radicale et définitive, puisqu'on ne voit pas qui pourrait s'en réclamer un seul instant. La droite ou même l'extrême-droite ? 

Pas question, c'est trop aristocratique, trop fort, trop beau, effrayant. La gauche ? La cause est entendue, qu'on lui coupe la tête. Les catholiques ? Allons donc, ce type est un fou, et nous avons assez d'ennuis comme ça. Le pape ? Prudent silence par rapport à ce royaliste plus royaliste que le roi, à ce défenseur du Saint-Siège plus papiste que le pape. Vous me dites que c'est un des plus grands écrivains français ? Peut-être, mais le style n'excuse pas tout, et vous voyez bien que son cas est pendable. Maistre ? Un Sade blanc . Ou, si vous préférez, un Voltaire retourné et chauffé au rouge. D'où l'importance, pour les mauvais esprits en devenir, de ce recueil de certaines des oeuvres les plus importantes de ce maudit comte, «Considérations sur la France», «les Soirées de Saint-Pétersbourg», «Eclaircissements sur les sacrifices», chefs-d'oeuvre rassemblés et présentés admirablement par Pierre Glaudes, avec un dictionnaire fourmillant d'informations et de révélations historiques. Vous prenez ce livre en cachette, vous l'introduisez dans votre bibliothèque d'enfer, le vrai, celui dont on n'a aucune chance de sortir. Ne dites à personne que vous lisez Joseph de Maistre. 

Plus réfractaire à notre radieuse démocratie, tu meurs.
Cioran, en bon nihiliste extralucide, lui a consacré, en 1957, un beau texte fasciné, repris dans « Exercices d'admiration» ( Gallimard , coll. « Arcades », 1986 ) . Il reconnaît en lui « le génie et le goût de la provocation », et le compare, s'il vous plaît, à saint Paul et à Nietzsche. Bien vu. Le plaisir étrange qu'on a à le lire, ditil, est le même qu'à se plonger dans  Saint-Simon. Mais, ajoute Cioran, « vouloir disséquer leur prose, autant vouloir analyser une tempête ». Le style de Maistre ? Voici : «Ce qu'on croit vrai, il faut le dire et le dire hardiment ; je voudrais, m'en coûtât-il grand-chose , découvrir une vérité pour choquer tout le genre humain : je la lui dirais à brûle-pourpoint Feu, donc, mais de quoi s'agit-il ? Evidemment, encore et toujours, du grand événement qui se poursuit toujours, à savoir la Révolution française, dont Maistre a subi et compris le choc comme personne, devenant par là même un terroriste absolu contre la Terreur. Ecoutez ça : « Il y a dans la Révolution française un caractère satanique qui le distingue de tout ce qu'on a vu et peut-être de tout ce qu'on verra. » Cette phrase est écrite en 1797, et, bien entendu, le lecteur moderne bute sur «satanique», tout en se demandant si, depuis cette définition qui lui paraît aberrante, on n'a pas vu mieux, c'est-à-dire pire. Dieu aurait donc déchaîné Satan sur la terre pour punir l'humanité de ses crimes liés au péché originel ? 


 

Tablier maçonnique de Joseph de Maistre

 

Maistre est étonnamment biblique, il se comporte comme un prophète de l'Ancien Testament, ce qui est pour le moins curieux pour ce franc-maçon nourri d'illuminisme. Mais voyez-le décrivant la chute du sceptre dans la boue et de la religion dans l'ordure : «Il n'y a plus de prêtres , on les a chassés , égorgés , avilis ; on les a dépouillés : et ceux qui ont échappé à la guillotine, aux bûchers , aux poignards , aux fusillades, aux noyades, à la déportation reçoivent aujourd'hui l'aumône qu'ils donnaient jadis... Les autels sont renversés ; on a promené dans les rues des animaux immondes sous les vêtements des pontifes ; les coupes sacrées ont servi à d'abominables orgies ; et sur ces autels que la foi antique environne de chérubins éblouis , on a fait monter des prostituées nues. » Et ceci ( au fond toujours actuel ) : « Il n'y a pas d'homme d'esprit en France qui ne se méprise plus ou moins. L'ignominie nationale pèse sur tous les coeurs ( car jamais le peuple ne fut méprisé par des maîtres plus méprisables ) ; on a donc besoin de se consoler, et les bons citoyens le font à leur manière . Mais l'homme vil et corrompu, étranger à toutes les idées élevées , se venge de son abjection passée et présente , en contemplant, avec cette volupté ineffable qui n'est connue que de la bassesse, le spectacle de la grandeur humiliée . » 

Vous voyez bien, ce Maistre n'est pas fréquentable, il vous forcerait à refaire des cauchemars de culpabilité, et, en plus, il vous donne des leçons d'histoire depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours. 

