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Le Blog des Spiritualités

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«Le dimanche nous rappelle nos limites» par Alain Finkielkraut.

Publié par Jean-Laurent Turbet sur 31 Mai 2007, 23:02pm

Catégories : #Opinions

finkielkraut2.jpgQuestions à Alain Finkielkraut dans le magazine Réforme. Pour l’écrivain et philosophe, le repos dominical doit rester un jour chômé afin que la vie ne soit pas entièrement dédiée au dieu consommation.

Propos receuillis par Fanny BIJAOUI.

Y a-t-il un lien entre le dimanche et le jour du shabbat ?
Le dimanche et le shabbat n’ont pas la même signification. Le dimanche, jour du Seigneur, qui vient du latin dies Dominicus, rappelle le jour où le Christ est ressuscité. Le shabbat est le septième jour où Dieu s’est reposé de la création. Il manifestait ainsi que sa puissance était douceur et maîtrise. L’homme, en s’arrêtant de travailler lors du shabbat, prend exemple sur Dieu. Il consent à la limite du pouvoir et de ce qu’il produit, à savoir le profit et le prestige. Mais, dès lors que le dimanche est devenu un jour chômé, il a assumé une fonction sabbatique. Le dimanche, c’est donc l’universalisation du shabbat. Je ne suis pas un juif religieux, mais je pense que cette signification-là doit être préservée, précisément parce que sa portée n’est pas exclusivement religieuse. Elle s’adresse à tous les hommes, quelles que soient leurs croyances. Cette rupture du temps est une manière pour l’homme de ne pas s’abandonner complètement au processus. Je n’ai pas été élevé dans la pratique de cette tradition, mais s’il y a une définition qui me touche particulièrement, c’est celle qui décrit les juifs pieux comme les « fiancés du shabbat ».

Que représente donc pour vous ce jour chômé ?
Pour moi, le dimanche est une parenthèse de désœuvrement dans le monde de l’affairement perpétuel. C’est une exception hebdomadaire au règne de la pensée calculante, une journée laissée en jachère. Si ce projet de loi est mis en œuvre, nous assisterons à l’assujettissement définitif du loisir à la consommation. Il y a une certaine idée du loisir dont le dimanche est porteur, par-delà sa signification religieuse. Or, si le dimanche n’est plus un jour chômé, cette idée tombera dans l’oubli. Ne pas consommer ce jour-là, c’est consentir de vivre à un autre rythme et découvrir sa cité autrement. Nous vivons dans une société hyperagitée où l’ennui lui-même nous manque. Or, c’est dans les moments d’ennui que l’on peut rêver, méditer ou lire. Il faut concevoir le dimanche comme une plage de temps mais, dans la vie courante, la vie n’est pas une plage ! Le loisir, au sens noble du terme, devrait faire partie de la définition de l’humain. Dans notre société, le travail est constitutif de l’identité de chacun. Il doit certes être réhabilité et revalorisé, mais ne doit pas prendre toute la place. L’époque actuelle devrait être celle de la redécouverte des limites, or nous redevenons comme les anciens : effrayés par notre propre démesure. La limite nous manque, le dimanche est là pour nous la rappeler.

Pourquoi avoir affiché votre désaccord avec Nicolas Sarkozy sur ce thème pendant la campagne présidentielle ?
J’ai exprimé des regrets devant cette perspective parce qu’il a eu, par ailleurs, l’intelligence et l’intuition de placer sa campagne à un niveau symbolique. Alors qu’il était le candidat de la droite, il a pris acte du fait que l’homme n’est pas seulement un homo economicus, mais aussi un héritier et un testateur. Or, tout cela a un rapport avec l’idée du loisir dont le dimanche est porteur. Si cette idée disparaît, il n’y aura plus pour l’homme que l’alternance du travail et de la consommation. Tout sera réabsorbé par le processus vital de la société. Il ne me paraît pas très cohérent de vouloir simultanément redonner du sens à la vie et préconiser l’ouverture des magasins le dimanche. Je regrette cette incohérence, car il y avait dans ses discours de quoi donner une définition forte et laïque du dimanche plutôt que d’abandonner, comme il l’a fait, le dimanche au processus vital.

Les arguments des syndicats vous semblent-ils légitimes ?
Je ne me situe pas sur le plan du droit du travail, même s’il est vrai que plus l’ouverture des commerces deviendra facile aux uns, plus elle deviendra obligatoire pour les autres du simple fait de la concurrence. Mais par-delà l’intérêt économique des commerçants et des consommateurs, nous devons envisager le dimanche comme le jour où le silence se fait à nouveau entendre. Toute écologie devrait d’abord se penser comme gardienne du silence, la dimension de la vie la plus menacée actuellement. Le dimanche non chômé, ce seront les embouteillages, les Klaxon, et le vacarme sans fin. J’irai même plus loin : pourquoi ne pas imaginer de supprimer le dimanche les musiques d’ambiance dans les ascenseurs et les cafés ? Les bandes-son musicales, dans lesquelles nous baignons contre notre gré, devraient elles-mêmes faire une pause. Pour toutes ces raisons-là, je suis pour un renforcement du repos dominical. 

Source : Réforme


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