Mais enfin, pour lui, d'où vient ce mal français devenu mondial ? De l'Eglise gallicane, d'abord (polémique avec Bossuet), du protestantisme, en fait, et puis du «philosophisme» . La haine de Maistre pour le protestantisme atteint des proportions fabuleuses, dont l'excès a quelque chose de réjouissant : «Le plus grand ennemi de l'Europe qu'il importe d'étouffer par tous les moyens qui ne sont pas des crimes, l'ulcère funeste qui s'attache à toutes les souverainetés et qui les ronge sans relâche , le fils de l'orgueil , le père de l'anarchie , le dissolvant universel, c'est le protestantisme Maistre n'en finira pas d'aggraver sa diatribe inspirée, notamment dans son grand livre «Du pape» ( 1819 ), malheureusement absent du volume actuel. «Qu'est-ce qu'un protestant ? Quelqu'un qui n'est pas catholique .» 

Et voilà, c'est tout simple, vous voyez bien que cet énervé est maudit, avec lui aucun «oecuménisme» n'est possible. Rome, rien que Rome, tout le reste est nul. On aurait tort, cependant, de penser que Maistre s'en tient au registre de l'anathème. « Les Soirées », « Éclaircissements sur les sacrifices » sont aussi des traités de haute métaphysique qui suffiraient à prouver l'abîme qui le sépare des «réactionnaires» de tous les temps. 

Ses propos recèlent alors un sens initiatique parfois ahurissant lorsqu'il démontre que la guerre est «divine» et qu'elle est incompréhensible, sinon comme phénomène surnaturel, prouvant qu'il n'y a de salut que par le sang et la réversibilité des mérites. Le lecteur moderne ne peut que s'indigner en entendant parler d'une «inculpation en masse de l'humanité» due à la Chute : «L'ange exterminateur tourne comme le soleil autour de ce malheureux globe, et ne laisse respirer une nation que pour en frapper d'autres Plus hardi encore : «Si l'on avait des tables de massacres comme on a des tables de météorologie , qui sait si on n'en découvrirait pas la loi au bout de quelques siècles d'observation Suspendez «la loi d'amour », dit Maistre, et en un clin d'oeil, en pleine civilisation, vous voyez «le sang innocent couvrant les échafauds , des hommes frisant et poudrant des têtes sanglantes, et la bouche même des femmes souillée de sang humain». 

Ces choses ont eu lieu, elles ont lieu sans cesse. L'amour ? Mais qu'est-ce que l'amour ? Un acte de foi : « La foi est une croyance par amour, et l'amour n'argumente pas. » Cioran, subjugué et accablé par Maistre, termine en disant qu'après l'avoir lu on a envie de s'abandonner aux délices du scepticisme et de l'hérésie. Il y a pourtant des moments où la certitude et le dogme ont leur charme, qu'on croyait aboli. 

Sur le plan de la raison raisonnante, Maistre a eu tort. Il n'a rien vu, bien au contraire, de la régénération qu'il annonçait. Il est mort en 1821 à Turin (date de naissance de Baudelaire), et il est enterré dans l'église des jésuites, à deux pas du saint suaire contesté et du lieu d'effondrement de Nietzsche. Ces trois points triangulaires me font rêver.«OEuvres», par Joseph de Maistre, éd . établie et annotée par Pierre Glaudes, Laffont, coll. «Bouquins», 1 376 p ., 32 euros.

Le comte Joseph de Maistre, né à Chambéry en 1753, mort à Turin en 1821, après avoir émigré lors de la Révolution française, fut l’ambassadeur, à Saint-Pétersbourg, du roi de Sardaigne. Il a publié «Considérations sur la France» en 1796 et «Du pape» en 1819.

 

 

Philippe Sollers

Publié dans le Nouvel Observateur - 2224 - 21/06/2007

L'avis de l'éditeur :
Philosophe, juriste, sociologue avant la lettre, Joseph de Maistre (1750-1821), premier critique d’envergure de la Révolution française, fait partie des penseurs qui ont eu la plus grande influence sur les débats d’idées tout au long du xixe siècle et même encore au xixe.
Contre-révolutionnaires, antimodernes, utopistes romantiques… Qu’ils soient ses admirateurs ou ses détracteurs, très nombreux sont ceux qui ont cru devoir se situer par rapport à sa pensée : Lamennais, Ballanche, Lamartine, Vigny, Sainte-Beuve, les saint-simoniens, Baudelaire, Barbey d’Aurevilly, Auguste Comte, Taine, Renan, Maurras, Bloy, Carl Schmitt, Cioran, etc. C’est pourquoi son œuvre est une entrée de choix dans les débats idéologiques et les grands questionnements politiques du monde moderne : les droits de l’homme, la démocratie, les liens du politique et du religieux, la peine de mort, la guerre…

Joseph de Maistre n’est pas seulement un penseur de premier plan, c’est un véritable écrivain qui ravira les amateurs du beau style et du bel esprit dans la tradition des salons du xviiie siècle, où triomphait l’art de la conversation.
Ses « saillies perpétuelles » qui « tiennent le bon sens sur le qui vive » (Sainte-Beuve) sont en effet rehaussées par une langue réellement admirable : causticité, imagination, acuité intellectuelle, toutes ces qualités font qu’on ne lit plus Bonald, par exemple, mais qu’on relit Maistre, ce « prosateur magnifique », auteur d’ouvrages « d’un style et d’une construction admirables », selon Valéry himself.

Destiné à un large public, intéressant en particulier les étudiants de plusieurs disciplines (littérature, histoire, sciences politiques, philosophie,  sociologie, droit), cette édition, reprenant les principales œuvres de Joseph de Maistre et comprenant un dictionnaire permettant de s’initier aux notions-clés de sa pensée, constitue un travail scientifique novateur.
Pour la première fois, un choix d’œuvres de Maistre est publié dans le respect scrupuleux des manuscrits. Il comprend non seulement des inédits mais un ample apparat savant, chaque texte étant accompagné d’une introduction qui en présente les enjeux et d’une ample annotation qui en éclaire les difficultés. On trouve enfin un choix de variantes, souvent très éclairantes pour entrer dans les mécanismes de la création intellectuelle.

Ce volume réunit un choix des œuvres les plus célèbres de Maistre – Considérations sur la France, Essai sur le principe générateur…, Soirées de Saint-Pétersbourg, Éclaircissement sur les sacrifices – mais aussi des textes moins connus – Six paradoxes, Sur le protestantisme – qui n’ont jamais été réédités depuis leur édition originale.
De surcroît, l’ouvrage comprend un Dictionnaire (200 pages, 150 entrées environ) pour lequel Pierre Glaudes a sollicité la collaboration de deux autres éminents spécialistes de l’auteur. Cette entreprise, ambitieuse, permet de confronter Maistre aux philosophes et penseurs par rapport auxquels il se situe, de Platon à Voltaire, en passant par Hippocrate, Origène, Plutarque, saint Augustin, saint Thomas d’Aquin, Bacon, Malebranche, Bossuet, Locke, Hume, Rousseau, etc.


L’ouvrage est édité sous la direction de Pierre Glaudes, professeur de littérature française à l’université de Toulouse II.



Le Livre :
demaistreoeuvres.gif"Oeuvres" de Joseph de Maitre
Editions Robert Laffont
Collection "Bouquins"
ISBN :
222109543X 
Prix public : 32€
commander-100x30-01.gifPrix FNAC : 30,40€

 

 

Attention ! Cet article, comme tous les articles du "Bloc-Notes de Jean-Laurent sur les Spiritualités", (http://www.jlturbet.net/) est écrit en mon nom personnel.

Je ne parle ni au nom d'une association, ni d'un parti, ni d'une loge, ni d'une obédience maçonnique.

Mes propos n'engagent que moi et non pas l'une ou l'autre de ces associations.

Je ne suis en aucune façon habilité à écrire au nom d'une association, d'un parti, d'une loge, d'une obédience maçonniqueTout ceci pour que cela soit bien clair, qu'il n'y ait aucune ambiguïté de quelque nature que ce soit.

Quelles que soient mes responsabilités - ou non -  présentes ou futures dans une organisation, les propos tenus dans cet article comme dans tous les articles de ce Bloc-Notes, sont exclusivement des opinions personnelles qui n'engagent que moi.

Je rappelle simplement que la liberté d’expression est en France un droit Constitutionnel, quelle que soit notre appartenance à une association de quelque nature que ce soit.

Dans son article 10, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »

Dans l'article 11, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose aussi que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

Ces deux articles ont valeur constitutionnelle car le préambule de la Constitution de la Ve République renvoie à la Déclaration de 1789.

La Constitution et les Lois de la République Française s'appliquent sur l'ensemble du territoire national et s'imposent à tout règlement associatif particulier qui restreindrait cette liberté fondamentale et Constitutionnelle de quelque façon que ce soit.

Jean-Laurent Turbet

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